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Dites-nous Zineb Benrahmoune Idrissi, professeur à l’Ecole forestière de Salé : le tourisme vert peut contribuer à la préservation de l’environnement

Zineb Benrahmoune Idrissi est professeur à l’Ecole forestière d’ingénieurs de Salé. Elle est co-auteur avec Chantal Dubruille d’un ouvrage de référence intitulé Invitation à l’amour des plantes-Guide floristique de la réserve biolo

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Quelle est selon vous la particularité de la réserve de Sidi Boughaba ?

La réserve de Sidi Boughaba est une zone humide d’importance internationale. C’est un lieu naturel pour plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs, en plus c’est l’un des rares sites au monde où l’on trouve plus de 200 espèces de plantes dont une dizaine sont menacées de disparition, certaines d’entre elles n’existe plus que dans cette réserve. Le genévrier rouge qui existait auparavant tout au long du littoral méditerranéen et atlantique du Maroc est actuellement menacé et on ne le trouve plus qu’à la réserve de Sidi Boughaba et aux environs de Saîdia et de El Jadida où il a été reconstitué. Le site de Sidi Boughaba a la particularité d’être une zone verte classée par le ministère de la Culture compte tenu de sa proximité de la Kasbah de Mehdia, il appartient aussi au domaine forestier et il est protégé par les Services des eaux et forêts.

Quelles sont les menaces, si menaces il y a, qui pèsent sur la réserve ?

Les menaces sont multiples et je saisis cette occasion pour tirer la sonnette d’alarme. La première menace est que des cultures sont entrain de s’étendre à l’est de la réserve. Par exemple des cultures d’avocatier sous-serres ont été introduites aux alentours de la réserve. Ce sont des cultures qui consomment beaucoup d’eau. On a procédé à plusieurs forages et on a creusé des puits pour extraire de l’eau par systèmes de pompages à partir de la nappe phréatique pour l’irrigation de ces cultures. Le danger est grand surtout si l’on sait que l’eau du lac de Sidi Boughaba provient beaucoup plus de cette nappe phréatique que des eaux pluviales.

La deuxième menace est l’urbanisation de plus en plus galopante et qui est entrain de grignoter le sol de la réserve du côté de la station balnéaire de Mehdia. La troisième menace est le mauvais choix du lieu de la décharge publique qui se situe du côté de la Kasbah de Mehdia et dont les conséquences sont néfastes pour l’environnement. La quatrième menace sont les carrières de sables et l’envahissement des routes par le sable. Il y a de moins en moins de plantes qui fixent le sable du côté de la plage. La cinquième menace est qu’on assiste maintenant à un phénomène de déséquilibre de la biodiversité consécutif à un manque d’aménagement adéquat.

La réserve de Sidi Boughaba a été hyper-protégée et il est impératif que les services concernés interviennent pour pallier à cette situation autrement le lac sera menacé de disparition et d’atrophie. Si la tendance persiste la zone humide évoluera en forêt humide. Donc il faut penser à une autre gestion de ce site écologique. La sixième menace, non des moindres, est l’installation d’un camping dépendant de la Commune de Sidi Taïbi au sud de la réserve. Le camping ouvrira vraisemblablement ses portes durant la prochaine saison estivale ce qui va nuire sensiblement à l’équilibre de l’écosystème de la réserve.

Quelles sont les solutions à préconiser pour rétablir la situation ?

La préservation de l’environnement est l’affaire de tous : des autorités compétentes, des collectivités locales et des associations. Chacun de son côté doit agir pour mettre un terme aux différentes menaces. Il est indispensable de sensibiliser les populations qui vivent à proximité de la réserve des dangers qui la guettent. Les populations riveraines doivent être associées à une gestion participative des ressources du site sans pour autant porter atteinte à son équilibre écologique. Il faut absolument qu’on intervienne par ailleurs pour trouver des solutions aux problèmes des carrières de sable, de l’ensablement ainsi qu’au problème de la décharge publique. Il est urgent d’intervenir à différents niveaux avant qu’il ne soit trop tard.

Pensez-vous que le tourisme peut constituer un danger pour l’équilibre écologique du site ?

La menace réside dans ce qu’on peut appeler le tourisme anarchique. D’ailleurs, on voit parfois des gens qui viennent accompagnés de leurs instruments de musique et qui font beaucoup de bruit ce qui perturbe sensiblement la quiétude des oiseaux. En plus il y a des personnes peu soucieuses de la propreté du site qui jettent des déchets un peu partout, heureusement qu’ils ne constituent qu’une minorité et que dans la plupart des cas ils ne dépassent pas les ères de pique-nique.

Ce qu’il faut faire à mon avis, c’est de profiter de cette grande demande du tourisme vert et agir en conséquence. Il faut véritablement encourager le tourisme écologique qui prend en considération l’équilibre harmonieux entre l’Homme et son environnement naturel. En définitive il faut qu’on pense dès maintenant à un plan de gestion et d’aménagement de la réserve de Sidi Boughaba. Les études existent déjà, notamment au niveau de l’école forestière d’ingénieurs de Salé où des étudiants ont travaillé sur cette question.

Je pense que la meilleure des solutions est que nous nous réunissons autour d’une table : les gestionnaires sur place, les chercheurs, les associations concernées et les représentants des populations environnantes pour apporter des solutions judicieuses afin de préserver ce patrimoine collectif qui nous appartient certes mais dont nous avons la responsabilité de le léguer aux générations futures.
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