Mais pas le cinéma marocain qui se serait démarqué en soumettant une bonne dizaine de films au comité de sélection. Signe de la vitalité d'une production également marquée par la diversité : les trois films marocains retenus dans la catégorie «longs métrages de fiction» révèlent des sujets et des styles radicalement différents.
Premier à concourir : A Casablanca les anges ne volent pas, projeté dimanche soir à la biennale. Coproduction maroco-italienne, ce film de Mohamed Asli avait été présenté en mai au festival de Cannes, à la semaine de la critique, où il avait déjà attiré l'attention du Matin (voir l'édition du 18 mai).
A travers les histoires de trois personnages qui viennent brûler leurs ailes à Casablanca, le réalisateur y dénonce les dérives d'une société qui se déshumanise sous le coup de la peur, de l'exode rural, et des exigences d'une ville fauve, dévoreuse de rêves.
A Casablanca les anges ne volent pas est un film réaliste qui met le doigt sur une plaie contemporaine avec lucidité et sans misérabilisme, et en s'autorisant de doux mirages comme faire galoper un cheval en liberté dans une grande artère de la ville.
Rien à voir, donc, avec Les fibres de l'âme dans lequel Hakim Bellabbès, qui vit à Chicago, se penche sur les tourments de plusieurs personnages dans la petite ville de Boujâad. En insistant sur la mise en scène de leurs visions, il aborde des problèmes plus atemporels : l'homme ou l'enfant face à la mort, le jeune homme affrontant son père au sujet de son avenir, ou la jeune fille sommée d'aller en ville gagner de quoi nourrir ses parents…
Son traitement narratif et visuel est assez déconcertant, mais trop farfelu pour convaincre. Hakim Bellabbès ose : des personnages parlant à la caméra, des interstices oniriques ou cauchemardesques, des sauts dans le montage...
Mais, en exagérant l'absurde, il fait progresser de front les différentes histoires sans se soucier du lien entre elles, à grand renfort de symboles épais pas toujours évidents à déchiffrer.
Un style personnel certes, rappelant peut-être certaines expériences menées par le réalisateur Bertrand Blier, mais qui, surchargé, échoue à installer un univers. Reste des plans marquants comme cet enfant vérifiant les battements du cœur de sa petite sœur, ou cette jeune fille traversant dans les vagues pour rejoindre Sidi Abderrahmane dans la baie de Casablanca.
Sauvegarder le patrimoine culturel marocain
Comme pour mieux faire ressortir leurs contrastes, les deuxième et troisième fictions marocaines présentées en compétition ont été projetées à la suite lundi soir. «Mon film n'a pas eu une sortie normale au Maroc» a déclaré Mohamed Abderrahmane Tazi en venant présenter Les Voisines d'Abou Moussa.
«Il est sorti quelques jours avant les attentats du 16 mai 2003. Les salles, dont le Megarama de Casablanca, ont fermé pour des raisons de sécurité, et le film n'a pas été reprogrammé» a déploré le réalisateur du célèbre A la recherche du mari de ma femme. Avant d'ajouter : «Ma préoccupation principale se concentre sur les problèmes d'identité, surtout à l'heure de la mondialisation.
Quelle sauvegarde pour notre patrimoine culturel marocain ? J'ai donc décidé d'adapter Les Voisines d'Abou Moussa, premier roman de Ahmed Toufik, l'actuel ministre des Affaires Islamiques. C'est un conte qui se déroule au 14ème siècle entre Fès et Salé». Chama, une ravissante esclave, se retrouve, suite à un incident, forcée de quitter son maître qui l'adore, le juge Ibn al Hafid, pour épouser un ministre du Sultan, Abou Salim al-Juraï. C'est le début d'un destin tumultueux où elle se heurtera en permanence aux intrigues des puissants. Elle ne sait pas, pourtant, que Abou Moussa veille sur elle.
Ange gardien, vieux sage, aussi le spectateur muet de cette histoire.
«C'est extrêmement important qu'on se réapproprie notre patrimoine, a martelé Kahina Attia-Riveill , la monteuse du film également présente à la projection. Notre histoire n'existe presque pas dans notre cinéma sauf à travers quelques feuilletons télévisés.
Il y a des œuvres majeures en Syrie et en Egypte mais pas en Afrique du Nord. Le roman de Ahmed Toufik m'a permis de découvrir une partie de l'histoire de ma patrie et cet arabe littéraire qui est en train de disparaître. Sur le plan de la culture et de la civilisation, Mohamed Abderrahmane Tazi est en train d'aller au fond des choses».
Le réalisateur a, en effet, veillé à reconstituer avec un extrême souci du détail, le contexte de l'époque : architecture, artisanat, costumes, ameublement... Une bonne partie du film se déroule dans un foundouk de Fès qui a été restauré pour l'occasion et où travaillent tisserands, sculpteurs, selliers… Malgré cela, «le budget de ce film correspond à 45 secondes du Seigneur des Anneaux» a tenu à préciser le réalisateur.
A Casablanca les anges ne volent pas, film marocain et italien de Mohamed Asli avec Abdessamad Miftahalkhair, Abderrazzak el Badaoui, Laila el Ahiani, Rachid el Hazmir. Image : Roberto Meddi. Son : Mauro Lazzaro.
Les fibres de l'âme, film marocain et américain de Hakim Bellabès avec Azzedine Bouayad, Souad Mellouk, Laura Marks, Mohamed Zoueir, Ali Allali, Mostafa Salamat, Houda Rihani, Tareq Bkhari. Image : Maïda Sussman. Son : Fabio Santesarti.
Les Voisines d'Abou Moussa, film marocain de Mohamed Abderrahmane Tazi avec Bouchra Charaf, Pmar Chanbod, Mohamed Miftah, Ahmed Taïb El Alj, Naïma Lemcherki. Image : Federico Ribes et Nicolas Munos. Son : Abdellah el Karaoui.
Premier à concourir : A Casablanca les anges ne volent pas, projeté dimanche soir à la biennale. Coproduction maroco-italienne, ce film de Mohamed Asli avait été présenté en mai au festival de Cannes, à la semaine de la critique, où il avait déjà attiré l'attention du Matin (voir l'édition du 18 mai).
A travers les histoires de trois personnages qui viennent brûler leurs ailes à Casablanca, le réalisateur y dénonce les dérives d'une société qui se déshumanise sous le coup de la peur, de l'exode rural, et des exigences d'une ville fauve, dévoreuse de rêves.
A Casablanca les anges ne volent pas est un film réaliste qui met le doigt sur une plaie contemporaine avec lucidité et sans misérabilisme, et en s'autorisant de doux mirages comme faire galoper un cheval en liberté dans une grande artère de la ville.
Rien à voir, donc, avec Les fibres de l'âme dans lequel Hakim Bellabbès, qui vit à Chicago, se penche sur les tourments de plusieurs personnages dans la petite ville de Boujâad. En insistant sur la mise en scène de leurs visions, il aborde des problèmes plus atemporels : l'homme ou l'enfant face à la mort, le jeune homme affrontant son père au sujet de son avenir, ou la jeune fille sommée d'aller en ville gagner de quoi nourrir ses parents…
Son traitement narratif et visuel est assez déconcertant, mais trop farfelu pour convaincre. Hakim Bellabbès ose : des personnages parlant à la caméra, des interstices oniriques ou cauchemardesques, des sauts dans le montage...
Mais, en exagérant l'absurde, il fait progresser de front les différentes histoires sans se soucier du lien entre elles, à grand renfort de symboles épais pas toujours évidents à déchiffrer.
Un style personnel certes, rappelant peut-être certaines expériences menées par le réalisateur Bertrand Blier, mais qui, surchargé, échoue à installer un univers. Reste des plans marquants comme cet enfant vérifiant les battements du cœur de sa petite sœur, ou cette jeune fille traversant dans les vagues pour rejoindre Sidi Abderrahmane dans la baie de Casablanca.
Sauvegarder le patrimoine culturel marocain
Comme pour mieux faire ressortir leurs contrastes, les deuxième et troisième fictions marocaines présentées en compétition ont été projetées à la suite lundi soir. «Mon film n'a pas eu une sortie normale au Maroc» a déclaré Mohamed Abderrahmane Tazi en venant présenter Les Voisines d'Abou Moussa.
«Il est sorti quelques jours avant les attentats du 16 mai 2003. Les salles, dont le Megarama de Casablanca, ont fermé pour des raisons de sécurité, et le film n'a pas été reprogrammé» a déploré le réalisateur du célèbre A la recherche du mari de ma femme. Avant d'ajouter : «Ma préoccupation principale se concentre sur les problèmes d'identité, surtout à l'heure de la mondialisation.
Quelle sauvegarde pour notre patrimoine culturel marocain ? J'ai donc décidé d'adapter Les Voisines d'Abou Moussa, premier roman de Ahmed Toufik, l'actuel ministre des Affaires Islamiques. C'est un conte qui se déroule au 14ème siècle entre Fès et Salé». Chama, une ravissante esclave, se retrouve, suite à un incident, forcée de quitter son maître qui l'adore, le juge Ibn al Hafid, pour épouser un ministre du Sultan, Abou Salim al-Juraï. C'est le début d'un destin tumultueux où elle se heurtera en permanence aux intrigues des puissants. Elle ne sait pas, pourtant, que Abou Moussa veille sur elle.
Ange gardien, vieux sage, aussi le spectateur muet de cette histoire.
«C'est extrêmement important qu'on se réapproprie notre patrimoine, a martelé Kahina Attia-Riveill , la monteuse du film également présente à la projection. Notre histoire n'existe presque pas dans notre cinéma sauf à travers quelques feuilletons télévisés.
Il y a des œuvres majeures en Syrie et en Egypte mais pas en Afrique du Nord. Le roman de Ahmed Toufik m'a permis de découvrir une partie de l'histoire de ma patrie et cet arabe littéraire qui est en train de disparaître. Sur le plan de la culture et de la civilisation, Mohamed Abderrahmane Tazi est en train d'aller au fond des choses».
Le réalisateur a, en effet, veillé à reconstituer avec un extrême souci du détail, le contexte de l'époque : architecture, artisanat, costumes, ameublement... Une bonne partie du film se déroule dans un foundouk de Fès qui a été restauré pour l'occasion et où travaillent tisserands, sculpteurs, selliers… Malgré cela, «le budget de ce film correspond à 45 secondes du Seigneur des Anneaux» a tenu à préciser le réalisateur.
A Casablanca les anges ne volent pas, film marocain et italien de Mohamed Asli avec Abdessamad Miftahalkhair, Abderrazzak el Badaoui, Laila el Ahiani, Rachid el Hazmir. Image : Roberto Meddi. Son : Mauro Lazzaro.
Les fibres de l'âme, film marocain et américain de Hakim Bellabès avec Azzedine Bouayad, Souad Mellouk, Laura Marks, Mohamed Zoueir, Ali Allali, Mostafa Salamat, Houda Rihani, Tareq Bkhari. Image : Maïda Sussman. Son : Fabio Santesarti.
Les Voisines d'Abou Moussa, film marocain de Mohamed Abderrahmane Tazi avec Bouchra Charaf, Pmar Chanbod, Mohamed Miftah, Ahmed Taïb El Alj, Naïma Lemcherki. Image : Federico Ribes et Nicolas Munos. Son : Abdellah el Karaoui.
