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Fantastique : Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban de Alfonso Cuaron

De livres en films, la saga Harry Potter poursuit sur la lancée du phénomène jusqu'à devenir un jeu international : que vaut l'adaptation du troisième épisode sorti sur les écrans du monde entier mercredi dernier (sur les écrans marocains depuis hier mard

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Phénomène de société international, Harry Potter est aussi en passe de devenir un jeu de société. Comment participer ? D'abord, en lisant les livres de la romancière écossaise J.K Rowling. Sept tomes sont prévus, un pour chaque année passée par le jeune Harry à Poudlard, l'école des sorciers. Le cinquième tome, paru en français aux alentours de Noël, comptait un supplément conséquent de pages et d'aventures. Ensuite, en allant voir les films qui adaptent fidèlement chaque ouvrage un à un. Les deux premiers, Harry Potter à l'école des sorciers et Harry Potter et la chambre des secrets ont été réalisés par Chris Columbus.

Le troisième, Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, sur les écrans marocains depuis hier, soit quelques jours après sa sortie mondiale, a été confié à un nouveau réalisateur, le mexicain Alfonso Cuaron. Enfin, en comparant les versions : quel degré de fidélité au livre dans chaque adaptation cinéma ? La série de films évolue t-elle comme la saga littéraire ? Et, puisque les réalisateurs changent (Mike Newell, auteur de Dony Brasco, Traffic, ou le Sourire de Mona Lisa devrait prendre en charge la quatrième adaptation), quel est celui qui recrée le mieux l'univers du petit sorcier ? Qu'on se rassure (ou qu'on s'inquiète !) il n'y a pas de bonne réponse.

Déçus ou enthousiastes, les gagnants (toute considération marketing mise à part) sont forcément les “ pottermaniaques ” qui ont la joie et le plaisir de voir réapparaître leur héros favori à date régulière dans les librairies et sur les écrans (sans compter maintenant une version jeux vidéo). Dernière indication : Harry Potter, comme Tintin, c'est de 7 à 77 ans. Un coup d'œil dans une salle de cinéma suffit à rappeler l'envergure de l'échelle des âges de ses fans.

Exceptés quelques grincheux, tout le monde se livre, bon gré mal gré, à ce nouveau jeu qui a la particularité d'être inoffensif (contrairement à de nombreux jeux télévisés par exemple) et l'extrême avantage de faire travailler l'imaginaire via la lecture et les images. Même les quotidiens français s'y sont mis. “ Harry Potter III, le meilleur ! ” titrait mercredi le populaire Parisien. “ Harry Potter singe Burton ”, boudait dans son coin Libération, marquant ainsi le clin d'œil du troisième épisode au génial réalisateur Tim Burton. Quant au très sérieux Le Monde, il osait même un jeu de mot “ Le réalisateur mexicain brosse le portrait d'un sombre héros ”.

A raison, puisque le troisième épisode de Harry Potter, livre comme film, s'assombrit nettement par rapport aux précédents. Harry et ses amis Ron et Hermione rentrent dans l'adolescence, la découverte de la fantastique école Poudlard et ses couloirs dérobés est désormais terminée. Le temps est venu de s'ouvrir au monde des sorciers. Alors qu'Harry fugue de chez son oncle et sa tante moldus (non-sorciers), il apprend que Sirius Black s'est évadé de la prison d'Azkaban réputée inviolable. Ce dangereux tueur qui terrorisent les sorciers n'est autre que le bras droit du Maître des Ténèbres. Il est sur les traces de Harry, il le suivra jusqu'à Poudlard, il cherche à le tuer.

Peur de la peur

S'il y a toujours eu des monstres dans Harry Potter, ce troisième épisode est celui où le jeune sorcier apprend la peur : non seulement la menace extérieure s'accroît, Poudlard cessant d'être une forteresse invincible, mais en plus, la menace intérieure grandit. Harry a eu le malheur d'être approché par un Détraqueur, cette terrible créature gardienne d'Azkaban qui, sorte de métaphore de l'angoisse et de la dépression, aspire toute idée heureuse sur son passage pour ne laisser que cauchemars et désolation, avant de donner, par sur unique bouche, le baiser de la mort qui aspire l'âme. Traumatisé dans sa tendre enfance, Harry est bien plus réceptif au pouvoir des Détraqueurs que la plupart de ses camarades. Le livre le dit bien : ils réveillent en lui les cris d'agonie de sa mère.

Cette part sombre du héros est manifestement ce qui a le plus séduit Alfonso Cuaron, déjà réalisateur d'un film sur le passage à l'âge adulte : Y tu mama tambien. En conséquence de quoi le réalisateur s'est appliqué diriger ses acteurs : Daniel Radcliff, Rupert Grint et Emma Watson, cantonnés dans les premiers épisodes à incarner leurs doubles de papier, prennent dans ce troisième opus une véritable consistance à l'écran. Le terrifiant Sirius Black est interprété par un Gary Oldman ténébreux à souhait, l'étrange professeur Lupin par un David Thewlis vaguement inquiétant et le professeur de divination par une Emma Thompson dérangée comme il faut. Seul regret : Michael Gambon dans le rôle du doyen professeur Dumbledore n'atteint pas le charisme de Richard Harris, décédé en octobre 2002.

Il fallait sortir de l'univers mitonné Disney de Chris Colombus pour voir enfin les personnages de Harry Potter faire preuve d'un peu de personnalité. Leur look est à l'avenant : finit les robes de sorciers façon soirée déguisée. Hormis pour quelques courts, les ados sont en jean-baskets, tout ce qu'il y a de plus moderne. Quant aux décors, ils gagnent en atmosphère ce qu'ils perdent en gadget. Alfonso Cuaron a privilégié les plans larges et les abords du château pour mieux faire surgir de la nature (cabane, lac, forêt) les créatures qui la hantent (hippogriffe, loups-garous, et chimères…) D'ou des scènes époustouflantes comme une virée en Magicobus, un vol à dos d'hippogriffe ou une nuée de Détraqueurs planant comme des corbeaux hitchcockiens.

Mais en faisant exploser les effets spéciaux dans des éclairages saturés, Alfonso Cuaron fait perdre à l'environnement Potter le réalisme des premiers épisodes, qui devait beaucoup au charme de l'école. D'autre part, en concentrant le rythme sur les grandes scènes clés du troisième tome, Alfonso Cuaron perd de vue les ressorts du roman.

Le montage s'en ressent grandement et zappe d'un tableau à l'autre, sans se soucier de resituer ni qui ni quoi, bâclant les scènes de prises de conscience, d'apprentissage ou de solitude. Malgré un effort en faveur des Sinistros, Animagus, Patronum, Epouvantard et la célèbre Carte du Maraudeur, on est encore loin du souffle magique et de la subtilité psychologique de l'œuvre de J.K. Rowling.

Des acteurs marionnettes dans des décors épatants ou de bons acteurs dans des décors très troisième dimension, faudra t-il attendre le film n°4 pour voir une adaptation de Harry Potter qui atteigne la puissance du livre ? “ Les trois amis réunis dans une cabane pour se raconter leurs rêves et leurs cauchemars, voilà le Harry Potter idéal ” conclu Antoine de Baecque, le journaliste de Libération.

En effet, car si les déferlements numériques génèrent leur quota d'impressions rétiniennes, ils échouent à transmettre autant de frissons surnaturels qu'une bonne vieille peur susurrée au creux de l'oreille.

Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, film britannique et américain de Alfonso Cuaron. Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson, Gary Oldman, David Thewlis.
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