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L'Institut Cervantès et la Faculté de lettres organisent un hommage : Juan Goytisolo, au delà de l'écriture

L'Institut Cervantès de Rabat et le Département de langue et littérature espagnole de la faculté de lettres rendent hommage à l'écrivain Juan Goytisolo. Une rencontre avec ce catalan universel aura lieu demain à Rabat. Le romancier et actuel ambassadeur d

L'Institut Cervantès et la Faculté de lettres organisent un hommage : Juan Goytisolo, au delà de l'écriture
Sans rompre de manière définitive avec les siens, il aime d'autres modes de vie, d'autres cultures et d'autres langues. Il admire, bien sûr, Cervantès et Góngora, Stern, Flaubert et Joyce. Mais il aime de manière intime la connaissance que lui apportent Ibn Arabi, Ibn Hazm, Ibn Al Farid et Mawlana Djalâl-od-Dîn Rûmi.

D'abord à Paris, et puis à New York et à Marrakech, il apprend à observer et considérer sa vie, sa langue et sa culture à la lumière d'autres vies et d'autres cultures. Son esprit lucide mesure, sans violence et sans parti pris, les vertus et les carences de toutes les cultures, y compris la sienne. Il les touche, les sent, les écoute, les goûte et les regarde avec un respect frôlant le mysticisme.

Il casse ainsi avec les valeurs en usage et se construit une éthique goytisolienne humaniste et généreuse et contraire aux modèles qui se veulent sacrés.

Son rapprochement du Maroc et de ses cultures et l'apprentissage de sa langue populaire, le retour aux valeurs comme l'immédiateté cordiale avec l'inconnu, l'affection et l'hospitalité enrichissent sa vision de la vie et de la littérature.

Cette expérience le pousse vers la recherche d'une proximité réelle avec le Maroc et le monde musulman qui va au-delà d'un patrimoine resté sclérosé dans le discours politicien. L'œuvre de Juan Goytisolo est traversée par une volonté tenace de restituer à la culture arabe sa part légitime dans la formation du paysage historique et culturel de l'Espagne et de l'Europe.

Son effort critique constant envers lui-même, envers son écriture, envers son pays, sa résistance culturelle contre les dictatures, sa solidarité avec les peuples africains et arabo-musulmans, son identification au combat du peuple palestinien et bosniaque, son voyage en Tchétchènie, sa dénonciation des dangers suscités par les nationalismes montants et de la xénophobie, remettent à l'honneur la noble tradition de l'engagement intellectuel et témoignent d'une générosité sans bornes.

Juan Goytisolo est un romancier, qui extrait sa démarche de son propre métissage. Pour lui, écrire en espagnol passe par le désir de s'approprier l'esprit de Cervantès. Moyennant cette synergie, il islamise et judaïse á la fois l'imaginaire créateur hispanophone. Une synergie qui puise sa force d´un pouvoir visionnaire et évocateur.

Il extrait son rythme d'un désir qui va au-delà de l'écriture : c´est le théâtre d'une mémoire orale universelle anhistorique. Trois étapes structurent son oeuvre. La première découle du regard d'un naturaliste espagnol habitant Paris, qui retrace une humanité dégradée par la misère et l´iniquité. La deuxième est une étape durant laquelle l'exil volontaire devient une littérature de voyage et d´engagement. Elle permet à l'auteur de se positionner face à l'idéologie et l'injustice. La dernière étape se définit comme étant celle du déracinement.

Du point de vue littéraire, elle se matérialise dans son roman Juan sin tierra (1975).
A partir de cette fiction, l'auteur et le narrateur se fusionnent.

Ils se fondent dans la quête d'un espace plus en harmonie avec l'esprit errant de Goytisolo. L'Occident ne répond plus à ses désirs et à sa vitalité inquiète et dynamique. Il trouve alors refuge pour sa littérature et son mode de vie au Maroc.

Marrakech constitue son locus amoenus et devient la source de son roman Makbara (1980). L´Espagne cesse d´être le centre de ses obsessions. Il donne, alors parole à un conteur marrakchi pour mettre en miettes les mythes de la société de consommation.

A partir de Tanger, Goytisolo commence une agression transgressive contre une Espagne séquestrée par le franquisme, qui l'amènera à la démystification de sa langue honnie, et fait de lui un Juan sans langue.

Cet état d´esprit s´assume grâce à l´usage de plusieurs registres linguistiques. Le corps du roman goytisolien devient un espace de rencontre de signes et de cultures différentes, unis par un sens métissé.

C'est l'époque de Pièces d'identités (1966), Don Julian (1970) et Juan sans terre (1975), qui se termine par un fragment écrit en arabe et dont le lecteur espagnol ne peut connaître la signification. C'est une stratégie de la part du narrateur ayant pour fin de mobiliser ceux qui sont attirés par le voyage à le suivre. Le fragment dit : Qui m´aime me suive. Je suis passé de l´autre côté, avec ceux qui manient le couteau. Le maudit qui a abandonné son Occident satisfait se confond dans le désir d´une littérature aussi outrancier que la marginalité. Il y a là une invitation courageuse dont l´objectif est d´accompagner ceux qui le suivent (et qui l´aiment) au monde périlleux de la multiculturalité.

Pour déchiffrer le sens, ils seront obligés d´apprendre l´arabe.

Au bout de ce chemin apparemment risqué, ils découvrent que l´énigme ne cache qu´un message d´amour et la volonté d´une gageure déridée. La curiosité vivace de Juan Goytisolo, sa liberté, la valeur de son oeuvre, sa modernité, et son honnêteté intellectuelle font de lui un homme indiscutablement indépendant. Et respecté en Espagne et ailleurs.

L'Institut Cervantès de Rabat et le Département de langue et littérature espagnole de la faculté de lettres, lui rendent hommage.

Au débat qui sera organisé demain avec l'écrivain, prendront part le romancier et actuel Ambassadeur d'Espagne à l'UNESCO, José Maria Ridao, l'essayiste Abdelfettah Kilito, le professeur Ahmed Ararou et le traducteur Brahim Khatib et modéré par le Pr. Salhi. Le débat sera suivi de la présentation de la série télévisée Al-Quibla. Une série de treize reportages écrits et réalisés par Juan Goytisolo et filmés dans dix différents pays musulmans, incluant la diversité inhérente à des peuples comme le Maroc et la Tchétchénie.

La rencontre aura lieu à 16h00 à la salle polyvalente du siège central de la faculté des Lettres à Rabat
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