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Au fil des jours : Kénitra, une ville où foisonnent les laiteries, les cafés et où disparaissent comme par enchantement des librairies

Kénitra, une ville de plus de 400 000 habitants, souffre d'un manque chronique d'infrastructures culturelles et de loisirs pour jeunes et moins jeunes. Pourtant dans le passé, il existait plusieurs espaces répondant aux besoins de cette population.

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Youssef, un enseignant de quelque cinquante ans, se rappelle comme si cela datait d'hier qu'on ne pouvait s'ennuyer à Kénitra, la ville regorgeait de lieux de création artistique, culturelle, ludique et sportive. Il évoque, non sans nostalgie, ce foyer culturel à la place administrative qui dispensait des cours de radio amateur, de musique et de théâtre, ce moto-club qui abritait des compétitions, cet Auto Club qui souvent organisait des circuits de vitesse automobiles, ce club de l'aviron qui avait brillé par les jeunes sportifs qu'il formait dans les diverses disciplines du sport nautique et ce ciné club qui était l'un des plus dynamiques du Maroc.

C'est à cette époque que la ville de Kénitra avait deux clubs de foot en première division, le KAC et la RSK, une équipe de basket-ball qui était l'une des meilleures équipes à l'époque, une équipe de hand-ball, une équipe de volley-ball et enfin une équipe de rugby. Toutes ces équipes, sans exception, constituaient un réservoir de talents pour les équipes nationales. Il souligne en passant qu'il y avait en outre un club équestre et un autre club de Tennis qui participaient à des concours nationaux et en organisaient.

Que reste de tout cela ? Rien ou presque. Il n'y a pas plus alarmant que de voir toute cette jeunesse pâtissant dans le désoeuvrement faute d'activités culturelles, artistique ou sportives. Même les salles de cinéma qui faisaient jadis le bonheur des cinéphiles sont dans un état décadent sinon certaines ont complètement disparu faute d'entretien. La plupart des gens tuent leur temps en passant des heures et des heures dans des cafés qui connaissent un essor sans précédent. Une initiative de création d'un salon littéraire cette année a été vouée à l'échec en raison du peu d'intérêt que les gens portent à tout ce qui est littéraire voire culturel.

En se promenant dans les quelques espaces verts, l'on est frappé par cette présence massive de jeunes qui côtoient des retraités sur les bancs publics.
Un de ces retraités nous confie sa préoccupation quant à l'oisiveté de ces jeunes. Il tient à exprimer son inquiétude à travers cet adage célèbre " L'oisiveté est mère de tous les vices ". Selon cette personne, toutes les composantes de la société civile doivent se pencher sur ce problème et songer en conséquence au devenir de toute une génération. Une activité sportive, artistique ou intellectuelle demeure un moyen de prévention contre tout dérapage et contre tous les vices tels que la toxicomanie, la violence et autres comportements délictuels.

Un autre père de famille exprime ses inquiétudes quant au périclitement des salles de cinéma qui étaient au nombre de six et dont il ne reste que quatre salles dans un état assez déplorable. Seule une de ces salles a eu le mérite d'entreprendre des travaux d'aménagement sans que l'exemple ne soit suivi. Pour lui, la prolifération de cafés pleins à craquer à tout moment de la journée s'explique par l'absence d'infrastructures sportive, artistique et culturelle au niveau de la ville. «On ne peut s'attendre à rien de ce côté dans une ville où foisonnent les laiteries, les cafés et où disparaissent comme par mystère des librairies, dit-il non avec une certaine pointe d'ironie.

Même les sites naturels tel la plage de Mehdia ou le lac de sidi Boughaba ne sont pas mis à profit et manquent de structures propres à répondre aux besoins en loisirs». Ce constat peu reluisant de ce père de famille est partagé par bon nombre d'autres personnes.

Pour sa part, un universitaire interpelle tous ceux qui ont une passion pour la culture par cette constatation tellement chargée de significations : «Regardez ce complexe culturel de la ville. Ce chantier n'a pas été parachevé pour des raisons qu'on ignore jusqu' alors. On était resté au stade du gros œuvres. Maintenant, ce lieu abandonné est devenu le fief des squatteurs et sert de dépotoir de détritus en tous genres alors qu'il a englouti des sommes faramineuses qui auraient servir à quelque chose de très utile».

L'accroissement d'une demande engendrée par la spéculation immobilière que connaît la ville n'est pas rassurant dans la mesure où les espaces qui pourraient faire l'objet d'aménagement et de création de centres d'intérêts pour la population se réduisent en peau de chagrin pour laisser place à des superpositions de béton et de briques qui défigurent la capitale du Gharb. Un autre père de famille, cadre dans une société de la ville, reconnaît la difficulté de trouver un lieu de loisirs et de distraction pour ses enfants : «Franchement, chaque fois que mes enfants me demandent de les faire sortir, cela devient un vrai casse-tête chinois plus particulièrement en dehors de la saison estivale. Il m'est vraiment difficile de les emmener quand le besoin se fait sentir.

A mon sens, les loisirs constituent des besoins dont il faudra tenir compte et les inclure dans les priorités auxquelles les responsables devraient songer à satisfaire. Ils constituent en plus un élément moteur de dynamisation de l'activité économique et de création d'emplois. «Ce père de famille nous raconte qu'il est parfois contraint à partir pour Rabat, Salé ou Casablanca afin de trouver pour ses enfants une salle de cinéma ou un parc de jeux».

De cet échantillon de témoignages, il ressort une prise de conscience chez la population de la ville de Kénitra de l'avantage que représente les activités culturelles, artistiques, sportives et de loisirs. La balle est dans le camp des responsables chargés de ces activités dont l'intérêt vital n'échappe à personne.
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