J’ai donc pris tout le temps qu’il fallait, avec toute la précision nécessaire», nous raconte-t-il, libéré après le concert.
Fès, source de spiritualité, a adopté «Egypte» qui peut désormais aller à la rencontre de l’autre. «J’ai réussi mon examen de passage», lâche-t-il dans un souffle de soulagement.
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Youssou N’Dour a chanté samedi soir à Bab Al Makina pendant près de deux heures, la peur au ventre. Le Festival de Fès des musiques sacrées du monde allait se prononcer sur l’avenir de « Egypte » qu’il a dévoilé en première. Cette œuvre très spéciale et très personnelle qu’il a mis 5 ans à mettre sur pied, chante la religion et montre le griot de la world music sous un nouveau jour. Aujourd’hui Youssou N’dour est rassuré, libéré de son angoisse. Près de 5000 personnes ont salué debout son nouvel album.
Le public aime votre album, on ne peut pas s’y tromper. Une standing ovation, des applaudissements à tout rompre…Quelles sont vos impressions après cet « examen de passage » ?
Je suis rassuré, content et ému parce que cet album est un album personnel dans lequel il y a beaucoup de moi-même et autant de sincérité. Je ne dis pas que les autres ne sont pas sincères, mais celui là est assez spécial. Je suis donc rassuré par rapport à la réaction du public, car la ville de Fès abrite un festival qui a dix ans et qui regroupe des spécialistes et des connaisseurs venus de partout. Ce fut en quelque sorte un examen pour mon album en live et je suis très heureux de l’accueil du public. Un moment je me suis retourné vers les musiciens, je les ai regardés et j’ai découvert une grande complicité. Tout cela me fait du bien.
Cette crainte que vous aviez lorsque vous travailliez sur votre projet s’est-elle donc dissipée ?
Vous savez, il y a un Youssou N’Dour classique que les gens connaissent. Avec cet album je craignais qu’ils soient déroutés et pendant toute la phase de préparation, je me demandais comment les gens allaient recevoir ce nouveau travail. J’ai eu peur, c’est vrai. Je le répète, c’est un album très personnel que j’ai fait au départ pour moi, mais que j’ai ensuite ouvert aux autres. Aujourd’hui (NDLR : quelques minutes après le concert) je suis libéré.
Vous avez mis 5 ans à préparer votre album. Etait ce difficile ou simplement parce que vous deviez faire des aller retour entre Dakar et le Caire ?
C’était difficile, d’abord parce que c’était mon premier projet panafricain et je voulais que ça marche. C’est aussi un album qui parle de religion, il fallait qu’il soit à la hauteur de ses ambitions et de ces objectifs. J’ai donc pris tout le temps qu’il fallait, avec toute la précision nécessaire.
Vous vous défendez de vouloir susciter un débat idéologique, pourtant votre album contient bien un message, dans un contexte mondial très particulier. Vous chantez l’Islam religion de paix et de tolérance à l’attention d’un public cosmopolite. Vous attendez-vous à des réactions autres qu’artistiques?
Mon album veut véhiculer la diversité, le respect du choix de la religion et la tolérance. Je veux surtout montrer que l’Islam est religion d’amour et de paix. A la fin de la prière, on dit « Salam oulaikoum », Paix sur vous, un message universel. Je ne veux pas donner de leçon, mais je veux juste apporter ma contribution en tant qu’artiste pour dire au monde que ma religion est une religion de paix et de tolérance contrairement à ce que certains ignorants, une minorité heureusement, voudraient laisser croire.
C’est une coïncidence que votre album sorte à ce moment précis de notre histoire, marqué par la haine et la violence un peu partout dans le monde ?
Cet album a commencé en 1998, je pense que le monde allait bien ou du moins pas aussi mal. Il a été présenté juste après les événements douloureux du 11 septembre. On m’a conseillé de le sortir, mais j’ai refusé. J’ai préféré attendre pour ne pas me faire l’avocat de quoi que ce soit . Je voulais que mon album ait du recul par rapport à ces événements.
Quelle carrière envisagez-vous maintenant pour votre album?
Je pense, après la réaction du public, ce soir (samedi) que cet album a de beaux jours devant lui. Ce que j’ai vu aujourd’hui me fait dire que « Egypte » a des chances de toucher les gens, c’est essentiel une musique qui parle aux émotions et cela me conforte dans mon choix. L’album va également participer à montrer combien je refuse d’être vissé dans un courant musical ; je suis touche-à-tout en ce qui concerne la musique et c’est en fonction de ce que je ressens. Avec cet album, je peux aller partout dans le monde sans aucun complexe et arriver à toucher les gens, à les émouvoir, en parlant de ma religion.
Il y a également une tournée qui est en train de se monter un peu partout dans le monde.
Que disent les paroles, justement ?
L’album parle des promoteurs de la religion musulmane chez nous. D’abord il y a cheikh Ahmadou Bamba (khadimou Rassoul) de la confrérie dont je fais partie. C’est le fondateur du mouridisme qui prône la réhabilitation des valeurs culturelles de base de l'Islam au service du Prophète Sidna Mohammed Paix et Salut sur Lui. Il y a aussi cheikh Ahmed Tijani, prolongement de la confrérie tijania au Sénégal et cheikh Ibra Fall, un disciple de cheikh Ahmadou Bamba.
L’album est aussi un hommage à Dieu et à son prophète.
Comptez-vous vous spécialiser dans ce courant musical, cette catégorie de chants, c’est à dire dans le sacré ?
Je ne sais pas. « Egypte » pourrait être juste une parenthèse, je pourrais faire d’autres albums différents, mais je ne saurais pas le dire maintenant. Je crois que je prendrais les choses comme elles viennent et que je ferais comme d’habitude, c’est à dire comme je le sens.
Votre album est une forme d’engagement. Mettez-vous votre notoriété au service d’autres causes , sociales notamment?
Je suis ambassadeur de l’UNICEF et de la FAO, entre autres. Je pense que la musique est un credo, une puissance qu’on peut utiliser dans le travail quotidien que font certaines personnes pour les femmes et les enfants. Je suis également engagé dans la lutte contre le paludisme qui tue beaucoup de gens en Afrique et dans la lutte contre le sida ; je donne mon nom, je participe à des manifestations comme celle qui a été organisée en Afrique du sud avec la Fondation Mandela.
Que vous a dit Mme Viviane Wade, épouse du Président sénégalais, lorsque vous êtes allé la saluer à la fin du concert ? Vous semblez très complices. Vous arrive-t-il de travailler ensemble, parce que elle-même dirige une Fondation au Sénégal qui s’occupe d’éducation et de santé ?
Mme Wade m’a dit « Bravo champion ». Je savais qu’elle aimerait le concert car je la rencontre fréquemment et je sais qu’elle aime les choses profondes. On travaille beaucoup ensemble, on discute sur des questions de développement, car moi aussi je dirige une Fondation au Sénégal. C’est une Dame qui se bat bien pour trouver des solutions au niveau local et je l’appui dans sa démarche au niveau social, je ne le fais pas pour elle, mais pour mon pays.
De quoi vous occupez-vous dans votre Fondation ?
C’est une fondation des jeunes pour les jeunes. Je m’occupe essentiellement de financer et de lever des fonds et ce sont des amis qui ne sont pas musiciens qui forment le conseil de la fondation. Nous travaillons sur des projets de formation, de lutte contre le sida, de la scolarisation des jeunes filles. La fondation participe également au débat du forum culturel mondial.
Avez vous pensé à créer une structure pour défendre les droits d’artistes ? On sait qu’en Afrique, bien que le continent regorge de talents, l’artiste connaît d’énormes difficultés pour percer.
Je crois qu’il faut commencer par avoir un discours cohérent dans tout le continent. Les artistes doivent parler d’une même voix. Mon rêve c’est d’arriver à mettre en place une association panafricaine de musiciens professionnels qui disent la même chose, que ce soit au Libéria, au Sénégal ou au Maroc. A partir de ce moment, je pense qu’on pourrait régler beaucoup de problèmes, liés à des questions juridiques, de communication.
Ne l’oublions pas l’Afrique c’est 500 millions de personnes, c’est un grand marché. Il y a énormément de talents comme vous dites qui n’ont pas la parole. Les droits d’auteur sont bafoués et c’est pourquoi il faut pousser les politiques à voter les lois pour lutter contre le piratage.
Mon projet c’est justement de mettre sur pied cette association. J’ai déjà commencé et j’ai obtenu l’accord du Congo pour que le siège de l’association soit à Brazaville, pas au Sénagal.
Fès, source de spiritualité, a adopté «Egypte» qui peut désormais aller à la rencontre de l’autre. «J’ai réussi mon examen de passage», lâche-t-il dans un souffle de soulagement.
Entretien avec Youssou N’Dour : « Je suis libéré après l’accueil du public de Fès »
Youssou N’Dour a chanté samedi soir à Bab Al Makina pendant près de deux heures, la peur au ventre. Le Festival de Fès des musiques sacrées du monde allait se prononcer sur l’avenir de « Egypte » qu’il a dévoilé en première. Cette œuvre très spéciale et très personnelle qu’il a mis 5 ans à mettre sur pied, chante la religion et montre le griot de la world music sous un nouveau jour. Aujourd’hui Youssou N’dour est rassuré, libéré de son angoisse. Près de 5000 personnes ont salué debout son nouvel album.
Le public aime votre album, on ne peut pas s’y tromper. Une standing ovation, des applaudissements à tout rompre…Quelles sont vos impressions après cet « examen de passage » ?
Je suis rassuré, content et ému parce que cet album est un album personnel dans lequel il y a beaucoup de moi-même et autant de sincérité. Je ne dis pas que les autres ne sont pas sincères, mais celui là est assez spécial. Je suis donc rassuré par rapport à la réaction du public, car la ville de Fès abrite un festival qui a dix ans et qui regroupe des spécialistes et des connaisseurs venus de partout. Ce fut en quelque sorte un examen pour mon album en live et je suis très heureux de l’accueil du public. Un moment je me suis retourné vers les musiciens, je les ai regardés et j’ai découvert une grande complicité. Tout cela me fait du bien.
Cette crainte que vous aviez lorsque vous travailliez sur votre projet s’est-elle donc dissipée ?
Vous savez, il y a un Youssou N’Dour classique que les gens connaissent. Avec cet album je craignais qu’ils soient déroutés et pendant toute la phase de préparation, je me demandais comment les gens allaient recevoir ce nouveau travail. J’ai eu peur, c’est vrai. Je le répète, c’est un album très personnel que j’ai fait au départ pour moi, mais que j’ai ensuite ouvert aux autres. Aujourd’hui (NDLR : quelques minutes après le concert) je suis libéré.
Vous avez mis 5 ans à préparer votre album. Etait ce difficile ou simplement parce que vous deviez faire des aller retour entre Dakar et le Caire ?
C’était difficile, d’abord parce que c’était mon premier projet panafricain et je voulais que ça marche. C’est aussi un album qui parle de religion, il fallait qu’il soit à la hauteur de ses ambitions et de ces objectifs. J’ai donc pris tout le temps qu’il fallait, avec toute la précision nécessaire.
Vous vous défendez de vouloir susciter un débat idéologique, pourtant votre album contient bien un message, dans un contexte mondial très particulier. Vous chantez l’Islam religion de paix et de tolérance à l’attention d’un public cosmopolite. Vous attendez-vous à des réactions autres qu’artistiques?
Mon album veut véhiculer la diversité, le respect du choix de la religion et la tolérance. Je veux surtout montrer que l’Islam est religion d’amour et de paix. A la fin de la prière, on dit « Salam oulaikoum », Paix sur vous, un message universel. Je ne veux pas donner de leçon, mais je veux juste apporter ma contribution en tant qu’artiste pour dire au monde que ma religion est une religion de paix et de tolérance contrairement à ce que certains ignorants, une minorité heureusement, voudraient laisser croire.
C’est une coïncidence que votre album sorte à ce moment précis de notre histoire, marqué par la haine et la violence un peu partout dans le monde ?
Cet album a commencé en 1998, je pense que le monde allait bien ou du moins pas aussi mal. Il a été présenté juste après les événements douloureux du 11 septembre. On m’a conseillé de le sortir, mais j’ai refusé. J’ai préféré attendre pour ne pas me faire l’avocat de quoi que ce soit . Je voulais que mon album ait du recul par rapport à ces événements.
Quelle carrière envisagez-vous maintenant pour votre album?
Je pense, après la réaction du public, ce soir (samedi) que cet album a de beaux jours devant lui. Ce que j’ai vu aujourd’hui me fait dire que « Egypte » a des chances de toucher les gens, c’est essentiel une musique qui parle aux émotions et cela me conforte dans mon choix. L’album va également participer à montrer combien je refuse d’être vissé dans un courant musical ; je suis touche-à-tout en ce qui concerne la musique et c’est en fonction de ce que je ressens. Avec cet album, je peux aller partout dans le monde sans aucun complexe et arriver à toucher les gens, à les émouvoir, en parlant de ma religion.
Il y a également une tournée qui est en train de se monter un peu partout dans le monde.
Que disent les paroles, justement ?
L’album parle des promoteurs de la religion musulmane chez nous. D’abord il y a cheikh Ahmadou Bamba (khadimou Rassoul) de la confrérie dont je fais partie. C’est le fondateur du mouridisme qui prône la réhabilitation des valeurs culturelles de base de l'Islam au service du Prophète Sidna Mohammed Paix et Salut sur Lui. Il y a aussi cheikh Ahmed Tijani, prolongement de la confrérie tijania au Sénégal et cheikh Ibra Fall, un disciple de cheikh Ahmadou Bamba.
L’album est aussi un hommage à Dieu et à son prophète.
Comptez-vous vous spécialiser dans ce courant musical, cette catégorie de chants, c’est à dire dans le sacré ?
Je ne sais pas. « Egypte » pourrait être juste une parenthèse, je pourrais faire d’autres albums différents, mais je ne saurais pas le dire maintenant. Je crois que je prendrais les choses comme elles viennent et que je ferais comme d’habitude, c’est à dire comme je le sens.
Votre album est une forme d’engagement. Mettez-vous votre notoriété au service d’autres causes , sociales notamment?
Je suis ambassadeur de l’UNICEF et de la FAO, entre autres. Je pense que la musique est un credo, une puissance qu’on peut utiliser dans le travail quotidien que font certaines personnes pour les femmes et les enfants. Je suis également engagé dans la lutte contre le paludisme qui tue beaucoup de gens en Afrique et dans la lutte contre le sida ; je donne mon nom, je participe à des manifestations comme celle qui a été organisée en Afrique du sud avec la Fondation Mandela.
Que vous a dit Mme Viviane Wade, épouse du Président sénégalais, lorsque vous êtes allé la saluer à la fin du concert ? Vous semblez très complices. Vous arrive-t-il de travailler ensemble, parce que elle-même dirige une Fondation au Sénégal qui s’occupe d’éducation et de santé ?
Mme Wade m’a dit « Bravo champion ». Je savais qu’elle aimerait le concert car je la rencontre fréquemment et je sais qu’elle aime les choses profondes. On travaille beaucoup ensemble, on discute sur des questions de développement, car moi aussi je dirige une Fondation au Sénégal. C’est une Dame qui se bat bien pour trouver des solutions au niveau local et je l’appui dans sa démarche au niveau social, je ne le fais pas pour elle, mais pour mon pays.
De quoi vous occupez-vous dans votre Fondation ?
C’est une fondation des jeunes pour les jeunes. Je m’occupe essentiellement de financer et de lever des fonds et ce sont des amis qui ne sont pas musiciens qui forment le conseil de la fondation. Nous travaillons sur des projets de formation, de lutte contre le sida, de la scolarisation des jeunes filles. La fondation participe également au débat du forum culturel mondial.
Avez vous pensé à créer une structure pour défendre les droits d’artistes ? On sait qu’en Afrique, bien que le continent regorge de talents, l’artiste connaît d’énormes difficultés pour percer.
Je crois qu’il faut commencer par avoir un discours cohérent dans tout le continent. Les artistes doivent parler d’une même voix. Mon rêve c’est d’arriver à mettre en place une association panafricaine de musiciens professionnels qui disent la même chose, que ce soit au Libéria, au Sénégal ou au Maroc. A partir de ce moment, je pense qu’on pourrait régler beaucoup de problèmes, liés à des questions juridiques, de communication.
Ne l’oublions pas l’Afrique c’est 500 millions de personnes, c’est un grand marché. Il y a énormément de talents comme vous dites qui n’ont pas la parole. Les droits d’auteur sont bafoués et c’est pourquoi il faut pousser les politiques à voter les lois pour lutter contre le piratage.
Mon projet c’est justement de mettre sur pied cette association. J’ai déjà commencé et j’ai obtenu l’accord du Congo pour que le siège de l’association soit à Brazaville, pas au Sénagal.
