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Le Forum pour l'avenir a clos ses travaux sur une note d'espoir : Les participants plaident pour une démocratisation graduelle

Dès 13 heures 30, alors que les travaux du Forum pour l'avenir venaient à peine de prendre fin, Colin Powell, co-président de la réunion, l'affirmait, solennel : “ Cette manifestation historique a été couronnée de succès !”. Le ton, américain, était donné

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S'il est de coutume de mesurer le succès d'une manifestation de ce niveau au nombre des délégations y participant, alors la première édition du “ forum of future ”, fut un franc succès. Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaissa, tient fièrement le décompte : plus de 20 ministres représentant autant de pays ont fait le voyage jusqu'à Rabat, sans compter les organisations régionales, Ligue arabe, Union du Maghreb Arabe, Union européenne,Conseil de coopération du Golfe, organisations toutes dûment badgées “Participants”. Le nombre donc y était et personne, ou presque, ne parlera de boycott.

Au cours des travaux, ouverts samedi 11 décembre matin à la salle Balafrej du ministère des Affaires étrangères, à huis clos et sous très haute surveillance- signe extérieur : tous les badges portaient le paraphe du directeur général de la Sûreté nationale, le Général Laanigri- Colin Powell a même perçu dans les différents discours prononcés à la séance d'ouverture un besoin de réformes clairement exprimé par les pays de la région. “ Ces pays veulent progresser.

Démocratie, émancipation de la femme, lutte contre l'analphabétisme, développement, les pays de la région veulent avancer. Et nous avons la profonde conviction que la réforme ne peut venir que de l'intérieur de ces sociétés et surtout pas imposée de l'extérieur. Les réformes doivent être en conformité avec les besoins de chaque pays et en harmonie totale avec les différents peuples ”, dira à la presse le secrétaire d'Etat américain sortant. Le secrétaire au Trésor américain, M. Snow, aura aussi les mêmes mots pour le dire : “Il est essentiel de s'approprier les réformes au niveau régional et le rôle du G8 est d'appuyer ces réformes”. C'est la même conviction que porte d'ailleurs la déclaration finale du Forum pour l'avenir : une réforme ne peut réussir que si les sociétés concernées se l'approprient.

L'UE fait entendre sa différence

Pas de quoi, dès lors, nourrir une polémique entretenue sur le mode : “La paix, la démocratie et le développement ne peuvent être imposés parce que transportés dans les fourgons de l'armée américaine”. Il n'y aura pas de polémique sur le registre des réformes venues d'ailleurs, clés en main et prêtes à la greffe . La polémique se situera ailleurs, aura les accents polissées de la diplomatie et concernera en fait l'ensemble du processus, partenariat et développement. Sans vraiment l'afficher de manière directe parce que frontale, c'est à la fois la France et l'Union européenne qui communiqueront à souhait, en marge du Forum pour l'avenir, à coup de conférences de presse destinées à rafraîchir les mémoires rétives.

Dès 11 heures, la très souriante commissaire européen aux relations extérieures et responsable de la politique de bon voisinage, Mme Ferrero Waldner, convoquait les médias pour un point de presse. La tenue du Forum pour l'avenir vient renforcer les efforts déployés depuis 10 ans dans la région par l'Union européenne, dira-t-elle en substance, se faisant fort de revenir longuement sur la déclaration de Barcelone de 1995. Entre les lignes, le message était loin d'être subliminal : en matière de développement dans le cadre d'un partenariat rénové, les Américains n'ont rien inventé, l'UE porte, elle, le dialogue euro-méditerranéen depuis une décennie.

Depuis la tribune du Forum, l'Union européenne en profitera pour marquer un point en lançant un appel aux pays du G8 pour qu'ils “ partagent l'ambition des pays de la région du Moyen-Orient de se faire membres de l'Organisation mondiale du commerce ”.

Moins d'une heure plus tard, c'était au tour du ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, de mettre quelques points sur les “ i ”. Sans jamais se départir du très politiquement correct, le chef de la diplomatie française a tenu à rappeler quelques vérités pas toujours bonnes à dire. Après les précautions d'usage – “ La France participe à cette manifestation dans un esprit constructif ” - Michel Barnier, ancien commissaire européen en charge des politiques structurelles, s'est empressé de souligner que le Forum était “ la confirmation de l'engagement de l'Union européenne dans cette politique de partenariat dans la région de la Méditerranée et le processus de Barcelone est l'une des dimensions majeures de l'action de l'UE à l'extérieur ”. La France, a ajouté le locataire du Quai d'Orsay, a une démarche de participation mais elle reste vigilante : la spécificité du processus de Barcelone doit être maintenue et respectée. Puis, le clou sera enfoncé un peu plus et la petite phrase assassine sera lâchée : “ Nous ne devons pas réduire la dynamique de notre dialogue en l'encadrant dans un carcan institutionnel contraignant.

La France demeure réservée sur l'idée d'un secrétariat permanent du «dialogue d'assistance à la démocratie» et plus généralement sur l'institutionnalisation de nos initiatives. Le forum ne peut se substituer à une institution qui existe déjà depuis le processus de Barcelone ”. Au final, les Français auront gain de cause et c'est le ministre marocain des Affaires étrangères, co-président du Forum, qui l'annoncera : il n'y aura pas de secrétariat du forum, “ cet espace de dialogue ”, les seuls mécanismes qui seront mis en place seront financiers.

Le nécessaire règlement des conflits en parallèle

Bien sûr, le bourbier américain en Irak et le conflit israélo-palestinien seront débattus. Le constat se fera itération au sein des délégations représentant les pays arabes et la France, encore elle, montera au créneau, creusant une fois de plus le fossé séparant les perceptions américaine et française. Pour la délégation française, contourner l'exigence du règlement du conflit entre Israël et la Palestine, c'est “faire deux fois fausse route car ne seront au rendez-vous ni la paix ni le progrès”. A la session inaugurale, le Maroc l'affirmera par la voix de son ministre des AE, souhaitant que “cette assemblée lance un appel fort et unanime aux autorités israéliennes, en vue de faciliter la tenue d'élections libres et transparentes dans les territoires palestiniens”. Même espoir pour la tenue d'élections libres en Palestine décliné par Colin Powell qui s'est déplacé dans la région au lendemain de la disparition du Yasser Arafat. “ Il existe aujourd'hui une opportunité rare pour que le processus de paix et la feuille de route soient relancés.

Les Etats-Unis sont totalement impliqués auprès des deux parties ”. La déclaration finale du Forum se fera la fidèle interprète des souhaits d'élections libres en terre palestinienne et d'un peuple se prenant lui-même en charge en Irak. Entre l'ex-résidence, transformée en un immense centre de presse et les larges couloirs en marbre du ministère des Affaires étrangères, l'interrogation très médiatique n'en finissait pas de planer. Ce forum dédié au “ partenariat pour le progrès et un avenir commun ” sera-t-il une rencontre de plus, dans un océan de manifestations tenant plus du formel que du concret ? La conférence de presse finale donnée à quatre voix –Mohamed Benaissa, Fathallah Oualalou, Colin Powell et Snow- donnera des éléments de réponse et les premiers gages de la volonté de poursuivre l'engagement partenarial pour que la modernisation et la démocratisation soient.

L'on sait déjà que la deuxième édition du Forum aura lieu l'année prochaine au Bahrein. Entre-temps, les ministres des finances des pays du G8, Moyen-Orient et Afrique du Nord tiendront réunion à l'automne prochain, dans la foulée des réunions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Un groupe de travail et de suivi des recommandations du Forum a enfin vu le jour. Des initiatives sectorielles concrètes ont d'ailleurs été formulées (lire la déclaration finale), allant de l'investissement au micro-crédit en passant par la formation à la création d'entreprise ou encore à la lutte contre l'analphabétisme et la mise en place d'un réseau des fonds d'investissement.

Des initiatives comme autant de monuments de bonnes intentions ? Le financement des réformes de ces pays qui rêvent à la démocratie –à leur rythme et selon leur spécificité- et de développement pose déjà problème. “ Peut-on réellement financer le développement par le biais d'une politique de micro-crédit ? ”, s'étonne un expert, faisant référence aux fonds de 100 millions de dollars mobilisés par la SFI . “ Le financement de la réforme a été largement débattu au cours de ce forum dont les travaux se sont poursuivis dans deux ateliers dont l'un économique ”, reconnaît le ministre des Finances Fathallah Oualalou. La conclusion du secrétaire américain au Trésor tombe comme un couperet. “Le meilleur programme de développement, c'est l'emploi. L'emploi vient par la croissance, laquelle s'accompagne de la création de petites et moyennes entreprises. Ce qu'il faut en fait susciter, c'est la culture d'entreprise”.
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