Femme pieuse, généreuse, simple, vraie, Chaïbia a été, tout au long de sa vie, la meilleure ambassadrice de la culture marocaine.
Son œuvre, unanimement saluée par la critique internationale, avait chanté les couleurs du Maroc, l'enfance, la joie de vivre. Son décès, vendredi après-midi à Casablanca, laisse un grand vide. Portrait d'une légende vivante, d'une artiste unique.
Avec ses habits colorés, sa prestance, son franc-parler, ses mains embellies au henné, son tatouage au menton, sa silhouette imposante, Chaïbia était le parfait reflet de la femme marocaine dans toute sa féminité et sa splendeur. C'était aussi une force de la nature, une légende vivante que les plus grands critiques d'art ont encensée. L'aventure Chaïbia aurait pu, cependant, ne jamais voir le jour.
Mariée à 13 ans, mère à 14 ans et veuve à 15 ans, elle aurait pu être casée facilement, trouver un autre mari, refaire sa vie et vivre cloîtrée. Mais elle ne voulait plus de cette vie-là. Elle aspirait à bien s'occuper de son unique fils, Husseïn Talal et à lui prodiguer la meilleure éducation.
C'était à l'époque son unique but. Une vie de labeur et de sacrifices se profilait devant la toute jeune femme. «Pour survivre, je faisais des ménages et puis il y avait les fêtes qui me permettaient de supporter la dureté de l'existence», nous disait-elle dans un précédent entretien. De sa Chtouka natale, Chaïbia avait gardé le sens profond des rassemblements familiaux, de la joie de vivre, de la gaieté dans tous les moments.
Un rêve étrange allait changer cependant le cours de sa vie. «J'étais chez moi, le ciel était bleu, bardé d'étendards qui claquaient au vent, comme s'il y avait une tempête. De la chambre où j'étais jusqu'à la porte, à travers tout le jardin, il y avait des cierges allumés. La porte s'est ouverte. Des hommes en blanc sont entrés, Ils m'ont apporté des pinceaux et de la toile. Il y avait des jeunes et deux vieillards avec de longues barbes. Ils m'ont dit : "Ceci est dorénavant ton gagne-pain"», nous racontait-elle. Cette vision allait l'inciter, le jour suivant à sortir acheter son premier matériel de peinture.
Elle, qui avait toujours rouspété quand son fils revenait avec ses habits tachés, s'est jetée à cœur joie dans cette nouvelle «lubie». Des taches, des empreintes, des couleurs fortes et joyeuses, du bleu, du jaune, du rouge, du vert, du blanc, une peinture vivante, une imagerie fabuleuse…
Ses toiles offrent une vision spontanée du monde. «Un ruissellement de couleurs gorgées de soleil, éclatantes et joyeuses, contenues à grand-peine dans le dessin serré d'arabesques aux courbes épaisses, souvent tremblantes et maladroites, mais toujours justes», se sont extasiés les critiques de l'époque. Il était tout à fait normal que le critique d'art Pierre Gaudibert tombe sous le charme de ces "étonnantes compositions qui mêlent la candeur à la maturité". Le peintre Cherkaoui l'encourage également à persévérer.
La première exposition est organisée au Goethe Institut de Casablanca. Le succès est immédiat. La même année, elle expose au Musée d'art moderne, au Salon des indépendants et à la Galerie Soltice. Au Japon, aux Etats-Unis, dans les pays scandinaves, en Angleterre, en France, en Italie, partout où elle exposait, l'artiste suscitait l'admiration.
Les plus grandes et les plus prestigieuses galeries de la planète lui ont ouvert, dès le départ, leurs portes. La critique ne tarit pas d'éloges sur cette artiste autodidacte et illettrée.
On essaie de lui trouver des liens et des accointances avec diverses écoles occidentales. Mais elle est inclassable. Elle est Chaïbia. Une artiste qui possède son style propre. «Je suis une coloriste. Mes couleurs disent la vie, la nature. Je peins le Maroc avec tout ce qu'il a de particulier : ses objets, ses gens et ses couleurs», expliquait Chaïbia à l'intention de tous ceux qui auraient eu des doutes sur son appartenance picturale.
«Quand j'étais petite, je faisais des choses insolites, je me faisais des couronnes de fleurs, des couronnes de coquelicots, et je me les posais sur la tête. Non, les autres gamines n'en faisaient pas autant. Personne n'a jamais fait ça dans les Chtouka. On me traitait de «msettia» (folle). J'étais dingue de coquelicots et de marguerites. On me trouvait bizarre, mais ça ne m'empêchait pas de me couvrir de fleurs».
De cette enfance gaie et insouciante, Chaïbia a gardé, jusqu'au dernier jour de sa vie, ce regard innocent qui s'émerveillait pour tout, pour les oiseaux qui chantent, pour les fleurs qui poussent dans les champs, pour le bleu du ciel et la clarté du jour. «On trouve tout cela dans mes toiles», disait-elle. En peignant tout ce qu'elle aimait, elle n'avait nul besoin de transformer la réalité. Elle était sa propre source d'inspiration. «Je suis une artiste authentique, disait-elle.
Mes tableaux reflètent le Maroc. Moi-même, je suis un tableau vivant avec mes vêtements traditionnels et mes mains peintes au henné». Les plus grands collectionneurs ont acquis ses tableaux et, lors des enchères, ses toiles atteignent facilement des sommes astronomiques. Au faîte du succès et de la reconnaissance internationale, Chaïbia a gardé intacte cette générosité de l'âme et du cœur.
Dans un parcours riche et fécond, jalonné de reconnaissances, l'artiste était pourtant mal connue dans son propre pays. L'Académie française des arts, sciences et lettres était la première à lui décerner sa plus haute distinction : une médaille en or. Ce fut son fils Husseïn Talal qui reçoit la distinction en son nom.
A Safi, en juillet 2003, l'Union des écrivains du Maroc lui a, cependant, rendu un hommage appuyé, en reconnaissance pour «la richesse de l'œuvre de l'artiste qui évoque les composantes de la mémoire populaire marocaine et le vécu quotidien, avec une spontanéité enfantine». L'artiste était à l'époque hospitalisée, affaiblie, se battant contre la maladie. En février 2004, c'était la galerie nationale Bab Rouah qui organisait une rétrospective de toutes ses œuvres.
Dans sa demeure, sise au quartier Gauthier, l'artiste avait continué à mener une vie bien simple. La célébrité ne lui est jamais montée à la tête. Et jusqu'à son dernier soupir, Chaïbia est demeurée la meilleure ambassadrice de la culture marocaine.
Son œuvre, unanimement saluée par la critique internationale, avait chanté les couleurs du Maroc, l'enfance, la joie de vivre. Son décès, vendredi après-midi à Casablanca, laisse un grand vide. Portrait d'une légende vivante, d'une artiste unique.
Avec ses habits colorés, sa prestance, son franc-parler, ses mains embellies au henné, son tatouage au menton, sa silhouette imposante, Chaïbia était le parfait reflet de la femme marocaine dans toute sa féminité et sa splendeur. C'était aussi une force de la nature, une légende vivante que les plus grands critiques d'art ont encensée. L'aventure Chaïbia aurait pu, cependant, ne jamais voir le jour.
Mariée à 13 ans, mère à 14 ans et veuve à 15 ans, elle aurait pu être casée facilement, trouver un autre mari, refaire sa vie et vivre cloîtrée. Mais elle ne voulait plus de cette vie-là. Elle aspirait à bien s'occuper de son unique fils, Husseïn Talal et à lui prodiguer la meilleure éducation.
C'était à l'époque son unique but. Une vie de labeur et de sacrifices se profilait devant la toute jeune femme. «Pour survivre, je faisais des ménages et puis il y avait les fêtes qui me permettaient de supporter la dureté de l'existence», nous disait-elle dans un précédent entretien. De sa Chtouka natale, Chaïbia avait gardé le sens profond des rassemblements familiaux, de la joie de vivre, de la gaieté dans tous les moments.
Un rêve étrange allait changer cependant le cours de sa vie. «J'étais chez moi, le ciel était bleu, bardé d'étendards qui claquaient au vent, comme s'il y avait une tempête. De la chambre où j'étais jusqu'à la porte, à travers tout le jardin, il y avait des cierges allumés. La porte s'est ouverte. Des hommes en blanc sont entrés, Ils m'ont apporté des pinceaux et de la toile. Il y avait des jeunes et deux vieillards avec de longues barbes. Ils m'ont dit : "Ceci est dorénavant ton gagne-pain"», nous racontait-elle. Cette vision allait l'inciter, le jour suivant à sortir acheter son premier matériel de peinture.
Elle, qui avait toujours rouspété quand son fils revenait avec ses habits tachés, s'est jetée à cœur joie dans cette nouvelle «lubie». Des taches, des empreintes, des couleurs fortes et joyeuses, du bleu, du jaune, du rouge, du vert, du blanc, une peinture vivante, une imagerie fabuleuse…
Ses toiles offrent une vision spontanée du monde. «Un ruissellement de couleurs gorgées de soleil, éclatantes et joyeuses, contenues à grand-peine dans le dessin serré d'arabesques aux courbes épaisses, souvent tremblantes et maladroites, mais toujours justes», se sont extasiés les critiques de l'époque. Il était tout à fait normal que le critique d'art Pierre Gaudibert tombe sous le charme de ces "étonnantes compositions qui mêlent la candeur à la maturité". Le peintre Cherkaoui l'encourage également à persévérer.
La première exposition est organisée au Goethe Institut de Casablanca. Le succès est immédiat. La même année, elle expose au Musée d'art moderne, au Salon des indépendants et à la Galerie Soltice. Au Japon, aux Etats-Unis, dans les pays scandinaves, en Angleterre, en France, en Italie, partout où elle exposait, l'artiste suscitait l'admiration.
Les plus grandes et les plus prestigieuses galeries de la planète lui ont ouvert, dès le départ, leurs portes. La critique ne tarit pas d'éloges sur cette artiste autodidacte et illettrée.
On essaie de lui trouver des liens et des accointances avec diverses écoles occidentales. Mais elle est inclassable. Elle est Chaïbia. Une artiste qui possède son style propre. «Je suis une coloriste. Mes couleurs disent la vie, la nature. Je peins le Maroc avec tout ce qu'il a de particulier : ses objets, ses gens et ses couleurs», expliquait Chaïbia à l'intention de tous ceux qui auraient eu des doutes sur son appartenance picturale.
«Quand j'étais petite, je faisais des choses insolites, je me faisais des couronnes de fleurs, des couronnes de coquelicots, et je me les posais sur la tête. Non, les autres gamines n'en faisaient pas autant. Personne n'a jamais fait ça dans les Chtouka. On me traitait de «msettia» (folle). J'étais dingue de coquelicots et de marguerites. On me trouvait bizarre, mais ça ne m'empêchait pas de me couvrir de fleurs».
De cette enfance gaie et insouciante, Chaïbia a gardé, jusqu'au dernier jour de sa vie, ce regard innocent qui s'émerveillait pour tout, pour les oiseaux qui chantent, pour les fleurs qui poussent dans les champs, pour le bleu du ciel et la clarté du jour. «On trouve tout cela dans mes toiles», disait-elle. En peignant tout ce qu'elle aimait, elle n'avait nul besoin de transformer la réalité. Elle était sa propre source d'inspiration. «Je suis une artiste authentique, disait-elle.
Mes tableaux reflètent le Maroc. Moi-même, je suis un tableau vivant avec mes vêtements traditionnels et mes mains peintes au henné». Les plus grands collectionneurs ont acquis ses tableaux et, lors des enchères, ses toiles atteignent facilement des sommes astronomiques. Au faîte du succès et de la reconnaissance internationale, Chaïbia a gardé intacte cette générosité de l'âme et du cœur.
Dans un parcours riche et fécond, jalonné de reconnaissances, l'artiste était pourtant mal connue dans son propre pays. L'Académie française des arts, sciences et lettres était la première à lui décerner sa plus haute distinction : une médaille en or. Ce fut son fils Husseïn Talal qui reçoit la distinction en son nom.
A Safi, en juillet 2003, l'Union des écrivains du Maroc lui a, cependant, rendu un hommage appuyé, en reconnaissance pour «la richesse de l'œuvre de l'artiste qui évoque les composantes de la mémoire populaire marocaine et le vécu quotidien, avec une spontanéité enfantine». L'artiste était à l'époque hospitalisée, affaiblie, se battant contre la maladie. En février 2004, c'était la galerie nationale Bab Rouah qui organisait une rétrospective de toutes ses œuvres.
Dans sa demeure, sise au quartier Gauthier, l'artiste avait continué à mener une vie bien simple. La célébrité ne lui est jamais montée à la tête. Et jusqu'à son dernier soupir, Chaïbia est demeurée la meilleure ambassadrice de la culture marocaine.