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Comédie dramatique : Big Fish de Tim Burton Tim l'enchanteur

A ses imaginaires sombres ou colorés, le réalisateur magicien Tim Burton rajoute un troisième monde parallèle : la réalité. Celle où un père se meurt sous le regard de son fils qui cherche à le connaître avant qu'il ne soit trop tard. Fable pour adultes e

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Il était une fois un papa nommé Edward Bloom qui racontait d'incroyables histoires à son petit garçon, William. Il ne les lui lisait pas, il les inventait, avec une passion telle que, finalement, il paraissait aimer les histoires plus encore que son fils. William a grandi sous les applaudissements déclenchés par son fabuleux conteur de père. Mais malheureux d'être le seul à se fatiguer de ces histoires qui envoûtaient encore sa mère.

Il aurait voulu un papa normal, capable de regarder, et de lui faire regarder, les choses en face. Renversant les rôles, il s'est érigé en défenseur du réel quand son père campait définitivement dans l'imaginaire. A tel point qu'ils se sont fâchés et ne se sont plus parlés pendant des années. Mais aujourd'hui, Edward Bloom (Ewan McGregor) est malade, et ses histoires risquent de mourir avec lui, emportant ses secrets à jamais. Débarquant de Paris où il est journaliste, William se rend au chevet de son père dans l'Alabama, dans l'espoir de percer, enfin, le mystère du grand affabulateur.

Sous les regards bienveillants de la mère (Alison Lohman) et de la jeune épouse (Marion Cotillard) ce face à face père-fils permet une nouvelle confrontation entre le réel et l'imaginaire, un thème cher à Tim Burton, grand enchanteur du 7ème art. Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d'argent, L'étrange Noël de Monsieur Jack ou Sleepy Hollow, ce réalisateur américain n'a de cesse de faire jaillir des étincelles de sa caméra. Une poudrière de fantastique, une forte dose de poésie, un mépris affiché pour le conformisme, une forte empathie pour les monstres et un goût certain pour les décors sombres, Tim Burton a édifié un univers bien à lui.

Un monde onirique peuplé de fantômes, sorcières ou autres créatures prétendument effrayantes qui s'ébrouent joyeusement dans leurs forêts d'ombres sans vouloir de mal à qui que ce soit. Tim Burton est l'inventeur des monstres gentils. Il les apprivoise, leur parle, les écoute et sans les travestir, en fait de nouveaux héros, bien plus profonds et authentiques que les duperies tocs qu'on sert habituellement aux enfants, comme aux adultes.

Où se situe le mensonge ? Dans les fables ou dans le maquillage du rêve américain ? A trop vouloir embellir le réel, ne risque t-on pas de se mentir à soi-même, de faire souffrir les autres et de masquer sa personnalité profonde ?
Ecouter les histoires des autres, n'est-ce pas aussi, une façon de découvrir qui ils sont vraiment ? Tous ces thèmes s'agitent dans Big Fish avec la légèreté d'oiseaux de passage. Car Tim Burton n'est pas un réalisateur sentencieux ou donneur de leçon. C'est un enfant qui a pris conscience des enjeux du monde des adultes. C'est un adulte qui n'a pas oublié l'enfant qu'il était. Et surtout, c'est un adulte qui raconte des histoires fantaisistes en gardant son regard d'adulte.
Miroir magique ou trompeur ?

Big Fish, c'est donc aussi cette fable où un énorme poisson magique entraîne Edward Bloom enfant dans la maison de la sorcière à l'œil de verre. Dans cet œil, chacun est censé voir sa propre mort. On ne saura jamais ce que Edward Bloom y a vu. Toujours est-il que cela se révèle déterminant pour sa personnalité et son parcours : il sera un battant et un gagnant n'ayant jamais peur de rien.

Devenu jeune homme, il quitte son village accompagné d'un stupéfiant géant pour trois ans d'initiations rocambolesques. Entre Ulysse, le Magicien d'Oz et toutes une multitude de mythes américains, il sillonne le pays, traverse une ville aseptisée bien plus effrayante que la plus sombre des maisons hantées, et séjourne dans un cirque de freaks avant de rencontrer l'amour de sa vie (Jessica Lange) à qui il déclare sa flamme dans un champ de jonquilles.

Dans Big Fish, le gai et coloré font plutôt camelote. C'est à se demander, si Tim Burton ne fait pas trop d'efforts pour quitter ses habits noirs, ou s'il s'agit là d'un nouveau tour. Car les jolies maisons et les petits chemins fleuris dans une brume ensoleillée ne pèsent pas lourd face à cette scène d'orage et d'accident où une sirène de toute beauté s'enfuit aux fond des eaux tourmentées.

Cette confrontation permanente entre le gai et le sombre relève à la fois du débat esthétique et de la recherche d'un équilibre entre le prodige et la simplicité. Le miroir tendu est-il trompeur ou magique ? Il s'agit de bien regarder. Mais chacun est assez grand maintenant pour se faire sa propre idée.

A travers ses contes, ses mythes, ses citations, ses supercheries, Big Fish c'est aussi la mise en scène de l'auto analyse d'un conteur. Edward Bloom d'abord, dont Tim Burton dresse un fantastique portrait. Le réalisateur ensuite, sur le thème : qu'est-ce qui entre en jeu lorsqu'on raconte une histoire ? C'est la question principale qui émerge de cette adaptation de Big Fish, a story of mythic proportions, roman de Daniel Wallace inspiré par son propre père : “ A travers ce livre, je voulais écrire l'histoire de la vie d'un homme ordinaire comme s'il s'agissait d'un mythe.

Au fur et à mesure que j'assemblais les fragments, une existence complète se dessinait, une vie passionnante et riche, magnifique et porteuse de tous les symboles. ” Pour Tim Burton, plus habitué à réhabiliter les monstres, il y avait donc un nouveau défi : transformer en mythe un homme banal, mettre de l'épique dans une histoire familiale, trouver du rêve dans le réel.

Un combat que cet enchanteur doit vivre au quotidien. En attendant sa prochaine potion magique prévue pour 2005 avec Johnny Depp : Charlie et la chocolaterie, adaptation du roman de Roald Dahl où un petit garçon pauvre gagne un ticket d'or qui lui ouvre les portes de la fantastique chocolaterie-ville de l'obscur Willy Wonka.

Big fish, film américain de Tim Burton avec Ewan McGregor, Albert Finney, Billy Crudup, Jessica Lange, Alison Lohman
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