Journaliste et romancière, auteur d'une biographie de Primo Levi traduite en plusieurs langues, Myriam Anissimov a relevé le défi de raconter un homme aux vies multiples, ce qui peut être la terreur d'un biographe mais est aussi un sujet en or pour une telle entreprise.
Né en 1914 en Lituanie dans une famille juive, jeune immigré dans la France xénophobe des années 30, héros de la France libre, diplomate, scénariste, écrivain célèbre, lauréat deux fois du Goncourt (sous son nom en 1956 et celui d'Emile Ajar en 1975), grand séducteur, mari de l'écrivain Lesley Blanc et de l'actrice Jean Seberg, Romain Kacew, devenu Gary, s'est suicidé en 1980. Il s'est tiré une balle dans la bouche, laissant une courte lettre disant notamment ceci : «Je me suis enfin exprimé entièrement». Sa vie a des accents de légende.
Mais cet homme, fragile et magnétique, était aussi doué pour «l'affabulation créatrice», cherchant à échapper à son propre personnage en usant de pseudonymes (Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat etc). Tout le pari de la biographe, qui a rencontré beaucoup de gens l'ayant connu, en France et à l'étranger, a consisté à rendre compte de «la vie réelle» de ce romancier qui écrivait : «Ne dis pas forcément les choses comme elles se sont passées mais transforme-les en légendes et trouve le ton de voix qu'il faut pour les raconter».
Cette biographie sans précédent d'un «caméléon» est aussi le roman, marqué par la présence de fortes figures féminines, dont la mère Mina Kacew, d'une «constante et fascinante réinvention de soi». Journaliste au Monde, biographe d'Hubert Beuve-Méry et de Nicolas de Staël, Laurent Greilsamer se penche cette fois sur René Char (1907-1988) dont la vie offre une résistance d'un autre ordre au biographe : il refusait que l'on s'intéressât à elle.
De fait, sur l'auteur des «Feuillets d'Hypnos» ou du «Marteau sans maître», on se contente le plus souvent de vérités, incontestables mais qui empêchent parfois de regarder au-delà : son passage chez les surréalistes, son engagement dans la Résistance etc. «Il était du parti de la différence, sans meute, souvent retranché dans son Lubéron natal», écrit l'auteur de cette première biographie du poète. Ayant eu accès, dans des archives privées, à «des milliers de lettres enfouies», Laurent Greilsamer rend compte des nombreuses rencontres de Char : «amitiés fusionnelles» avec André Cayatte, Paul Eluard ou Staël, «conversations souveraines» avec Saint-John Perse, Bataille ou Heidegger. «Fraternités partagées» enfin avec Picasso ou Camus. «En ces années de stalinisme triomphant (...), au sein de l'intelligentsia, ils font partie des rares opposants au petit père des peuples», dit le biographe à propos de Char et Camus. Le titre fait référence à un de ses poèmes : «Nous sommes ingouvernables.
Le seul maître qui nous soit propice, c'est l'Eclair, qui tantôt nous illumine et tantôt nous pourfend». «Il allait, l'éclair au front», écrit Greilsamer à propos de cet «obsédé de poésie» en perpétuelle révolte qui ne fut pas loin d'avoir le Nobel en 1982.
Né en 1914 en Lituanie dans une famille juive, jeune immigré dans la France xénophobe des années 30, héros de la France libre, diplomate, scénariste, écrivain célèbre, lauréat deux fois du Goncourt (sous son nom en 1956 et celui d'Emile Ajar en 1975), grand séducteur, mari de l'écrivain Lesley Blanc et de l'actrice Jean Seberg, Romain Kacew, devenu Gary, s'est suicidé en 1980. Il s'est tiré une balle dans la bouche, laissant une courte lettre disant notamment ceci : «Je me suis enfin exprimé entièrement». Sa vie a des accents de légende.
Mais cet homme, fragile et magnétique, était aussi doué pour «l'affabulation créatrice», cherchant à échapper à son propre personnage en usant de pseudonymes (Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat etc). Tout le pari de la biographe, qui a rencontré beaucoup de gens l'ayant connu, en France et à l'étranger, a consisté à rendre compte de «la vie réelle» de ce romancier qui écrivait : «Ne dis pas forcément les choses comme elles se sont passées mais transforme-les en légendes et trouve le ton de voix qu'il faut pour les raconter».
Cette biographie sans précédent d'un «caméléon» est aussi le roman, marqué par la présence de fortes figures féminines, dont la mère Mina Kacew, d'une «constante et fascinante réinvention de soi». Journaliste au Monde, biographe d'Hubert Beuve-Méry et de Nicolas de Staël, Laurent Greilsamer se penche cette fois sur René Char (1907-1988) dont la vie offre une résistance d'un autre ordre au biographe : il refusait que l'on s'intéressât à elle.
De fait, sur l'auteur des «Feuillets d'Hypnos» ou du «Marteau sans maître», on se contente le plus souvent de vérités, incontestables mais qui empêchent parfois de regarder au-delà : son passage chez les surréalistes, son engagement dans la Résistance etc. «Il était du parti de la différence, sans meute, souvent retranché dans son Lubéron natal», écrit l'auteur de cette première biographie du poète. Ayant eu accès, dans des archives privées, à «des milliers de lettres enfouies», Laurent Greilsamer rend compte des nombreuses rencontres de Char : «amitiés fusionnelles» avec André Cayatte, Paul Eluard ou Staël, «conversations souveraines» avec Saint-John Perse, Bataille ou Heidegger. «Fraternités partagées» enfin avec Picasso ou Camus. «En ces années de stalinisme triomphant (...), au sein de l'intelligentsia, ils font partie des rares opposants au petit père des peuples», dit le biographe à propos de Char et Camus. Le titre fait référence à un de ses poèmes : «Nous sommes ingouvernables.
Le seul maître qui nous soit propice, c'est l'Eclair, qui tantôt nous illumine et tantôt nous pourfend». «Il allait, l'éclair au front», écrit Greilsamer à propos de cet «obsédé de poésie» en perpétuelle révolte qui ne fut pas loin d'avoir le Nobel en 1982.
