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«L'autisme culturel» du pouvoir algérien

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Le courant politico-culturel arabo-islamique, déjà assez virulent à l'encontre de toutes les velléités de diversité culturelles au sein du mouvement national (1920-1954) et durant la lutte armée (1954-1962), s'empare du pouvoir idéologique dès l'accession de l'Algérie à son indépendance politique en 1962. Dès lors, sa politique de la culture unique, avec comme seule langue l'Arabe, avait commencé son ancrage. L'identité de l'Etat et l'identité de la nation ne feront qu'une.
Elle sera définie arabo-islamique.

Les textes officiels qui se succèdent, essentiellement les chartes nationales et les constitutions, toutes deux, parfaitement orchestrées, veillent à sa concrétisation. Ainsi le parachèvement de la construction de l'Etat-nation se fera impérativement sur la base de l'idéologie de la pensée unique, à contre courant de toutes les réalités culturelles du pays. Cette option émergeant des entrailles du mouvement national durant la colonisation française sera le leitmotiv des tenants du pouvoir qui allaient se succéder.

Dare-dare, avec des moyens sans limite, Il fallait imposer la pensée arabo-islamique par une arabisation totale du pays.

C'est dans le sérail du même nationalisme algérien que le mouvement politico-culturel amazigh connaîtra sa genèse. La lutte et la revendication culturelles se cristallisaient surtout autour des Kabyles qui ont sitôt posé le problème identitaire de l'Algérie, voire de l'Afrique du Nord. « La crise berbériste » de 1949 n'était nullement le résultat de la politique de division de la France, comme on a bien voulu le faire admettre, mais bel et bien la traduction d'un prélude à la crise identitaire de l'Algérie actuelle. La culture et la langue amazigh se développaient clandestinement par le biais de pôles de regroupement de lycéens et d'étudiants à Alger, en Kabylie et dans l'immigration (enseignement, animation culturelles, publications, etc.).

Incontestablement, la chanson était le moyen le plus efficace de conscientisation et de sensibilisation du peuple amazigh, en réussissant à contourner, à tout moment, le barrage de la censure du système
Toute cette action proprement culturelle va progressivement se politiser et se vulgariser au sein des masses, surtout en Kabylie. Ce fait allait en s'amplifiant suite au moult censures et aux fortes répressions, devenues systématiques, qui s'abattent sur le milieu amazigh. L'oppression du pouvoir sur toute structure autonome radicalise la mouvance amazighophone devenue désormais un vrai courant d'opinion.

On transcende alors d'une ère culturelle à une ère politique.
Le printemps noir de 2001 (soulèvement des Âarch de Kabylie) et les nombreuses manifestations successives qui ont précédé confirment l'enracinement populaire des revendications culturelles amazigh et la remise en question du principe arabo-islamique sacralisé par la constitution.

En dépit du monopole culturel, érigé en principe sacré par la constitution, du travail outrancier des pourvoyeurs de la doctrine arabo-islamique ainsi et de celui des tenants du pouvoir politique à uniformiser linguistiquement et culturellement le peuple, la culture amazigh se popularise et s'émancipe inexorablement. Hormis la reconnaissance comme langue nationale, statut normalement de fait, au prix hélas de dizaines de jeunes kabyles assassinés (Printemps noir 2001), la langue amazigh n'a toujours pas la place de langue officielle qu'elle mérite au sein de la constitution.

Quant à la culture amazigh en général, elle est toujours cantonnée dans le rang de patrimoine national. Autrement dit, «folklorisée» et réduite à l'état de pièce de musée.

Toutes deux sont constamment et volontairement renvoyés, par les défenseurs idéologiques du système en place, à un passé révolu.
Ces derniers, avec un même son de cloches, persistent sans relâche d'affirmer que le socle de la culture algérienne est constitué d'arabité et d'islamité. Est-il nécessaire de s'acharner à imposer une seule identité culturelle pour un peuple si celui-ci n'est réellement pas d'une culture plurielle.

Ces valeurs amazigh de la personnalité algérienne subiront constamment l'exclusion malgré les résultats de nombreuses recherches scientifiques qui attestent leurs authenticités Nord-Africaines. Pour cela, les pourvoyeurs de l'idéologie du système ne sont jamais à court de faux arguments. Ils ressortent sans cesse dans leurs discours, directement ou en filigrane, le spectre de la colonisation en rabâchant que le problème amazigh est la conséquence directe de la politique «berbériste» orchestrée par la France. Disons-le une bonne fois pour toutes.

Si c'était réellement le cas, cette politique de la France aurait engendré, un courant politique berbère intégrationniste et collaborationniste.
C'était tout le contraire qui s'était produit. Les militants d'antan de la cause amazigh étaient de fervents défenseurs de l'indépendance algérienne. Quant à la langue française, enracinée dans le patrimoine des cultures du pays, elle aussi connaîtra, une marginalisation progressive depuis l'indépendance, nonobstant les timides réformes en cours qui lui permettront de reprendre une place dans la société.

Persistant dans l'instrumentalisme politique et idéologique de la langue arabe et de l'islam, ainsi que dans l'opposition radicale à toute diversité culturelle, le pouvoir et ses relais propagandistes compromettent toute opportunité d'ouverture du pays à la modernité et à l'universel.
Ces pratiques infligent au peuple une idéologie nationaliste obscurantiste. Les conséquences catastrophiques pour la société sont, entre autres, l'atrophie culturelle et l'inertie de la vie intellectuelle.

A l'instar de l'Etat-nation jacobin français et du modèle mythique de la « Umma El Islamia », la formation de la Nation et celle de l'Etat algérien doivent donc passer par l'uniformité culturelle et linguistique.

Toutes les richesses culturelles du pays sont présentées par ces pourvoyeurs du système, passés et présents, comme source de division de l'unité nationale. Ils préconisent l'éradication de toutes les velléités de revendication d'une société plurielle. Ainsi triompheront un Etat et une Nation unifiés où nul particularisme, qu'il soit culturel ou régional, ne viendra perturber le projet de société escompté.
Cette prétention de l'édification d'une société sur un mythe plutôt que sur une réalité constitue un carcan à toute perspective de développement social équitable. Elle doit être à jamais anéantie.


L'Algérie ne connaîtra jamais une unité nationale durable tant que la dimension constitutive amazigh ne soit officiellement prise en considération et tant que la pensée de l'unicité arabo-islamique du pays ne soit abolie.
Les cultures et les langues sont capables d'engendrer les fondements modernes sur lesquels s'érigera un sentiment national commun.
La religion, en revanche, relevant de la sphère privée, ne peut servir de socle constitutif d'une identité nationale.

Une restructuration de l'Etat autour d'une politique fédérant les sensibilités culturelles, linguistiques et les particularismes régionaux, conférera au pays une stabilité sociale durable. Ainsi émanera, d'une société démocratique à venir, un pouvoir politique débarrassé de tout autisme culturel.
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