Seuls les Etats ayant une histoire et une culture peuvent le faire.. Nous n'avons pas de complexe à cause de notre passé.
L'histoire sert essentiellement à prévenir le futur». Ce haut responsable, professeur d'économie dans le civil, le déclare haut et fort : il est du côté de ceux qui luttent contre la corruption. Mais le ministre des finances pense surtout à l'avenir en évoquant les dossiers CIH, CNSS, BP actuellement devant la justice.
«Il est important de ne pas perdre du temps face une entreprise qui a beaucoup de difficultés à cause des malversations ou de la mauvaise gestion. C'est pour cela que nous avons commencé à redresser notamment la CNCA, le CIH. Cela coûte de l'argent mais je suis heureux de vous dire que les choses avancent.
Nous sommes dans un pays de droit. L'essentiel est de redresser, assainir, restructurer pour trouver des solutions. Nous avons par exemple trouver une solution élégante pour la BNDE grâce à son rapprochement avec la CDG et la CNCA».
Sur la question du Sahara, Fathallah Oualalou reconnaît volontiers qu'il s'agit d'un problème entre le Maroc et l'Algérie. «Le Maroc et l'Algérie doivent avoir le courage de dire que chacun des deux pays doit rester un pays fort et digne. Je crois que le respect de l'intégrité territoriale de chacun de nous est la garantie de cette dignité et de cette force».
Le ministre des finances est-il le méchant du gouvernement ? L'homme sourit, dit comprendre ses collègues ministres. «Mais gouverner c'est choisir. Un budget est comme un pain qu'il faut distribuer en cinq parts».
Le Matin : Le Maroc est en train de tourner la page du passé à sa manière, avec la création d'une instance équité et réconciliation. Comment selon vous parvenir à la vérité et à la réconciliation ?
Fathallah Oualalou : Il existe plusieurs références en la matière D'abord la référence espagnole que je trouve meilleure mais qui a été facilitée par le fait énorme et unique que l'Europe ait accueillie l'Espagne. Il y a aussi la référence de l'Amérique Latine : tout en essayant d'y juger le passé, il reste toujours présent. Il y a enfin la référence de l'Afrique du Sud qui a bien fonctionné. SM le Roi a eu du courage en mettant en place cette commission. Ce qui est important, c'est de faire une lecture de ce passé pour essentiellement bondir vers l'avenir. La reconnaissance des erreurs et des fautes est une forme de courage. Seuls les Etats ayant une histoire et une culture –c'est le cas du Maroc- peuvent le faire. En même temps, l'essentiel est dans l'avenir. Nous voulons dialoguer avec la modernisation, nous ouvrir, etc. Nous n'avons pas de complexe à cause de notre passé. L'histoire sert essentiellement à prévenir le futur.
Le dernier rapport de la Banque Mondiale sur le Maroc tire à boulets rouges sur la corruption dans notre pays. La fin de la corruption, véritable système chez nous, c'est quelque chose de possible pour vous?
Je suis du côté de ceux qui luttent contre la corruption et je suis pour la moralisation. J'ai lu les journaux qui ont parlé de ce rapport. C'est curieusement plus un rapport de Transparency que de la Banque Mondiale ! Ceci dit, je ne peux qu'applaudir tous ceux qui sont là pour nous aider à la moralisation. La privatisation a réussi au Maroc grâce à la transparence. Il existe au Maroc la grande et petite corruption. Je pense que depuis les procès, les rapports d'enquête parlementaire, l'IGF, de rôle des médias, ceux qui s'adonnaient à la grande corruption font de plus en plus attention. La petite corruption est présente dans beaucoup de secteurs. Il faut essayer de créer les conditions pour la juguler
Vous évoquiez les procès. Il y a là ceux de la BP, du CIH, de la CNSS, les minotiers. Mais de plus en plus on entend dans certains milieux qu'il faut tourner la page des délits économiques. Qu'est ce que vous en pensez ? N'est-ce pas là une manière d'encourager l'impunité ?
Pour ces dossiers, le ministère des finances pense surtout à l'avenir. Il est important de ne pas perdre du temps face une entreprise qui a beaucoup de difficultés à cause des malversations ou de la mauvaise gestion. C'est pour cela que nous avons commencé à redresser notamment la CNCA, le CIH. Cela coûte de l'argent mais je suis heureux de vous dire que les choses avancent. Nous sommes dans un pays de droit. La justice a le droit de jouer son rôle. Les retards qui ont accompagné la gestion de ces dossiers sur le plan judiciaire montrent qu'il n'y a pas de logique «assainissement», dans le mauvais sens j'entends.
Ce que nous avions vécu en 1996 a provoqué une rupture de confiance entre l'Administration et le monde de l'entreprise. La culture du droit est désormais intériorisée par tous. C'est la justice qui doit dire son dernier mot. Parallèlement à cela, nous devons gérer les dossiers. Le temps a un coût, «time is money». Si on n'arrive pas à résoudre les problèmes rapidement, il y aura une sorte d'accumulation. L'essentiel est de redresser, assainir, restructurer pour trouver des solutions. Nous avons par exemple trouver une solution élégante pour la BNDE grâce à son rapprochement avec la CDG et la CNCA. Cela a de plus renforcé deux établissements publics importants.
Le plan Baker a donné des sueurs froides au Maroc. Comment voyez-vous la résolution du dossier du Sahara ? Dans une solution politique négociée à Alger par exemple ?
Tout le monde sait que ce problème était au début un problème entre le Maroc et l'Espagne. Il est devenu ensuite un problème entre nous et l'Algérie. Tout le monde sait aussi que ce projet maghrébin qui n'a pas vu le jour- parce que nous avons raté des rendez-vous- est aujourd'hui un fait dangereux. Aussi bien du côté de l'Europe et que des Etats-Unis, on n'a plus envie aujourd'hui de dialoguer avec des petits Etats. Il est certain qu'il faut résoudre ce passé sans trop insister sur les fautes. Le Maroc et l'Algérie doivent avoir le courage de dire que chacun des deux pays doit rester un pays fort et digne.
Je crois que le respect de l'intégrité du territoire de chacun de nous est la garantie de cette dignité et de cette force. La force veut dire stabilité, sérénité et sans que personne ne se définisse contre l'autre mais lui tende la main. Le Maghreb était une idée et une utopie, devenue nécessaire. Et là aussi nous sommes tous en train de perdre du temps
La loi des Finances 2004 vient d'être adoptée. Comment la décririez-vous ? Et dans quelle mesure la sacro-sainte maîtrise des équilibres qui vous est chère n'a-t-elle pas pris le pas sur la politique sociale affichée par le gouvernement Jettou ?
La loi de finances 2004 contient certainement l'élément de la continuité. Mais il y a également beaucoup d'éléments de rénovation. Les analystes ne constatent que l'élément du cadre macro-économique que nous essayons toujours de maîtriser et ce n'est pas toujours facile. Je voudrais surtout relever les éléments de rénovation. Cette valeur ajoutée est présente dans 4 secteurs.
D'abord, l'effort de l'Etat lui-même dans l'investissement. Cet effort dépasse le budget parce qu'il y a un phénomène qu'on constate depuis 5 ou 6 ans de débudgétisation de l'effort de l'Etat à travers l'importance que sont en train de prendre les fonds liés à tel ou tel ministère, à travers aussi les interventions des établissements publics et le Fonds Hassan II. En termes d'effort de contribution de l'Etat les engagements de l'Etat vont se situer à peu près à 70 milliards de dirhams en 2004, c'est à dire un peu plus de 10% que ce qui est prévu.
Il y maîtrise et en même temps volontarisme. Ce volontarisme est aussi la valeur ajoutée dans 3 ou 4 secteurs. D'abord celui de l'habitat puisqu'on a aujourd'hui une vision fondée essentiellement sur la promotion de l'offre et de la demande. L'offre réside dans celle de terrains par les domaines de l'Etat mais aussi dans le renforcement du rôle du fonds de solidarité financé par un prélèvement sur le ciment.
Créé il y a deux ans, il va avoir un peu plus d'un milliard de dirhams de recettes. Au niveau de la demande, la nouveauté se situe dans la mise en place des fonds de garantie pour les petits fonctionnaires, ceux travaillant dans le secteur privé et qui vont permettre des prêts à 25 ans avec des taux d'intérêt intéressants grâce à une collaboration entre la Caisse centrale de garantie et les banques.
La nouveauté de la loi de finances est contenue dans les mesures visant à s'attaquer à une question oubliée pendant plusieurs années : les retraites. Le Maroc est entré dans une phase de transition démographique. Dans le cadre de cette loi de finances, il a été décidé un effort supplémentaire de la part de l'Etat ainsi qu'un prélèvement de 1% sur le salaire des fonctionnaires en vue de différer au moins de trois ans l'apparition du déficit du régime civil de la caisse marocaine de retraites.
Quant à la dimension sociale, je la situe entre autres dans la lutte contre la pauvreté. Ce qui est nouveau, à travers l'expression de la politique de proximité, c'est l'accélération du rythme de réalisation d'un certain nombre de projets notamment en matière de pistes rurales, l'eau potable, l'électrification dans le monde rural, la lutte contre l'analphabétisme et l'enseignement de base surtout pour la petite fille rurale. C'est bien de se féliciter de la Moudaouana, encore faut-il donner aux femmes d'aujourd'hui et plus encore celles de demain, la possibilité de s ‘épanouir réellement
Pourquoi entend-on justement plusieurs ministres se plaindre du ministre des finances qui ne leur accorde les moyens de leur politique ? Le ministre est-il aussi le méchant du gouvernement ?
C'est une idée répandue partout dans le monde. Un budget est comme un pain qu'il faut distribuer. On peut le distribuer en cinq parts et il faut savoir que si on accorde de l'importance à une part, c'est au détriment d'une autre. La première part sur laquelle tout le monde est d'accord au Maroc, c'est la défense de l'intégrité de notre pays dans le sens large. Il y a bien sûr le Sahara. Depuis le 16 mai , il y a la défense de l'équilibre général de notre pays avec toute la dimension que l'on doit donner à ce sens. Le budget doit là aussi répondre…
Il a répondu aux forces de sécurité par exemple…
Il a aussi répondu à la gestion, pour la première fois, des Awqaf et à celle de la chose religieuse dans le sens de la rationalisation et de la modernisation. L'éducation aussi, car c'est là où les réformes sont essentielles. Toute réforme implique de l'argent. Je reviens à mon image des parts de pain. Il faut aussi financer les exigences de la croissance et du développement.
Cela veut dire d'abord le développement des ressources humaines: c'est à dire la santé, l'éducation, le développement des infrastructures, l'accompagnement du secteur privé et de celui du secteur public qui joue un rôle important dans l'investissement de l'Etat. Le troisième chapitre concerne la lutte contre la pauvreté. Cette lutte est un élément du social car il y a des revendications sociales des travailleurs.
D'où le quatrième chapitre qui est celui de répondre à la demande de ceux qui travailleurs dans l'administration publique, les établissements publics et même le privé d'une certaine façon car quand une entreprise paie plus, cela se fait au détriment du bénéfice et donc des impôts. Une dernière part de ce pays est celle des retraités.
Dans le même temps, je comprends tous mes collègues. Mais gouverner c'est choisir. C'est dans ce sens qu'il y a de grands choix indiqués par SM le Roi. Il y a des choix au niveau de l'exécution dans lesquels le premier ministre joue le rôle d'arbitre. Quand je me place du point de vue de chaque ministre, je le comprends ! Mais ici, nous sommes aux Finances et nous sommes là pour gérer un autre équilibre qui n'est pas seulement financier.
C'est un équilibre général du pays. En même temps, il faut rester à l'écoute et tenter de répondre aux nouveaux besoins. Je prends un exemple : la moudaouana est maintenant devant le Parlement. Le projet de réforme du code de la famille a été prêt après la préparation du budget. Tout le monde a applaudi le nouveau texte mais il faut en même temps créer des tribunaux de la famille, etc. Il y a nécessairement des dépenses. Avec le ministre de la justice, nous sommes en train de travailler pour trouver des solutions.
Depuis que vous confectionnez le budget de l'Etat, on vous reproche tous les ans à la même période de vous inscrire dans la continuité de vos prédécesseurs qui avaient la particularité d'être des technocrates. On reproche à votre loi de finances de ne pas être suffisamment imaginative et courageuse. Où se situe votre différence ? Peut-on être ministre des finances, socialiste et porteur de convictions et d'un projet politique ?
Il y a eu et il y a des ministres des finances brillants en Europe et que j'ai eu â côtoyer dans le cadre de l'Internationale Socialiste. Ce qui est nouveau dans le pays et qui n'existait pas auparavant, c'est que le Maroc se place dans une phase du qualitatif à côté de celle quantitatif. Aujourd'hui, un budget accompagne des réformes. C'est ce qui nous manquait auparavant. Moi-même quand j'étais à l'opposition, j'ai essayé de faire comprendre que l'essentiel n'était pas la politique d'ajustement structurel qui était purement quantitative.
La nouveauté au Maroc, depuis la fin des années 1990, et plus clairement en 1998 à cause du changement politique que le Maroc a connu, c'est que le pays est entré dans une phase de réformes : réformes politiques, droits de l'homme, démocratisation, moudawana, réformes qui touchent des questions économiques essentielles comme l'eau ou les transports etc, les problèmes financiers ou autres des établissements publics….
On a réformé le code des assurances. On vient de finaliser les réformes du marché financier et on a déposé des textes essentiels au parlement pour réformer le statut de Bank Al Maghrib et la loi bancaire.
Que va devenir Bank Al Maghrib ?
Bank Al Maghrib sera à l'image de la banque centrale universelle. Elle aura plus de responsabilité et en grande partie plus d'autonomie pour contrôler et maîtriser la politique monétaire. En même temps, elle ne va plus accorder les facilités qu'elle accordait auparavant à l'Etat. Ce qui implique que l'Etat doit maîtriser ses propres deniers. Bank Al Maghrib qui était jusque-là actionnaire dans un certain nombre de banques publiques va s'en désengager car elle ne peut plus être à la fois sujet et arbitre.
Ce qui est nouveau dans le pays, c'est la réforme. La réforme avec sa dimension politique, économique et sociale etc a un coût. C'est elle qui donne un peu de sel au quantitatif. Le monde d'aujourd'hui par rapport à il y a seulement 15 ans est beaucoup plus globalisé. Nous devons tenir compte beaucoup plus que nos prédécesseurs de l'amélioration de la compétitivité de l'économie marocaine, de la maîtrise de l'inflation.
Ce n'est plus un choix et il faut faire en sorte que ce choix ne soit pas subi mais choisi. C'est pourquoi nous devions l'intégrer dans une démarche de grandes réformes. D'ailleurs quand nous signons un accord d'association avec l'Union Européenne et que nous prétendons à juste titre être le champ le plus avancé de l'expérimentation du statut d'association en Méditerranée, cela ne peut pas se faire si on ne réforme pas notre politique. Il y a des réformes qui semblent ne pas coûter mais qui ont leur sens.
Pour moi, la réforme de la Moudaouana est aussi importante que l'augmentation du PIB de 5%. Le succès de la démocratie est important et cette bonne image du pays qui est aujourd'hui la nôtre, nous en sommes désormais prisonniers.
De plus en plus le monde des affaires développe des inquiétudes par rapport à l'accord de zone de libre échange avec les Etats-Unis. Que va-t-il nous apporter, à nous Marocains ? Concrètement, qu'est-ce qui va changer pour nous ?
La proximité culturelle, géographique et historique avec l'Union européenne est têtue et déterminante. L'essentiel, ce n'est pas un accord mais le cadre d'un accord. Notre commerce avec les Etats-Unis constitue moins de 4% de nos échanges. Avec l'Union Européenne, il représente 70%.
C'est à partir de là que j'analyse l'effet des deux accords. Ce qui est nouveau dans l'accord avec les Etats-Unis, c'est l'amélioration de l'attractivité de notre pays pour les investissements américains. Ils ne veulent pas se situer dans un cadre purement marocain mais plutôt régional et maghrébin. Le Maroc peut être là aussi une petite locomotive.
Une fois installés, ils peuvent exporter soit vers l'Europe soit vers les Etats-Unis. En même temps, ces accords sont une opportunité pour nous permettre d'accélérer nos réformes. Nous devons bien sûr défendre nos intérêts avec lucidité et volontarisme notamment dans le secteur agricole, essentiel pour l'équilibre de notre pays. Il ne faut pas avoir peur de cet accord avec les Etats-Unis
Etes-vous en train de rassurer la communauté des affaires ?
Il faut que le monde de l'entreprise sache que notre économie doit dépasser son état rentier. Une entreprise marocaine n'est plus comme auparavant de plus en plus protégée par l'Etat et elle n'est plus aussi protégée par l'autarcie.
La réforme concerne aussi les esprits. La réforme doit également toucher l'entreprise marocaine. La mise à niveau doit concerner toutes les composantes de la société marocaine. Personne ne doit se dire que c'est à l'autre de se réformer ou de se mettre à niveau. Chacun doit prendre ses responsabilités. Les changements politiques que le Maroc a connu ces dernières années nous amène tous à ce débat.
Les spécialistes affirment qu'il y a une stagnation de la Bourse de Casablanca depuis 1998. Il n'y a pas eu de nouvelles introductions en bourse. Pourquoi la réforme de la Bourse ne semble-t-elle pas prendre ? Où en est-on par rapport à l'introduction en bourse de parts de Maroc Télécom et de la régie des Tabacs ?
La stagnation s'est en fait arrêtée en 2003. La bourse de Casablanca est jeune. Il faut la promouvoir parce que c'est une façon de promouvoir l'épargne, de moderniser notre économie et de pousser l'entreprise marocaine à quitter son cadre familial étriqué pour entrer dans un cadre de transparence. Depuis trois ans, nous avons mis en place des stipulations pour encourager les entreprises à entrer en bourse, et ce sans réponse positive. C'est pour cela que dans la loi de finances 2004, nous avons décidé une autre extension dans le temps. Les mêmes facilités seront accordées pendant 3 ans encore.
Je crois que tout cela est une affaire de culture. Mais il faut être patient. Ce qui est nouveau, c'est que les textes votés par le parlement il y a quelques jours visent à renforcer le contrôle de la bourse notamment par le CDVM et créer les conditions de plus de transparence. L'essentiel est de continuer à accompagner la bourse.
Dans ce secteur plus que d'autres, c'est un problème structurel et culturel.
Je dirai enfin que la bourse est le miroir de la tendance à la modernisation de l'économie. Dans notre pays, il y a une structure duale sur tous les plans : politique, économique, social. L'essentiel est d'élargir l'espace de la modernisation et la bourse est un élément de modernisation. Mais il ne faut rien exagérer non plus. D'autant que j'ai eu à constater qu'il n'y a aucune corrélation dans notre pays entre les résultats de la Bourse et le PIB marocain.
Ce qui est prévu en 2004, c'est l'introduction en bourse de parts de Maroc Télécom et de la Banque Populaire. La Régie des Tabacs est également concernée et ce sera effectif probablement en 2005.
La privatisation de la RAM est-elle à l'ordre du jour ?
Il y a trois ans, on en parlait beaucoup. Après le 11 septembre, il est certain que toutes les compagnies d'aviation dans le monde ont été obligées d'affronter de nombreuses difficultés. C'est pour cela que l'Etat a signé un contrat-programme avec la RAM ; ce qui lui a permis d ‘améliorer ses performances et d'acheter de nouveaux avions. Il faut qu'elle soit au service du tourisme. On ne peut développer ce secteur sans l'aérien.
Mais la libéralisation va s'imposer à nous et il certain que l'ouverture du capital de la RAM va se faire un jour. De manière générale, la privatisation n'est pas un but en soi et elle n'a pas à être liée à des considérations budgétaires. Pour réussir la privatisation, il faut la faire dans la transparence et pour créer les conditions de l'émergence d'un grand projet industriel qui a un rayonnement à l'intérieur de notre économie.
L'histoire sert essentiellement à prévenir le futur». Ce haut responsable, professeur d'économie dans le civil, le déclare haut et fort : il est du côté de ceux qui luttent contre la corruption. Mais le ministre des finances pense surtout à l'avenir en évoquant les dossiers CIH, CNSS, BP actuellement devant la justice.
«Il est important de ne pas perdre du temps face une entreprise qui a beaucoup de difficultés à cause des malversations ou de la mauvaise gestion. C'est pour cela que nous avons commencé à redresser notamment la CNCA, le CIH. Cela coûte de l'argent mais je suis heureux de vous dire que les choses avancent.
Nous sommes dans un pays de droit. L'essentiel est de redresser, assainir, restructurer pour trouver des solutions. Nous avons par exemple trouver une solution élégante pour la BNDE grâce à son rapprochement avec la CDG et la CNCA».
Sur la question du Sahara, Fathallah Oualalou reconnaît volontiers qu'il s'agit d'un problème entre le Maroc et l'Algérie. «Le Maroc et l'Algérie doivent avoir le courage de dire que chacun des deux pays doit rester un pays fort et digne. Je crois que le respect de l'intégrité territoriale de chacun de nous est la garantie de cette dignité et de cette force».
Le ministre des finances est-il le méchant du gouvernement ? L'homme sourit, dit comprendre ses collègues ministres. «Mais gouverner c'est choisir. Un budget est comme un pain qu'il faut distribuer en cinq parts».
Entretien avec Fathallah Oualalou, ministre des finances et membre dirigeant de l'USFP
Le Matin : Le Maroc est en train de tourner la page du passé à sa manière, avec la création d'une instance équité et réconciliation. Comment selon vous parvenir à la vérité et à la réconciliation ?
Fathallah Oualalou : Il existe plusieurs références en la matière D'abord la référence espagnole que je trouve meilleure mais qui a été facilitée par le fait énorme et unique que l'Europe ait accueillie l'Espagne. Il y a aussi la référence de l'Amérique Latine : tout en essayant d'y juger le passé, il reste toujours présent. Il y a enfin la référence de l'Afrique du Sud qui a bien fonctionné. SM le Roi a eu du courage en mettant en place cette commission. Ce qui est important, c'est de faire une lecture de ce passé pour essentiellement bondir vers l'avenir. La reconnaissance des erreurs et des fautes est une forme de courage. Seuls les Etats ayant une histoire et une culture –c'est le cas du Maroc- peuvent le faire. En même temps, l'essentiel est dans l'avenir. Nous voulons dialoguer avec la modernisation, nous ouvrir, etc. Nous n'avons pas de complexe à cause de notre passé. L'histoire sert essentiellement à prévenir le futur.
Le dernier rapport de la Banque Mondiale sur le Maroc tire à boulets rouges sur la corruption dans notre pays. La fin de la corruption, véritable système chez nous, c'est quelque chose de possible pour vous?
Je suis du côté de ceux qui luttent contre la corruption et je suis pour la moralisation. J'ai lu les journaux qui ont parlé de ce rapport. C'est curieusement plus un rapport de Transparency que de la Banque Mondiale ! Ceci dit, je ne peux qu'applaudir tous ceux qui sont là pour nous aider à la moralisation. La privatisation a réussi au Maroc grâce à la transparence. Il existe au Maroc la grande et petite corruption. Je pense que depuis les procès, les rapports d'enquête parlementaire, l'IGF, de rôle des médias, ceux qui s'adonnaient à la grande corruption font de plus en plus attention. La petite corruption est présente dans beaucoup de secteurs. Il faut essayer de créer les conditions pour la juguler
Vous évoquiez les procès. Il y a là ceux de la BP, du CIH, de la CNSS, les minotiers. Mais de plus en plus on entend dans certains milieux qu'il faut tourner la page des délits économiques. Qu'est ce que vous en pensez ? N'est-ce pas là une manière d'encourager l'impunité ?
Pour ces dossiers, le ministère des finances pense surtout à l'avenir. Il est important de ne pas perdre du temps face une entreprise qui a beaucoup de difficultés à cause des malversations ou de la mauvaise gestion. C'est pour cela que nous avons commencé à redresser notamment la CNCA, le CIH. Cela coûte de l'argent mais je suis heureux de vous dire que les choses avancent. Nous sommes dans un pays de droit. La justice a le droit de jouer son rôle. Les retards qui ont accompagné la gestion de ces dossiers sur le plan judiciaire montrent qu'il n'y a pas de logique «assainissement», dans le mauvais sens j'entends.
Ce que nous avions vécu en 1996 a provoqué une rupture de confiance entre l'Administration et le monde de l'entreprise. La culture du droit est désormais intériorisée par tous. C'est la justice qui doit dire son dernier mot. Parallèlement à cela, nous devons gérer les dossiers. Le temps a un coût, «time is money». Si on n'arrive pas à résoudre les problèmes rapidement, il y aura une sorte d'accumulation. L'essentiel est de redresser, assainir, restructurer pour trouver des solutions. Nous avons par exemple trouver une solution élégante pour la BNDE grâce à son rapprochement avec la CDG et la CNCA. Cela a de plus renforcé deux établissements publics importants.
Le plan Baker a donné des sueurs froides au Maroc. Comment voyez-vous la résolution du dossier du Sahara ? Dans une solution politique négociée à Alger par exemple ?
Tout le monde sait que ce problème était au début un problème entre le Maroc et l'Espagne. Il est devenu ensuite un problème entre nous et l'Algérie. Tout le monde sait aussi que ce projet maghrébin qui n'a pas vu le jour- parce que nous avons raté des rendez-vous- est aujourd'hui un fait dangereux. Aussi bien du côté de l'Europe et que des Etats-Unis, on n'a plus envie aujourd'hui de dialoguer avec des petits Etats. Il est certain qu'il faut résoudre ce passé sans trop insister sur les fautes. Le Maroc et l'Algérie doivent avoir le courage de dire que chacun des deux pays doit rester un pays fort et digne.
Je crois que le respect de l'intégrité du territoire de chacun de nous est la garantie de cette dignité et de cette force. La force veut dire stabilité, sérénité et sans que personne ne se définisse contre l'autre mais lui tende la main. Le Maghreb était une idée et une utopie, devenue nécessaire. Et là aussi nous sommes tous en train de perdre du temps
La loi des Finances 2004 vient d'être adoptée. Comment la décririez-vous ? Et dans quelle mesure la sacro-sainte maîtrise des équilibres qui vous est chère n'a-t-elle pas pris le pas sur la politique sociale affichée par le gouvernement Jettou ?
La loi de finances 2004 contient certainement l'élément de la continuité. Mais il y a également beaucoup d'éléments de rénovation. Les analystes ne constatent que l'élément du cadre macro-économique que nous essayons toujours de maîtriser et ce n'est pas toujours facile. Je voudrais surtout relever les éléments de rénovation. Cette valeur ajoutée est présente dans 4 secteurs.
D'abord, l'effort de l'Etat lui-même dans l'investissement. Cet effort dépasse le budget parce qu'il y a un phénomène qu'on constate depuis 5 ou 6 ans de débudgétisation de l'effort de l'Etat à travers l'importance que sont en train de prendre les fonds liés à tel ou tel ministère, à travers aussi les interventions des établissements publics et le Fonds Hassan II. En termes d'effort de contribution de l'Etat les engagements de l'Etat vont se situer à peu près à 70 milliards de dirhams en 2004, c'est à dire un peu plus de 10% que ce qui est prévu.
Il y maîtrise et en même temps volontarisme. Ce volontarisme est aussi la valeur ajoutée dans 3 ou 4 secteurs. D'abord celui de l'habitat puisqu'on a aujourd'hui une vision fondée essentiellement sur la promotion de l'offre et de la demande. L'offre réside dans celle de terrains par les domaines de l'Etat mais aussi dans le renforcement du rôle du fonds de solidarité financé par un prélèvement sur le ciment.
Créé il y a deux ans, il va avoir un peu plus d'un milliard de dirhams de recettes. Au niveau de la demande, la nouveauté se situe dans la mise en place des fonds de garantie pour les petits fonctionnaires, ceux travaillant dans le secteur privé et qui vont permettre des prêts à 25 ans avec des taux d'intérêt intéressants grâce à une collaboration entre la Caisse centrale de garantie et les banques.
La nouveauté de la loi de finances est contenue dans les mesures visant à s'attaquer à une question oubliée pendant plusieurs années : les retraites. Le Maroc est entré dans une phase de transition démographique. Dans le cadre de cette loi de finances, il a été décidé un effort supplémentaire de la part de l'Etat ainsi qu'un prélèvement de 1% sur le salaire des fonctionnaires en vue de différer au moins de trois ans l'apparition du déficit du régime civil de la caisse marocaine de retraites.
Quant à la dimension sociale, je la situe entre autres dans la lutte contre la pauvreté. Ce qui est nouveau, à travers l'expression de la politique de proximité, c'est l'accélération du rythme de réalisation d'un certain nombre de projets notamment en matière de pistes rurales, l'eau potable, l'électrification dans le monde rural, la lutte contre l'analphabétisme et l'enseignement de base surtout pour la petite fille rurale. C'est bien de se féliciter de la Moudaouana, encore faut-il donner aux femmes d'aujourd'hui et plus encore celles de demain, la possibilité de s ‘épanouir réellement
Pourquoi entend-on justement plusieurs ministres se plaindre du ministre des finances qui ne leur accorde les moyens de leur politique ? Le ministre est-il aussi le méchant du gouvernement ?
C'est une idée répandue partout dans le monde. Un budget est comme un pain qu'il faut distribuer. On peut le distribuer en cinq parts et il faut savoir que si on accorde de l'importance à une part, c'est au détriment d'une autre. La première part sur laquelle tout le monde est d'accord au Maroc, c'est la défense de l'intégrité de notre pays dans le sens large. Il y a bien sûr le Sahara. Depuis le 16 mai , il y a la défense de l'équilibre général de notre pays avec toute la dimension que l'on doit donner à ce sens. Le budget doit là aussi répondre…
Il a répondu aux forces de sécurité par exemple…
Il a aussi répondu à la gestion, pour la première fois, des Awqaf et à celle de la chose religieuse dans le sens de la rationalisation et de la modernisation. L'éducation aussi, car c'est là où les réformes sont essentielles. Toute réforme implique de l'argent. Je reviens à mon image des parts de pain. Il faut aussi financer les exigences de la croissance et du développement.
Cela veut dire d'abord le développement des ressources humaines: c'est à dire la santé, l'éducation, le développement des infrastructures, l'accompagnement du secteur privé et de celui du secteur public qui joue un rôle important dans l'investissement de l'Etat. Le troisième chapitre concerne la lutte contre la pauvreté. Cette lutte est un élément du social car il y a des revendications sociales des travailleurs.
D'où le quatrième chapitre qui est celui de répondre à la demande de ceux qui travailleurs dans l'administration publique, les établissements publics et même le privé d'une certaine façon car quand une entreprise paie plus, cela se fait au détriment du bénéfice et donc des impôts. Une dernière part de ce pays est celle des retraités.
Dans le même temps, je comprends tous mes collègues. Mais gouverner c'est choisir. C'est dans ce sens qu'il y a de grands choix indiqués par SM le Roi. Il y a des choix au niveau de l'exécution dans lesquels le premier ministre joue le rôle d'arbitre. Quand je me place du point de vue de chaque ministre, je le comprends ! Mais ici, nous sommes aux Finances et nous sommes là pour gérer un autre équilibre qui n'est pas seulement financier.
C'est un équilibre général du pays. En même temps, il faut rester à l'écoute et tenter de répondre aux nouveaux besoins. Je prends un exemple : la moudaouana est maintenant devant le Parlement. Le projet de réforme du code de la famille a été prêt après la préparation du budget. Tout le monde a applaudi le nouveau texte mais il faut en même temps créer des tribunaux de la famille, etc. Il y a nécessairement des dépenses. Avec le ministre de la justice, nous sommes en train de travailler pour trouver des solutions.
Depuis que vous confectionnez le budget de l'Etat, on vous reproche tous les ans à la même période de vous inscrire dans la continuité de vos prédécesseurs qui avaient la particularité d'être des technocrates. On reproche à votre loi de finances de ne pas être suffisamment imaginative et courageuse. Où se situe votre différence ? Peut-on être ministre des finances, socialiste et porteur de convictions et d'un projet politique ?
Il y a eu et il y a des ministres des finances brillants en Europe et que j'ai eu â côtoyer dans le cadre de l'Internationale Socialiste. Ce qui est nouveau dans le pays et qui n'existait pas auparavant, c'est que le Maroc se place dans une phase du qualitatif à côté de celle quantitatif. Aujourd'hui, un budget accompagne des réformes. C'est ce qui nous manquait auparavant. Moi-même quand j'étais à l'opposition, j'ai essayé de faire comprendre que l'essentiel n'était pas la politique d'ajustement structurel qui était purement quantitative.
La nouveauté au Maroc, depuis la fin des années 1990, et plus clairement en 1998 à cause du changement politique que le Maroc a connu, c'est que le pays est entré dans une phase de réformes : réformes politiques, droits de l'homme, démocratisation, moudawana, réformes qui touchent des questions économiques essentielles comme l'eau ou les transports etc, les problèmes financiers ou autres des établissements publics….
On a réformé le code des assurances. On vient de finaliser les réformes du marché financier et on a déposé des textes essentiels au parlement pour réformer le statut de Bank Al Maghrib et la loi bancaire.
Que va devenir Bank Al Maghrib ?
Bank Al Maghrib sera à l'image de la banque centrale universelle. Elle aura plus de responsabilité et en grande partie plus d'autonomie pour contrôler et maîtriser la politique monétaire. En même temps, elle ne va plus accorder les facilités qu'elle accordait auparavant à l'Etat. Ce qui implique que l'Etat doit maîtriser ses propres deniers. Bank Al Maghrib qui était jusque-là actionnaire dans un certain nombre de banques publiques va s'en désengager car elle ne peut plus être à la fois sujet et arbitre.
Ce qui est nouveau dans le pays, c'est la réforme. La réforme avec sa dimension politique, économique et sociale etc a un coût. C'est elle qui donne un peu de sel au quantitatif. Le monde d'aujourd'hui par rapport à il y a seulement 15 ans est beaucoup plus globalisé. Nous devons tenir compte beaucoup plus que nos prédécesseurs de l'amélioration de la compétitivité de l'économie marocaine, de la maîtrise de l'inflation.
Ce n'est plus un choix et il faut faire en sorte que ce choix ne soit pas subi mais choisi. C'est pourquoi nous devions l'intégrer dans une démarche de grandes réformes. D'ailleurs quand nous signons un accord d'association avec l'Union Européenne et que nous prétendons à juste titre être le champ le plus avancé de l'expérimentation du statut d'association en Méditerranée, cela ne peut pas se faire si on ne réforme pas notre politique. Il y a des réformes qui semblent ne pas coûter mais qui ont leur sens.
Pour moi, la réforme de la Moudaouana est aussi importante que l'augmentation du PIB de 5%. Le succès de la démocratie est important et cette bonne image du pays qui est aujourd'hui la nôtre, nous en sommes désormais prisonniers.
De plus en plus le monde des affaires développe des inquiétudes par rapport à l'accord de zone de libre échange avec les Etats-Unis. Que va-t-il nous apporter, à nous Marocains ? Concrètement, qu'est-ce qui va changer pour nous ?
La proximité culturelle, géographique et historique avec l'Union européenne est têtue et déterminante. L'essentiel, ce n'est pas un accord mais le cadre d'un accord. Notre commerce avec les Etats-Unis constitue moins de 4% de nos échanges. Avec l'Union Européenne, il représente 70%.
C'est à partir de là que j'analyse l'effet des deux accords. Ce qui est nouveau dans l'accord avec les Etats-Unis, c'est l'amélioration de l'attractivité de notre pays pour les investissements américains. Ils ne veulent pas se situer dans un cadre purement marocain mais plutôt régional et maghrébin. Le Maroc peut être là aussi une petite locomotive.
Une fois installés, ils peuvent exporter soit vers l'Europe soit vers les Etats-Unis. En même temps, ces accords sont une opportunité pour nous permettre d'accélérer nos réformes. Nous devons bien sûr défendre nos intérêts avec lucidité et volontarisme notamment dans le secteur agricole, essentiel pour l'équilibre de notre pays. Il ne faut pas avoir peur de cet accord avec les Etats-Unis
Etes-vous en train de rassurer la communauté des affaires ?
Il faut que le monde de l'entreprise sache que notre économie doit dépasser son état rentier. Une entreprise marocaine n'est plus comme auparavant de plus en plus protégée par l'Etat et elle n'est plus aussi protégée par l'autarcie.
La réforme concerne aussi les esprits. La réforme doit également toucher l'entreprise marocaine. La mise à niveau doit concerner toutes les composantes de la société marocaine. Personne ne doit se dire que c'est à l'autre de se réformer ou de se mettre à niveau. Chacun doit prendre ses responsabilités. Les changements politiques que le Maroc a connu ces dernières années nous amène tous à ce débat.
Les spécialistes affirment qu'il y a une stagnation de la Bourse de Casablanca depuis 1998. Il n'y a pas eu de nouvelles introductions en bourse. Pourquoi la réforme de la Bourse ne semble-t-elle pas prendre ? Où en est-on par rapport à l'introduction en bourse de parts de Maroc Télécom et de la régie des Tabacs ?
La stagnation s'est en fait arrêtée en 2003. La bourse de Casablanca est jeune. Il faut la promouvoir parce que c'est une façon de promouvoir l'épargne, de moderniser notre économie et de pousser l'entreprise marocaine à quitter son cadre familial étriqué pour entrer dans un cadre de transparence. Depuis trois ans, nous avons mis en place des stipulations pour encourager les entreprises à entrer en bourse, et ce sans réponse positive. C'est pour cela que dans la loi de finances 2004, nous avons décidé une autre extension dans le temps. Les mêmes facilités seront accordées pendant 3 ans encore.
Je crois que tout cela est une affaire de culture. Mais il faut être patient. Ce qui est nouveau, c'est que les textes votés par le parlement il y a quelques jours visent à renforcer le contrôle de la bourse notamment par le CDVM et créer les conditions de plus de transparence. L'essentiel est de continuer à accompagner la bourse.
Dans ce secteur plus que d'autres, c'est un problème structurel et culturel.
Je dirai enfin que la bourse est le miroir de la tendance à la modernisation de l'économie. Dans notre pays, il y a une structure duale sur tous les plans : politique, économique, social. L'essentiel est d'élargir l'espace de la modernisation et la bourse est un élément de modernisation. Mais il ne faut rien exagérer non plus. D'autant que j'ai eu à constater qu'il n'y a aucune corrélation dans notre pays entre les résultats de la Bourse et le PIB marocain.
Ce qui est prévu en 2004, c'est l'introduction en bourse de parts de Maroc Télécom et de la Banque Populaire. La Régie des Tabacs est également concernée et ce sera effectif probablement en 2005.
La privatisation de la RAM est-elle à l'ordre du jour ?
Il y a trois ans, on en parlait beaucoup. Après le 11 septembre, il est certain que toutes les compagnies d'aviation dans le monde ont été obligées d'affronter de nombreuses difficultés. C'est pour cela que l'Etat a signé un contrat-programme avec la RAM ; ce qui lui a permis d ‘améliorer ses performances et d'acheter de nouveaux avions. Il faut qu'elle soit au service du tourisme. On ne peut développer ce secteur sans l'aérien.
Mais la libéralisation va s'imposer à nous et il certain que l'ouverture du capital de la RAM va se faire un jour. De manière générale, la privatisation n'est pas un but en soi et elle n'a pas à être liée à des considérations budgétaires. Pour réussir la privatisation, il faut la faire dans la transparence et pour créer les conditions de l'émergence d'un grand projet industriel qui a un rayonnement à l'intérieur de notre économie.
