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Acta est fabula...

Sharon peut jubiler : acta est fabula, la pièce est jouée. Yasser Arafat est mort. Le rictus et l'accent guttural, le sourire qui barrait son visage de paysan du Nil, ses tics et son allure tantôt sûre tantôt titubante, notamment ces dernières années, tou

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Abou Ammar a présidé au destin en lambeaux d'une reconstitution de la Palestine, comme jamais quelqu'un d'autre ne l'a fait. Il est à son peuple et aux peuples arabes et à ceux du tiers-monde ce que l'icône est au messianisme. Plus qu'une figure emblématique, en tout cas ! Créateur de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), dont il deviendra en février 1969 le chef du comité exécutif, il sera aussi proclamé en 1996, c'est-à-dire vingt-sept ans plus tard, le «Président de l'Autorité de Palestine», qui n'est en fait ni un Etat ni même un territoire, mais seulement un peuple regroupé après d'innombrables odyssées sous le regard sourcilleux et inquisiteur d'Ariel Sharon avec lequel il n'aura de cesse de croiser le fer et qu'il finira, de guerre lasse, par abandonner en attendant un autre monde.

Il a certes confiné à la Palestine sa légitimité historique et ses institutions, malmenées évidemment par l'armée israélienne et les dissensions meurtrières en interne, mais il a constitué, pour reprendre l'expression du philosophe allemand Hegel, la «conscience malheureuse» du monde arabe. Comme de Gaulle, il est décédé à quelques heures près un jour de novembre .

Les larmes et les mots qui fusent ne suffisent pas à tempérer la douleur de tous ceux qui ont suivi son destin exceptionnel et tragique, qui contemplent le cours ironique de l'histoire d'un homme au parcours atypique dont l'enterrement, comme son propre statut de son vivant, a continué à faire l'objet de sordides tractations, qui n'aura jamais vu se hisser son Etat indépendant, qui nous laisse l'amer goût d'une victoire inachevée de la justice. Cette justice qui le nargue alors qu'il nous quitte, sera-t-elle toujours du côté des plus forts une fois enterré à la fois l'homme qui s'en réclamait et le rêve qu'il nourrissait de voir émerger une nation démocratique en Palestine ? Pour sûr, Yasser Arafat ne s'ennuyait pas sur son esquif. Combattant il est né, combattant il est resté. Mais, on eût pu partager avec lui, si Sharon ne s'est pas trouvé sur son chemin à Beyrout en septembre 1982 ou à Ramallah ces quatre dernières années, les joies d'une indépendance acquise et conquise de haute lutte.

Les hommages à son endroit fleurissent de partout, comme pour nous rappeler que la mort d'un homme, de surcroît illustre, a toujours mieux tiré les autres de leur recul et les incline à prendre conscience des paradigmes de la vie. Yasser Arafat, nous quittant au débotté, ne résout pas le problème à la fois de sa succession et de cette malheureuse contrée du Proche Orient chère à nos cœurs, il ouvre une sorte de " boîte de Pandore ". Quand bien même son inamovible et irréductible adversaire exulterait, l'histoire comme une digue le rattrapera pour l'interpeller : qu'est-ce qui empêchera désormais le processus de négociations au Proche Orient de reprendre ?

Quel nouvel obstacle surgira-t-il du chapeau du Premier ministre israélien qui , au motif fallacieux que Yasser Arafat " ne représentait rien ou que lui-même ", continue jusqu'à nouvel ordre à bloquer la paix et l'espoir au Proche Orient ? Mais, dira-t-on, il n'y a plus d'obstacles à la paix, sauf à s'imaginer que la parodie s'érige en système d'Etat en Israël. L'adversaire acharné de Sharon, le chef d'Etat de Palestine est parti, chassant les brumes et dissipant les nuages sur le chemin laborieux de la paix. Pour autant, la grandeur ne résiderait-elle pas un abaissement d'orgueil que Sharon prendrait sur lui-même d'opérer ?
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