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Entretien avec Mustapha Chaâbi, réalisateur du film documentaire «Le rêve unique» : l'histoire réelle des Subsahariens à la recherche de l'Eldorado européen

Le film documentaire «Le rêve unique» a été fortement apprécié, par le public du festival «Cinéma et immigration», organisé à la fin du mois dernier à Agadir. Son réalisateur Mustapha Chaâbi est parmi les rares réalisateurs qui préfèrent travailler dans l

Entretien avec Mustapha Chaâbi, réalisateur du film documentaire «Le rêve unique» : l'histoire réelle des Subsahariens à la recherche de l'Eldorado européen
Premier prix au festival des films vidéo de Tétouan en 2000, M. Chaâbi livre ses sentiments et ses préoccupations. Entretien.

Le matin du Sahara : Les divers succès remportés à l'étranger ne reflètent pas votre place au Maroc, car vous êtes encore inconnu du public marocain. Voulez-vous nous dresser un premier bilan de votre parcours professionnel?

Mustapha Chaâbi : Je suis né en 1961 à Larache. J'ai entamé ma carrière professionnelle en 1983 en participant, comme technicien, au tournage de plusieurs films. Je n'ai jamais suivi d'études de formation dans le domaine cinématographique. Je ne suis lauréat d'aucun Institut ou école supérieure. J'ai tout simplement débuté ma carrière professionnelle en tant que photographe.

J'ai beaucoup appris de mes prédécesseurs dans le domaine, à savoir les deux directeurs de photographie, les défunts Mustapha Stitou et l'Egyptien Abdelaziz Fahmi. J'étais encore jeune quand l'occasion m'a été offerte en 1983, en participant en tant qu'assistant cameraman au tournage d'un film intitulé « Afghanistan, pourquoi ? » de son réalisateur Abdellah Mesbahi.

Tourné dans les régions montagneuses du Rif, ce film n'a jamais été présenté au public. Après, j'ai travaillé en 1984 pour le compte du réalisateur britannique John Glen dans le tournage de son film «James Bond» et récemment dans «Thé au Sahara» qui relate l'histoire de l'écrivain Paul Bowles qui vivait à Tanger.

J'ai donc acquis cette longue et intéressante expérience grâce à mes participations à la réalisation des différents films étrangers tournés au Maroc. C'est là où se situe ma véritable école. Parmi mes professeurs qui m'ont appris le métier de cinéaste sur le tas, je cite l'Italien Bernardo Bertolucci qui a obtenu un oscar pour son film documentaire « L'empereur ».

La production cinématographique de Mustapha Chaâbi varie entre la mise en valeur du patrimoine culturel amazigh et la mise à nu des problèmes de la drogue, des enfants abandonnés et de l'immigration clandestine. Qu'est ce qui vous a incité à réfléchir sur des sujets qui étaient, jusqu'à un passé récent, considérés comme des sujets tabous?

J'ai toujours pensé faire une première expérience personnelle dans la production vidéo. Ce rêve a été réalisé dans le film «Moi et la marionnette» écrit par le scénariste Ahmed Hedji. Ce film a été tourné sans l'autorisation des services compétents, ce qui a engendré pour moi beaucoup de problèmes. Je me suis, ensuite, lancé dans la réalisation des films en langue amazighe. Mon premier film en cette langue s'intitulait «Le chat dans la balance». Son histoire s'inspire des proverbes et des contes marocains.

Le succès remporté par ce film m'a encouragé à le mettre en vente. J'ai donc cédé les droits d'auteur et de distribution à une société néerlandaise qui l'a visionné deux ou trois fois pour le compte de plusieurs chaînes de télévision hollandaises.

Ce film m'a donné une nouvelle émulation pour faire une douzaine d'autres en langue amazighe de la région du Rif. Malheureusement, ces productions n'ont pas eu le même succès escompté. Le public de ce genre de créations étant très restreint, j'ai dû m'orienter vers les films documentaires tournés en langue arabe.

Vous avez réalisé quatre films documentaires sur l'immigration clandestine. Chaque film est tourné différemment. Pourquoi une telle persévérance sur ce sujet?

Le problème de l'immigration clandestine est universel et vécu par tous les pays du monde. Le sujet intéresse plus d'un. J'ai réalisé les quatre documentaires sur l'immigration clandestine grâce à la télévision sud-coréenne (MBC) qui m'en avait donné l'idée et qui m'avait contacté pour participer à la réalisation d'un documentaire sur ce sujet. Le projet de cette télévision n'a pas abouti.

Les conditions géographiques étaient tellement difficiles que cette télévision a dû abandonner le tournage. Quelques jours plus tard, j'ai rencontré à Tanger un mendiant sub-saharien qui vivait à quelques kilomètres de la cité.

Je lui est posé des tas de questions sur le nombre de ses compatriotes et sur leurs conditions de vie dans les montagnes. Il a répondu : « Si vous voulez tout savoir, venez nous voir sur place ». J'ai tout de suite accepté « l'invitation ». Ma caméra sur l'épaule, j'ai filmé pendant dix jours des scènes obscènes, des atrocités. J'ai filmé des gens qui mangeaient des chiens et des rats cuits au feu…

Mais, ce film était inconnu des Marocains…

Pour que ce film puisse avoir une large audience au Maroc, j'ai eu l'idée de le vendre à l'une de nos deux chaînes de télévision. Le responsable de la programmation à la TVM n'a pas jugé utile de me recevoir.

A 2M et après deux jours d'attente et de va-et-vient, j'ai pu quand même voir le responsable des programmes qui a catégoriquement refusé de prendre mon film puisqu'il contenait des séquences des Subsahariens qui mangeaient des rats.

Alors, j'ai dû m'orienter vers d'autres chaînes de télévision étrangères. Mon film a été finalement vendu à un intermédiaire qui l'a immédiatement cédé à la chaîne arabe «Al Jazira ». Depuis lors, j'ai réalisé trois autres films sur l'immigration clandestine et d'autres sur la drogue et sur les enfants abandonnés. En France, la chaîne de télévision F3 a également diffusé mes travaux. Si ce film était inconnu du public marocain, ce n'est nullement par ma faute.

Vous avez participé à plusieurs festivals de cinéma à travers le monde, avec bien entendu votre dernier né «Le rêve unique» qui s'intéresse aux immigrés clandestins. Quelles leçons avez-vous tiré de vos participations ?

Effectivement, j'ai participé en août dernier au festival de Cervinia en Italie où j'ai remporté le premier prix, pour mon film «Le rêve unique» réalisé en 2004. Tourné sur place, ce documentaire relate l'histoire réelle des immigrés subsahariens.

L'histoire d'un rêve difficilement réalisable de ces immigrés subsahariens qui cherchent à tout prix à rejoindre l'Eldorado européen. Le film commence par une tentative avortée de quatre Subsahariens qui tentent, en vain, d'atteindre la ville spoliée de Sebta. L'un d'eux est appréhendé par la Gendarmerie Royale et remis aux autorités judiciaires en attendant d'être refoulé dans son pays d'origine.

Procédure souvent difficile à appliquer quand ces candidats à l'immigration clandestine nient leurs identités. Aux Pays-Bas, j'ai été honoré par les organisateurs du festival du court-métrage de la banlieue d'Amsterdam.

Ce même accueil m'a été réservé au festival de Barcelone. Au Maroc, ma participation au festival d'Agadir était dû à un pur hasard. En effet, c'est en feuilletant le journal, que j'ai lu que ce festival avait pour thème «Cinéma et immigration ». J'ai personnellement contacté l'un des responsables du festival pour l'informer de mon intention d'y participer. Aussi, l'invitation n'a-t-elle été faite que tardivement. On dirait que les responsables de l'organisation des festivals ne communiquent que par téléphone et à la dernière minute.

Quelles sont les nouveautés que vous comptez présenter au public ?

Comme vous le savez, j'ai réalisé pas mal de films. Parmi ceux-ci, je cite « Abdelkrim Khattabi » réalisé en 1998, «Non à la drogue » en 2002, «Jean Genet à Larache » en 2003 et « Le rêve unique » en 2004.

Durant ma carrière professionnelle, j'ai également réalisé, et toujours en solitaire, plusieurs films dramatique en dialecte amazigh de la région du Rif dont « Imatawin » en 1999, « Hammadi » en 2001 et « Les baraques de la nuit » en 1997.

Je compte aussi quelques reportages réalisés en 2003, dont «La contrebande des pauvres» et «Le marché du cannabis indien». Actuellement, je travaille sur un scénario pour la réalisation d'un long-métrage.

A travers ce travail, je voudrais rendre un hommage particulier à ma femme qui m'a beaucoup et pendant longtemps encouragé. Elle jouait à la fois les rôles d'actrice, de scénariste et de régisseur, dans pratiquement toutes mes créations cinématographiques.
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