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«Grâce à Jean De La Fontaine !» de Mohamed Nédali : Une invitation à la méditation

«Grâce à Jean De La Fontaine » est le second roman de Mohamed Nédali, après « Morceaux de choix». Il est décrit un monde régi par la corruption, la concussion et le chantage. Le tout dans un village du Sud Tinghir.

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C'est le récit d'une amertume que ce dernier roman «Grâce à Jean De La fontaine» de Mohamed Nédali qui s'est révélé au public amateur une première fois grâce à son premier ouvrage, «Morceaux de choix, les amours d'un apprenti boucher», édité également chez le Fennec.

Récit d'une amertume et d'une colère, chronique d'une «ère de déraison ou tout était à l'envers» comme l'écrit l'auteur ; celle que furent les années 80 décrit ailleurs, dans un autre roman, « Le Canard à l'orange» de Abdelghafour, comme des années de toutes les sécheresses, celle des cœurs et des esprits comme celle de la nature.

On est frappé, au demeurant, de la grande ressemblance entre les deux romans, malgré la différence des lieux où les deux histoires se passent. La même atmosphère oppressante, le même sentiment de déliquescence sociale, le même désarroi, la même désillusion.

Pour commencer, les deux romans prennent pour point de commencement, une arrivée, et se termine par un départ. L'arrivée à l'université de Rabat du narrateur en tant qu'enseignant, dans «le Canard à l'Orange», la prise de fonction comme professeur au lycée de Tinghir de Mohamed dans «Grâce à Jean De La fontaine». La promesse d'une promotion sociale, d'un épanouissement morale, qui débouche dans la désillusion, l'amertume, la sensation du naufrage puis le départ, la fuite à l'étranger.

« J'arrive à Tinghir le seize septembre mille neuf cent quatre-vingt-cinq vers le milieu de l'après midi, écrit Nédali, dès l'ouverture. Pour tout bagage, j'avais un petit sac de voyage, mes vingt-trois hivers, quelques notions de grammaires française, autant d'incertitudes et le ferme espoir de tirer les miens d'une gêne matérielle de plus en plus insoutenable ».

Et nous voilà plongé d'entrée de jeu dans les complexités mystérieuse du monde rurale, à travers un petit village perdu du sud marocain. Le lycée, notre point d'ancrage, celui du narrateur aussi, le lycée, s'offre soudain comme un microcosme du pays entier. Tyrannie, prébende, corruption, vilenie, convoitise, guerre intestine entre clans opposés, dans une ambiance de médiocrité généralisée et de déliquescence des valeurs et des repères.

A l'opposée des sloughis, les gens de la région, organisés en une sorte de mafia locales régie par les codes de l'omerta et de la soumission sans condition à la tyrannie implacable du directeur du lycée et des autorités locales, on découvre les N'chaïtya, les noceurs, originaires des grandes villes comme Casablanca ou Marrakech dont le souci premier est de se la couler douce dans une petite ville ou tout le monde connaît tout le monde. Les deux camp sont opposés à un autre, celui des frérots intégristes pour qui la vie se réduit à leur vision ténébreuse du monde.

Nous sommes au cœur d'un univers clos et glauque géré par la loi de la jungle, où les élèves sont soumis à la règle des deux poids, deux mesures, fils de nantis ou fils de rien ; les femmes professeurs au harcèlement sexuel et au chantage crapuleux.

On fait connaissance avec Aziz l'ancien gauchiste, transformé en N'chayti, Abderrahman le bigot integriste et Mohamed le narrateur insoumis, lucide qui jette un regard désabusé sur le monde qui s'affole et se fissure de tout part autour de lui. Un monde où il est nécessaire d'être vil, lâche, hypocrite pour y trouver une petite place. De guerre las, il finit par partir.

Fiction ou autobiographie, en tout cas l'itinéraire ressemble à celui de Mohamed nédali. Lui aussi est professeur de lycée depuis 1985, lui aussi est parti en France pur une formation de deux ans. Il vit actuellement à Tahanaout où son personnage est originaire.

Mais au delà, des ressemblance factuelles, ce qu'on retient à la lecture de ce roman, c'est la grande fresque que l'auteur nous a offert d'une société que l'on croyait révolue à jamais, c'est aussi sa capacité à disséquer, avec l'habilité d'un chirurgien, la psychologie de ses personnages pour en saisir les ressort, c'est enfin le fait de d'inciter à la réflexion sur la condition humaine. On ne lit pas ce roman on le médite..

«Grâce à Jean De La Fontaine!»
de Mohamed Nédali,
Ed. Le Fennec, 328 pages
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