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Déontologie et éthique professionnelle : Le rêve encore lointain

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Parler de déontologie au Maroc, c'est s'aventurer sur un terrain glissant. A première vue, l'éthique professionnelle n'a pas de place, ni dans la construction de l'identité professionnelle des journalistes, ni dans la pratique quotidienne de la profession. Qu'en est-il réellement ?
Aussi bien les producteurs de l'information que les utilisateurs de cette information n'ont intérêt à ce que l'éthique conditionne leurs actions.

C'est le constat que nous donne à voir l'espace médiatique. Les uns et les autres, des partenaires cités, semblent avoir d'autres priorités que la déontologie et s'évertuent à regarder ailleurs, tant il est vrai que la couverture tronquée des évènements, les interviews truquées, les jugements de valeur, les prises de position partisanes, sectaires ou intéressées, la complaisance ou parfois le dénigrement ne suscitent aucune réaction, ni de la part des mis en cause, ni de la part des lecteurs et encore moins de la profession. Cette réalité ne peut être généralisée, mais les dérives sont une réalité et suscitent un débat sur la nécessité de la mise en place de règles d'éthique pour la profession.
Les initiatives au Maroc en faveur de la déontologie sont rares sinon inexistantes et nous n'avons pas d'outils destinés à l'analyse, à la critique et à la recherche sur les pratiques journalistiques.

Cette situation a bien évidemment une cause. Elle est historique. La création de tous les journaux au Maroc, des premières publications au début du siècle dernier aux fameux hebdomadaires « indépendants » d'aujourd'hui, a été motivée par des considérations idéologiques (autorité coloniale, partis politiques…) ou par des considérations parfois mercantiles.

La presse marocaine, d'une manière ou d'une autre, continue d'évoluer sur cette base. Les commanditaires ont changé, mais le principe reste le même. Les journalistes sont généralement au service de celui qui les paye et nom au service de l'information et des lecteurs. Cela ne veut pas dire que tous les journalistes sont véreux ou que toute la presse est douteuse. Loin de là et heureusement que de nombreuses tentatives louables balisent le paysage médiatique national.

Ces lueurs d'espoir gagneraient à être accompagnées par une formation de base au droit et à la déontologie journalistique, ainsi qu'au droit de la communication, au droit de la culture et au droit d'auteur et surtout par l'amélioration de la situation matérielle des journalistes. Car, donner à tous les journalistes des conditions de vie dignes devrait concourir à un meilleur exercice de leur métier.

Leur donner aussi de justes conditions d'exercice de leur métier est une nécessité. L'accès à l'information est un droit. La question des médias et plus généralement de la circulation de l'information est vieille comme le monde. «Dès que la vie privée des cavernes émergea sur l'antique agora grecque, la plus publique qui soit, les questions étaient posées. Comment concilier liberté de ceux qui veulent informer, liberté d'être informé et respect de ceux qui sont mis en cause par ces informations ?», lit-on dans tous les manuels destinés aux journalistes.

A ce stade de la réflexion, nous arrivons au rôle qui échoit naturellement aux organisations professionnelles. Malheureusement, les différents syndicats du secteur évoluent encore dans le champ politique et ne sont pas prêts à devenir des organisations professionnelles dans le vrai sens du terme. Le plus en vue, le Syndicat National de la Pesse Marocaine reste coincé par son passé, malgré quelques tentatives comme la création, en 2001, de «l'Instance Nationale Indépendante de la Déontologie de la Presse et de la Liberté d'expression ». Le SNPM s'est également engagé, mais très timidement, dans l'établissement de conventions collectives, sans pour autant arriver à en établir une, du fait que les intérêts divergent d'une publication à une autre et d'une rédaction à une autre. Le SNPM reste aussi un syndicat de la presse, mais tarde à devenir un syndicat des journalistes. La différence est de taille.

Dans un cas comme dans l'autre, on est loin du compte pour plusieurs raisons. Il faut commencer par le commencement. La Charte des droits et devoirs des journalistes adoptée en 1971 à Munich par la plupart des syndicats mondiaux de journalistes, devrait être intégrée dans les textes marocains et particulièrement dans les conventions collectives. Complément indispensable de ce droit individuel, la reconnaissance juridique des équipes rédactionnelles pour que chaque entité propre à chaque média ait son mot à dire sur la ligne éditoriale et son éventuelle évolution au gré des changements «capitalistiques» ou«idéologiques» de l'entreprise de presse.

Ce n'est qu'à partir de là que l'on pourrait exiger des «journalistes » d'être des journalistes.

Déclaration de Casablanca

Partant des principes de liberté d'expression et de la reconnaissance du droit du citoyen à une information pluraliste, libre, honnête et objective.
Considérant l'importance du rôle des médias et de l'information dans l'ancrage de la démocratie et comme outil de contrôle de l'exécutif, des élus et des pouvoirs publics, de tout ce qui a trait à la vie du peuple, son destin et son avenir.

Et à la lumière des conventions internationales sur les droits de l'Homme consacrant le respect de la dignité humaine, des droits de l'enfant et de la femme et des spécificités culturelles et sociales, et la lutte contre toutes les formes de ségrégation, sans distinction de race, de langue, de religion ou de genre.
Nous, les membres du comité de suivi, représentant le Syndicat national de la presse marocaine, les associations culturelles et de défense des droits civiques, réunis le 07 novembre 2001 dans le cadre du symposium consacré à la création d'une instance nationale indépendante de la déontologie de la presse et de la liberté d'expression, soulignons ce qui suit :
A.- Que la liberté de la presse et de l'information, principe sacré et inviolable, constitue la garantie effective de la liberté d'expression et un élément de base nécessaire à toute édification d'une démocratie garantissant l'exercice du pluralisme d'opinions et le droit à la différence et consacrant le contrôle au service de la société.

B.- Que la reconnaissance de ces droits ne peut être effective sans que soient réunies les conditions de transparance sur tout ce qui touche à la chose publique, en partant du droit du citoyen à l'accès aux informations et aux données intéressant sa vie, son environnement et son avenir.
C.- La presse ne peut assumer ce rôle qu'à travers la consolidation de sa crédibilité et sa capacité à faire face à tous les dépassements portant préjudice à la noblesse de sa mission, en s'appuyant sur les règles déontologiques et l'éthique de la profession.

D.- La sauvegarde de cette crédibilité ne peut être assurée que par la profession à travers la mise en place de mécanismes favorisant la contribution constructive de toutes les composantes de la société civile. Sur la base de ce qui précède, le comité de suivi a décidé de constituer une Instance nationale indépendante de la déontologie de la presse et de la liberté d'expression ayant pour référentiel la charte d'éthique de la profession, ayant pour charge d'assurer le suivi de l'exercice de la profession, de traiter et d'examiner tout ce qui peut nuire à la profession, de protéger le droit du public à une information sincère, objective et honnête, de veiller à l'appui des journalistes pendant l'accomplissement de leur mission et leur droit de mener des investigations sur tous les faits en rapport avec la vie publique.

Cette instance vise à constituer une autorité morale pour la profession qui ferait face à tous les dépassements nuisant à la dignité des personnes et leur honneur, ou ceux tentant de nuire gratuitement et sans justification aucune d'institutions hors du contexte de l'information objective ou de la critique fondée sur des faits et données. L'instance nationale indépendante de la déontologie de la presse et de la liberté d'expression, en tant que mécanisme professionnel et social n'est pas une alternative aux autres instances. Elle puise sa force dans l'engagement des institutions et personnalités la composant, et a pour référentiel les principes de liberté d'expression, du droit du citoyen à l'information, du respect de la dignité et le rétablissement de la crédibilité des médias et de l'information.
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