Destruction des maisons, confiscations des terres, emprisonnement sans jugement, humiliations quotidiennes et, jusqu'à récemment, torture légalisée sous l'appellation “pressions physiques modérées” sont des pratiques courantes. Cette population se révolte, demande la création d'un Etat indépendant sur les territoires occupés, ce qui ne serait que l'application de la Charte des Nations unies. S'engage alors un cycle de violence, et de répression, où les forces de l'ordre, de la puissance occupante, tirent et tuent régulièrement des manifestants, et où des attentats font des victimes dans les populations de l'Etat occupant. Dans n'importe quelle situation de ce type, un humaniste, et plus encore un homme de gauche, condamnerait la puissance occupante. Imaginons un pays où le Premier ministre a été directement lié à des massacres de civils, principalement femmes et enfants, dans des camps de réfugiés désarmés. Un pays, où le leader du troisième parti au pouvoir, traite les membres d'une des principales communautés nationales du pays de “serpents et même, pis, de vipères” et propose de “les anéantir, ces méchants, ces bandits”, de leur tirer dessus avec des super missiles. Un pays où des extrémistes armés peuvent organiser, en toute impunité, des pogroms contre des civils désarmés.
Ce serait une situation inacceptable. Elle est pourtant tolérée au Proche-Orient. Comment expliquer que l'on puisse admettre non pas une entorse, mais la mise au pilori systématique des principes élémentaires du respect de l'autre, dans ce cas particulier?
Trois éléments sont incontestables:
1) Le peuple juif a subi le plus horrible des traitements avec la Shoah. Alors que le mot est de plus en plus galvaudé, il est le seul à avoir enduré un véritable génocide, avec l'intention de l'exterminer totalement, en tant que peuple. Face à ce traumatisme (aboutissement de comportements antisémites répandus) où le peuple juif a été bien seul, Israël représente le sanctuaire, la certitude que le pire ne recommencera jamais.
2) L'Etat d'Israël démocratique (même si la population arabe n'y a pas les mêmes droits que la population juive) (…) a dû lutter pour faire reconnaître son existence par ses voisins.
3) La défense d'Israël dans ces circonstances a prévalu sur tout, y compris, par la suite, sur les principes qui avaient animé ses créateurs.
Ces éléments incontestables ne sauraient justifier que la souffrance du peuple juif lui ait donné le droit d'opprimer à son tour. Pour que la Shoah ne se reproduise plus, doit-on s'accommoder de la violation des droits d'un autre peuple ?
Par référence à ce traumatisme, tous ceux qui s'opposent à la politique du gouvernement d'Israël, sont soupçonnés de ne pas condamner la Shoah et d'être en fait antisémites.
Mais, même si rien n'est venu égaler en horreur cette dernière, ce raisonnement se révèle, désormais, inadéquat et même inadmissible.
Il est vrai qu'il y a des antisémites parmi les pro-palestiniens. Cependant, ils sont minoritaires et ne peuvent permettre de dire que ceux qui réclament l'application des principes universels au Proche- Orient le font par haine du peuple juif. Aujourd'hui, les principales victimes sont les Palestiniens. Il faut être insensible aux réalités pour ne pas l'admettre. Cela ne signifie pas qu'ils n'aient aucun tort, que la corruption n'y existe pas, (…), qu'il n'y ait pas d'attentats aveugles, etc. Il n'en reste pas moins qu'on ne peut pas mettre sur le même plan l'occupant et l'occupé. En tout cas, c'est ainsi que le ressent, en France, la majeure partie de la population, et surtout les jeunes. Je suis à cet égard frappé par l'évolution des jeunes, notamment les étudiants, très partagés sur le sujet du Proche-Orient il y a vingt ans, massivement pro-palestiniens aujourd'hui.
Le lien entre la lutte contre l'antisémitisme et la défense à tout prix d'Israël tourne court, et peut même s'avérer contre-productif. On ne combattra pas l'antisémitisme en légitimant l'actuelle répression des Palestiniens par Israël. On peut, au contraire et malheureusement, le développer en agissant ainsi.
Le terrorisme intellectuel, qui consiste à accuser d'antisémitisme, ceux qui n'acceptent pas la politique des gouvernements d'Israël (et non pas l'Etat d'Israël), payant à court terme, peut s'avérer catastrophique à moyen terme. Il ne vient pas diminuer l'opposition au gouvernement israélien, mais vient, soit en modifier l'expression, qui devient éventuellement plus diffuse, plus sournoise, soit la renforcer et développer une irritation à l'égard de la communauté juive. Il isole celle-ci sur le plan national.
Heureusement que quelques-uns de ses représentants, comme Rony Brauman ou Pierre Vidal- Naquet, se sont publiquement désolidarisés de la répression israélienne, interdisant des amalgames redoutables.
Créer un lien entre la lutte contre l'antisémitisme et le soutien ou la non-condamnation de Sharon, ne peut guère servir la première cause, loin de là. Il y a des cas -nous en avons de semblables en France- où la politique menée par un gouvernement, dessert la nation qu'elle est censée servir. Ce n'est pas aider cette nation que de ne pas se démarquer, dans ce cas, du gouvernement en question.
A miser sur son poids électoral pour permettre l'impunité du gouvernement israélien, la communauté juive est perdante, là aussi, à moyen terme. La communauté d'origine arabe et/ou musulmane s'organise également, voudra faire contrepoids et, du moins en France, pèsera plus vite lourd, si ce n'est déjà le cas. Il serait donc préférable, pour chacun, de faire respecter des principes universels et non pas le poids de chaque communauté. A vouloir maintenir une balance égale, entre forces de l'ordre israéliennes et manifestants palestiniens, mettre en parallèle les attentats des désespérés, qui sont prêts au suicide parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons, et la politique planifiée de répression, mise en œuvre par le gouvernement israélien, le PS et le gouvernement sont considérés par une partie, de plus en plus importante, de l'opinion comme “injustes”. Pourquoi, ce qui vaut pour les Kosovars ne vaut-il pas pour les Palestiniens? Peut-on diaboliser Haider et traiter normalement Sharon, qui ne s'est pas, lui, contenté de dérapages verbaux mais est passé aux actes ? Ce sont des remarques, que l'on entend de plus en plus souvent.
Je suis frappé par le nombre de jeunes beurs, de Français musulmans de tout âge, qui se disent de gauche mais qui, par référence à la situation au Proche-Orient, affirment ne pas vouloir voter Jospin aux élections présidentielles. Une attitude jugée déséquilibrée au Proche-Orient -et bien sûr, pensent-ils, une fois de plus en défaveur des Arabes- vient confirmer que la communauté arabo-musulmane n'est pas prise en compte, ou est même rejetée, par la famille socialiste. La situation au Proche-Orient et la timidité des socialistes, dans la condamnation de la répression israélienne, confortent un repli identitaire des musulmans en France, dont personne -juifs, musulmans, chrétiens ou païens- ne peut se réjouir.
Il vaut, certes, mieux perdre une élection que son âme. Mais, en mettant sur le même plan le gouvernement d'Israël et les Palestiniens, on risque tout simplement de perdre les deux.
Le soutien à Sharon mérite-t-il que l'on perde 2002 ?
Il est grand temps que le PS quitte une position qui, se voulant équilibrée entre le gouvernement israélien et les Palestiniens, devient du fait de la réalité de la situation sur place, de plus en plus anormale, de plus en plus perçue comme telle, et qui par ailleurs ne sert pas -mais au contraire dessert- les intérêts à moyen et long terme, du peuple israélien et de la communauté juive française.
Ce serait une situation inacceptable. Elle est pourtant tolérée au Proche-Orient. Comment expliquer que l'on puisse admettre non pas une entorse, mais la mise au pilori systématique des principes élémentaires du respect de l'autre, dans ce cas particulier?
Trois éléments sont incontestables:
1) Le peuple juif a subi le plus horrible des traitements avec la Shoah. Alors que le mot est de plus en plus galvaudé, il est le seul à avoir enduré un véritable génocide, avec l'intention de l'exterminer totalement, en tant que peuple. Face à ce traumatisme (aboutissement de comportements antisémites répandus) où le peuple juif a été bien seul, Israël représente le sanctuaire, la certitude que le pire ne recommencera jamais.
2) L'Etat d'Israël démocratique (même si la population arabe n'y a pas les mêmes droits que la population juive) (…) a dû lutter pour faire reconnaître son existence par ses voisins.
3) La défense d'Israël dans ces circonstances a prévalu sur tout, y compris, par la suite, sur les principes qui avaient animé ses créateurs.
Ces éléments incontestables ne sauraient justifier que la souffrance du peuple juif lui ait donné le droit d'opprimer à son tour. Pour que la Shoah ne se reproduise plus, doit-on s'accommoder de la violation des droits d'un autre peuple ?
Par référence à ce traumatisme, tous ceux qui s'opposent à la politique du gouvernement d'Israël, sont soupçonnés de ne pas condamner la Shoah et d'être en fait antisémites.
Mais, même si rien n'est venu égaler en horreur cette dernière, ce raisonnement se révèle, désormais, inadéquat et même inadmissible.
Il est vrai qu'il y a des antisémites parmi les pro-palestiniens. Cependant, ils sont minoritaires et ne peuvent permettre de dire que ceux qui réclament l'application des principes universels au Proche- Orient le font par haine du peuple juif. Aujourd'hui, les principales victimes sont les Palestiniens. Il faut être insensible aux réalités pour ne pas l'admettre. Cela ne signifie pas qu'ils n'aient aucun tort, que la corruption n'y existe pas, (…), qu'il n'y ait pas d'attentats aveugles, etc. Il n'en reste pas moins qu'on ne peut pas mettre sur le même plan l'occupant et l'occupé. En tout cas, c'est ainsi que le ressent, en France, la majeure partie de la population, et surtout les jeunes. Je suis à cet égard frappé par l'évolution des jeunes, notamment les étudiants, très partagés sur le sujet du Proche-Orient il y a vingt ans, massivement pro-palestiniens aujourd'hui.
Le lien entre la lutte contre l'antisémitisme et la défense à tout prix d'Israël tourne court, et peut même s'avérer contre-productif. On ne combattra pas l'antisémitisme en légitimant l'actuelle répression des Palestiniens par Israël. On peut, au contraire et malheureusement, le développer en agissant ainsi.
Le terrorisme intellectuel, qui consiste à accuser d'antisémitisme, ceux qui n'acceptent pas la politique des gouvernements d'Israël (et non pas l'Etat d'Israël), payant à court terme, peut s'avérer catastrophique à moyen terme. Il ne vient pas diminuer l'opposition au gouvernement israélien, mais vient, soit en modifier l'expression, qui devient éventuellement plus diffuse, plus sournoise, soit la renforcer et développer une irritation à l'égard de la communauté juive. Il isole celle-ci sur le plan national.
Heureusement que quelques-uns de ses représentants, comme Rony Brauman ou Pierre Vidal- Naquet, se sont publiquement désolidarisés de la répression israélienne, interdisant des amalgames redoutables.
Créer un lien entre la lutte contre l'antisémitisme et le soutien ou la non-condamnation de Sharon, ne peut guère servir la première cause, loin de là. Il y a des cas -nous en avons de semblables en France- où la politique menée par un gouvernement, dessert la nation qu'elle est censée servir. Ce n'est pas aider cette nation que de ne pas se démarquer, dans ce cas, du gouvernement en question.
A miser sur son poids électoral pour permettre l'impunité du gouvernement israélien, la communauté juive est perdante, là aussi, à moyen terme. La communauté d'origine arabe et/ou musulmane s'organise également, voudra faire contrepoids et, du moins en France, pèsera plus vite lourd, si ce n'est déjà le cas. Il serait donc préférable, pour chacun, de faire respecter des principes universels et non pas le poids de chaque communauté. A vouloir maintenir une balance égale, entre forces de l'ordre israéliennes et manifestants palestiniens, mettre en parallèle les attentats des désespérés, qui sont prêts au suicide parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons, et la politique planifiée de répression, mise en œuvre par le gouvernement israélien, le PS et le gouvernement sont considérés par une partie, de plus en plus importante, de l'opinion comme “injustes”. Pourquoi, ce qui vaut pour les Kosovars ne vaut-il pas pour les Palestiniens? Peut-on diaboliser Haider et traiter normalement Sharon, qui ne s'est pas, lui, contenté de dérapages verbaux mais est passé aux actes ? Ce sont des remarques, que l'on entend de plus en plus souvent.
Je suis frappé par le nombre de jeunes beurs, de Français musulmans de tout âge, qui se disent de gauche mais qui, par référence à la situation au Proche-Orient, affirment ne pas vouloir voter Jospin aux élections présidentielles. Une attitude jugée déséquilibrée au Proche-Orient -et bien sûr, pensent-ils, une fois de plus en défaveur des Arabes- vient confirmer que la communauté arabo-musulmane n'est pas prise en compte, ou est même rejetée, par la famille socialiste. La situation au Proche-Orient et la timidité des socialistes, dans la condamnation de la répression israélienne, confortent un repli identitaire des musulmans en France, dont personne -juifs, musulmans, chrétiens ou païens- ne peut se réjouir.
Il vaut, certes, mieux perdre une élection que son âme. Mais, en mettant sur le même plan le gouvernement d'Israël et les Palestiniens, on risque tout simplement de perdre les deux.
Le soutien à Sharon mérite-t-il que l'on perde 2002 ?
Il est grand temps que le PS quitte une position qui, se voulant équilibrée entre le gouvernement israélien et les Palestiniens, devient du fait de la réalité de la situation sur place, de plus en plus anormale, de plus en plus perçue comme telle, et qui par ailleurs ne sert pas -mais au contraire dessert- les intérêts à moyen et long terme, du peuple israélien et de la communauté juive française.