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Entretien avec Jean Christophe Adrian, coordinateur des Programmes Agenda 21 à ONU Habitat : «Agenda 21 local, c'est une approche fondée sur la bonne gouvernance»

A Meknès se sont ouverts hier les deuxièmes ateliers consultations de ville inaugurés par Mohamed Yazghi, ministre de l'Aménagement du territoire, de l'eau et de l'Environnement et M. Casterle le représentant résident du PNUD au Maroc. Au Palais des cong

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Dans le cadre du processus d'Agenda 21, local trois ateliers se sont réunis sous les thèmes de gestion de l'eau, valorisation du patrimoine historique et amélioration du cadre de vie et promotion de la ville comme pôle régional.
Pour comprendre ce processus, Jean Christophe Adrian, coordonateur des programmes Agenda 21 à ONU – Habitat à Naïrobi, nous explique les processus en place.
Le Matin du Sahara : Vous venez d'achever une mission au Maroc. Quel était l'objet de cette mission ?

Jean Christophe Adrian :
c'est une mission courte de quelques jours. Il fallait former et outiller les coordinateurs locaux qui ont été recrutés pour démarrer les Agendas 21 sur 5 centres urbains de la région de Marrakech – Tensift – Al Haouz à savoir Tahanaout, Chichaoua, Aït Ourir, Kalaâ et Benguerir.
Il fallait donner les outils qui permettent de démarrer le processus Agenda 21, notamment d'entreprendre la préparation des profils environnementaux c'est-à-dire le diagnostic de ces 5 centres urbains dans la perspective d'organiser des consultations villes d'ici la fin de l'année.

Aït Ourir ou Benguerir pourront être ainsi reliés au réseau des villes couvertes par Agenda 21. Quels sont les pays ou les villes qui bénéficient de ce programme ?

Agenda 21 local travaille en étroite collaboration avec un autre programme d'un habitat qui est celui des «cités durables». A eux deux, ces deux programmes couvrent 40 pays dans le monde en Europe, en Amérique latine, en Afrique, dans le monde arabe. Un habitat est l'agence des Nations Unies qui est chargé de travailler sur les questions de logement d'urbanisme et de développement urbains. Un habitat a créé une section environnement urbain qui travaille sur les questions du développement urbain durable. Cela veut dire quoi ? Qu'il y a une prise en compte de la dimension environnementale dans le développement urbain aux cotés du nécessaire développement économique et social. Nous apportons des outils qui permettent de structurer ces processus d'agenda 21 ou ces processus de cités durables.

A travers les 6000 villes dans le monde qui pratiquent Agenda 21, cela permet d'avoir une approche commune. Les enseignements acquis dans une ville peuvent servir dans les autres, parce qu'il y a une cohérence dans les approches et les outils utilisés. Nous faisons tout pour favoriser cet échange d'expérience qui est important pour nous.

Au Maroc, l'expérience est déjà intéressante. En 1996, il y a eu une première expérience à Essaouira puis en 2001, nous avons initié Agenda 21 à Marrakech, Meknès et Agadir. D'autres villes sont très intéressées par cette approche menée conjointement par le ministère de l'Aménagement du Territoire de l'Eau et de l'Environnement et par les Nations Unies par le biais Un habitat. Ces villes sont Figuig, Rabat, Al Houceïma, Tan Tan, Goulmime …

Q : Vous évoquez souvent le terme de processus. Comment se décline le processus Agenda 21.

il y a d'abord les diagnostics à réaliser. C'est un travail lourd qui nécessite des enquêtes, des entretiens avec les acteurs de la ville et qui donne une photographie de la ville et de ses problématiques environnementales et institutionnelles. Ce document permet d'offrir une base de connaissance et de compréhension commune pour l'ensemble des acteurs qui participent au processus. Celui-ci met l'accent sur la coordination intersectorielle.

D'autre part, si on veut que les acteurs de la ville participent de manière efficace, il faut qu'ils aient accès à une base d'information qui leur donne cette vue d'ensemble de la ville. Le diagnostic, il faut le souligner, est un travail basé sur la collecte d'informations auprès des acteurs et des institutions. Ce n'est pas un rapport technique d'experts.

Sur la base de ce travail, il a été possible d'identifier des problématiques prioritaires, qui ont été discutées il y a 1 an lors des consultations de villes. Celles-ci ont permis de discuter, d'enrichir et de valider les profils environnementaux et de voir qu'ils étaient des mécanismes à mettre en place de manière à apporter des solutions aux problèmes retenus. Ces modalités se sont traduites sous forme de groupes de travail restreints de 15 personnes et de groupes de travail élargis d'une cinquantaine de personnes qui validait le travail.

Tout ceci a été fait dans le souci de faciliter la participation la plus large possible des acteurs. Au sein de ces groupes, un travail de fond a été réalisé en terme d'analyse des problèmes. Cela s'est traduit par le montage d'un arbre à problèmes qui permet d'analyser les causes des dysfonctionnements.
Le tronc est le problème principal et les branches étant les conséquences de ce problème. C'est une technique simple qui permet une analyse et d'avancer vers un consensus dans le groupe. On prend ainsi en compte les différentes perspectives de tous les acteurs autour d'un travail de négociation.

Une fois ce consensus réalisé, vous passez à la troisième étape. L'arbre à problèmes, dites-vous, devient arbre à objectifs. Cela veut dire quoi ?

En devenant un arbre à objectifs, les actions à mettre en œuvre sont bien identifiées. Là aussi, il y a une meilleure visualisation des problématiques cernées comme, par exemple, la gestion de l'eau, l'accès au service de base, l'intégration sociale, qui sont tous des thèmes transversaux que l'on retrouve dans toutes les villes. Pour décliner les actions après les avoir identifiées, on a calculé que pour la ville de Marrakech.

Il a fallu une charge de mille journées de travail qui a impliqué 150 personnes. Cela montre qu'il s'agit là d'un travail très fouillé qui a demandé la compétence d'un grand nombre d'acteurs de la ville et qui a créé aussi une synergie importante. Les acteurs deviennent partie prenante au processus de développement de la ville. Après l'arbre à problèmes, l'arbre à objectifs et la déclinaison des actions, nous sommes parvenus à identifier quelque 250 actions par ville. C'est une boîte à idées, une banque de projets pour la ville.

Ces groupes de travial qui se sont donc mis sur une ébauche de plan d'actions, vont préserver cette dernière dans les ateliers de consultation. Ces actions seraient discutées au sein d'un groupe d'acteurs plus large, puis validées. Cette appropriation va cibler des groupes importants comme la collectivité locale et les municipalités. Cette ébauche d'un projet de ville partagée, validée, devrait être reprise par une institution comme la collectivité locale qui se réapproprie aussi le projet. Au cours des ateliers de Meknès et d'Agadir qui auront lieu le 6 et 7 mai et le 21 mai, nous nous attendons à une déclaration d'intention des responsables des collectivités locales pour dire que ce travail analysé, validé, sera la base du programme municipal qui couvrira au moins le mandat des équipes mises en place lors des dernières élections.

Il y a eu une Charte et un Pacte de la ville signé à Marrakech, Meknès et Agadir. Est-ce que les maires et les présidents du Conseil jouent le jeu ?

Tout à fait. Sur les 3 villes, nous avons de nouvelles équipes avec un contexte institutionnel extrêmement interressant, celui de l'unité de la ville. Nouvel environnement, nouvelles structures, qui donnent une cohérence au développement local, mais ces équipes doivent faire face à des défis importants à cause de la pression démographique, des attentes de plus en plus grandes des citoyens et des besoins en matière d'infrastructures de base.

En arrivant à leurs nouvelles fonctions, ces équipes ont trouvé tous un travail d'analyse et de propositions validées démocratiquement qu'ils peuvent reprendre à leurs comptes et qui peut guider le travail qu'ils doivent réaliser durant le mandat qui leur a été confié.

Pour le moment, nous sommes très heureux de l'appropriation de ce travail par ces équipes. En transférant ce travail aux municipalités, il y a une continuité et une structure d'accompagnement représentées par les groupes de travail. Il y a un lien de confiance et un projet de développement de ville.

Reste qu'entre l'exercice de planification et sa mise en œuvre, il y a toujours un fossé pour diverses raisons, manque d'expertise manque de gouvernance… Comment veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérive ?

Tout à fait. C'est Agenda 21 local qui s'attache à assurer que tout le travail fait en amont soit réellement mis en œuvre. La collectivité locale a un rôle déterminant à jouer, notamment en utilisant le plan d'action pour l'intégrer dans le budget municipal. Ce plan sert de guide d'action pour la municipalité, qui tout en gardant ses prérogatives de son champ de compétences, s'enrichit de ce travail.

Le fait que ce plan d'action se traduise dans le budget municipal sera l'indicateur qui nous montrera qu'il y a une réelle appropriation par la collectivité locale de l'Agenda 21 local. Cette appropriation doit également se faire par les partenaires des collectivités locales et les services déconcentrés de l'Etat et les institutions du secteur public et privé qui jouent un rôle dans la ville. Chacune de ces institutions devra s'approprier la pari du plan d'action qui lui revient. Les groupes de travail, structure de dialogue et de concertation continueront à mettre en cohérence la mise en œuvre du plan d'action. Dans ces groupes de travail, il y a des représentants de la société civile qui sont aujourd'hui dotés grâce à la formation reçue, d'outils et de savoir-faire, et qui veillent à la conformité et au respect du plan d'action dans sa mise en œuvre.

L'agenda 21 est en fait, l'illustration concrète de la mise en place de processus qui permettent d'améliorer la gouvernance urbaine en mettant en avant les principes de transparence, de participation d'efficacité collective, de durabilité.
Ces principes sont illustrés concrètement dans le plan d'action d'Agenda 21 local.
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«Des conférences comme le Sommet de Johannesburg suscitent naturellement de grandes espérances. Or, il n'existe pas de solution immédiate capable d'éradiquer la pauvreté et d'enrayer la dégradation de l'environnement. Ce qui est parfaitement possible, en revanche, comme l'a montré la réunion de Johannesburg, c'est de s'entendre sur un programme de travail.

- D'identifier les acteurs dont on attend des résultats de forger des partenariats entre ces intervenants et d'obtenir des hauts responsables politiques qu'ils s'engagent à appliquer ce qui a été convenu.

Pour l'essentiel, les tâches à accomplir seront exécutées aux niveaux local, national et régional. Les pays en portent la responsabilité première, mais ils ne peuvent les mener à bien, seuls. Les groupes de la société civile ont un rôle essentiel à jouer, qui est un rôle de partenariat, de mobilisation et de surveillance, de même que le secteur privé, qui détient les ressources, les techniques et le savoir-faire".
Cette déclaration du Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan le 26 août 2002 à Johannesburg a servi de "feuille de route" au programme d'Agenda 21 local. En 2002, le ministère de l'Aménagement, du territoire, de l'Eau et de l'Environnement en partenariat avec le PNUD et ONU Habitat, lance le programme d'Agenda 21 local dans trois villes, Marrakech, Meknès, Agadir.

Après Marrakech, c'est aujourd'hui à Meknès sous la présidence de Mohamed Lyazghi que s'ouvrent les ateliers de consultations. Quelque 500 participants répartis en trois groupes de travail vont travailler sur les thématiques de l'eau, de l'accès aux services de l'assainissement et de la préservation du patrimoine. Depuis deux ans, une formidable synergie a été créée par une dynamique de groupe des acteurs locaux. Cette dynamique fondée sur la bonne gouvernance a mis au point un plan de travail qui prévoit une centaine d'actions , des projets précis, évalués et bien identifiés, par rapport aux attentes de la population. C'est le plan d'action d'Agenda 21 local. Le chef de ce programme mondial, de passage au Maroc, nous déclare les étapes de ce processus pragmatique, cohérent, fondé sur une démarche consensuelle et démocratique.

"Le Sommet du Millénaire et le sommet mondial pour le développement durable ont fixé des objectifs clairs assortis de délais précis en matière d'accès à l'eau potable et d'assainissement.

Mais les objectifs, en eux-mêmes, ne peuvent pas changer la vie des populations. Il faut prendre des mesures concrètes, au niveau national, au niveau des villes et des quartiers pour les concrétiser … Nous avons les technologies et les compétences. C'est faisable. Nous devons agir et agir maintenant".

Anna Kajumulo Tibaijukina
Directeur exécutif de ONU Habitat

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