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«Chronique des années de fraises» de Nordine Ben Mansour : vol au dessus de Rabat

Journaliste au quotidien r’bati « l’Opinion » depuis 30 ans, lui-même R’bati jusqu’aux ongles, Nordine Ben Mansour a tenu à raconter sa ville natale, telle qu’il l’a connue dans les années 60 et 70 dans un livre au titr

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C’est sûr, les années après indépendance n’étaient pas que des années de plomb et de braises, heureusement. La crispation politique, les tensions qui ont jalonné l’époque n’empêchaient pas les gens de vivre leur vie et de vibrer aux rythmes de leur époque. Il y avait des moments au goût de la fraise, nous dit Nordine Ben Mansour. Ce sont ces moments-là que Nordine Ben Mansour, quelque peu excédé par le nombre d’écrits très critiques qui ont foisonné ces derniers temps, sur cette période, a tenu à ressusciter . Ce n’est que justice, il faut un peu de tout pour faire un monde. C’est tout l’intérêt de ce livre, toute son originalité aussi, étant semble-t-il, le premier dans son genre.

Point de départ donc de la « Dolce Vita », un café aujourd’hui disparu, qui fut semble-t-il, un point d’ancrage de la jeunesse r’bati :
« A la Dolce Vita en plein centre-ville, un café mythique, se réunissaient les marginaux de luxe, les fils à papa et à maman, les fonctionnaires chic qui voulaient rester éternellement jeunes, les artistes peintres, Abdelkader Benkemmoun, le plus illustre de la faune r’batie, quelques comédiens, des agents immobiliers, de véritables rapaces à la recherche de l’affaire de l’année, des hôteliers, des restaurateurs, des flics chics, bref, tout ce que la ville avait de précieux et de superficiel à la fois ».

Le ton est donné, dès la première page. Léger et volage. Ben Mansour ne raconte pas Rabat à la manière pédante et magistrale d’un historien, d’un urbaniste ou d’un sociologue, mais à celle d’un copain de circonstance d’un quelconque bistrot du coin par une soirée particulièrement avinée qui, pour dire quelque chose, fait tourner la conversation en remuant les vieux souvenirs affectueux qui ont pour cadre la ville à une époque donnée. Ici, ce sont les années 60, et nous sommes à Rabat :
(…) « Ce Café (la Dolce Vita) était pour nous un peu le « Flore », les « Deux Magots », « La Coupole », des références de choix qu’on avance pas ici gratuitement. Il paraît que (le propriétaire de ce café) l’a détruit par ce que la clientèle s’était dégradée et qu’il ne retrouvait plus son petit monde.

C’est là une autre histoire mais fallait-il qu’il nous prive de ce lieu de pèlerinage pour les R’batis de souche ou d’adoption ?». Décidément, c’est une injustice ! Va-t-on sortir de la Dolce Vita ? Oui, mais pour faire une petite apparition au Marignan sinon au Biarritz ou mieux encore au Chergui. Encore des lieux où tout Rabat se donnait rendez-vous. En fait, on passe tout notre temps, tout au long du livre dans les bars, les cafés et les boites de nuit. De l’Entonnoir, à la cage en passant par Jour et Nuit, la Cage et autres granges. Si au moins on prenait le temps de s’y familiariser, d’y connaître des gens, un bar étant à lui seul un univers à découvrir.

Nordine ranime-t-il : ses lieux où des destins se sont croisés, des histoires se sont nouées ? Nous propose-t-il des portraits de personnages habitués de ces lieux qui nous auraient arraché un brin d’émotion, une petite larme, un sourire ? Non , Nordine ne nous fait que passer, sauf à de rares fois où il prend tout son temps pour nous parler de musique de l’époque et de ses pionniers, tel Gnous, un personnage haut en couleur qui aurait été le premier à lancer le twist, le rock et autre jerk dans les boites de nuit de Rabat . Mais là encore, l’auteur ne fait que survoler le personnage sans nous laisser le temps de mieux le connaître et éventuellement nous sentir proches de lui.

Qu’est-ce que nous apprenons sur la Dolce Vita , la Grange ou d’autres lieux de détente ? Rien ou alors des banalités. Allons-nous alors faire un tour dans les rues de Rabat de l’époque, faire connaissance avec des gens pour nous envelopper dans l’ambiance du temps ? Rien de tout ça .

Une petite lumière cependant quoique fugace mais qui mérite d’être signalée. L’état d’esprit de la jeunesse de l’époque, joyeuse et insouciante, moins portée vers la bigoterie que celle d’aujourd’hui. Nordine a tout le mérite de le rappeler même s’il ne fait qu’effleurer le sujet. Pour le reste, c’est du n’importe quoi : Les programmes de la radio, les vieilles maisons de la médina, les programmes culinaires à la RTM, la lecture et les bibliothèques, Dar El Fikr, autant de sujets qui auraient pu faire la force du livre s’ils n’avaient pas été traités avec autant de banalité. C’est le grand défaut de ce livre : Vouloir parler de tout et de tout le monde sans se fixer sur rien ni sur personne. Résultat: on ne connaît pas plus Rabat après la lecture de ce livre qu’avant. Frustrant.
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