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Le Sahara, le Maroc et l'Algérie : les dessous de l'histoire

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Depuis 1884, date de la colonisation espagnole du Sahara jusqu'à nos jours, on n'a pas cessé de spéculer sur les futures résolutions préconisées par les différents belligérants ainsi que par les instances internationales et régionales. Le problème du Sahara a eu au moins le mérite de démontrer la faillite des instances internationales qui à notre humble avis, n'ont fait que compliquer un sujet difficile à régir de par les positions contradictoires du droit international des coutumes locales et de l'histoire régionale. Cette histoire qui s'impose en référent à l'existentiel des Etats belligérants, le Maroc et l'Algérie.

A l'origine du problème, une bi-colonisation de l'espace marocain qui en souffre jusqu'à nos jours. Avec à ses extrémités deux puissances, la France et l'Espagne. Le futur de la nation marocaine se compliquera et verra son éternelle histoire reproduire des situations d'antan, en plus de nouvelles implications internationales. Si la récupération de la souveraineté du nord s'est faite en commun accord avec l'indépendance du centre, le sud, lui, fera l'objet d'âpres négociations et tractations, ce qui produira une décolonisation émiettée de l'espace saharien : Sidi Ifni et Tarfaya en 1961, précédée par des opérations de grande envergure afin de limiter les exigences nationales et nationalistes marocaines (l'opération Ecouvillion 1958), le reste du Sahara sera récupéré en 1975.

Dans ce même sens historique, Benjamin Stora, grand Historien franco-algérien, écrivit que le problème du Maroc, c'est qu'il vit un trop plein de l'Histoire en comparaison avec le voisin algérien. Cette Histoire aussi riche et imposante est à la fois un atout et un grand handicap pour le Maroc renaissant. Un atout dans la perspective de sa consolidation d'Etat de droit et d'une société multiculturelle unie et c'est un handicap par le fait même de l'historicité de l'Etat Marocain en tant qu'institution et en tant qu'espace sociopolitique au sein de frontières plus ou moins stables et englobant le Maroc d'aujourd'hui, si ce n'était en plus grand et en plus vaste surtout au temps des empires amazighes des Almoravides aux Almohades.

Ce Maroc historique impose une gestion spéciale d'un quotidien politique très sensible avec des voisins indépendants et qui de surcroît sont en contradiction avec cette Histoire. Si la référence historique, politique et territoriale marocaine plonge dans l'Etat dynastique ancestral depuis les Idrissides et avant eux les anciens royaumes amazighs de l'antiquité, il est difficile pour le voisin algérien de faire de même. Malheureusement, le Maghreb central au temps du Maghreb souffrira tout au long de son histoire des occupations et des dépendances locales vers l'ouest Marrakech ou Fès et vers l'est Tunis ou l'orient arabe, pour finir dans l'espace ottoman jusqu'au XIX° siècle pour tomber dans le giron de l'empire colonial français jusqu'en 1962, bien après les indépendances des autres pays du Maghreb.


Ainsi, l'Etat en Algérie s'est construit non pas sur et à travers le référent historique ancestral qui ne peut dans ce cas que soutenir une idée contraire à ce qu'on appelle communément la révolution algérienne et que le leader du nationalisme algérien contemporain Hadj Messali a bien compris lorsqu'il nomma le premier mouvement nationaliste en Algérie colonisée « l'étoile nord africaine ».
Il reste aussi qu'en Afrique rares sont les pays qui peuvent jouer un rôle de pivot, de leader et de moteur pouvant influencer et déterminer la marche des différentes régions du continent.

En Afrique du nord, seuls le Maroc et l'Egypte peuvent jouer ce rôle. Ce qui a été démontré en 1961 lors de la Conférence de Casablanca qui réunit les représentants du groupe de Casablanca le plus progressiste d'alors et qui a été à la tête des mouvements d'indépendances en Afrique. Ce groupe se composait de l'Algérie, l'Egypte, le Ghana, la Guinée, la Libye, le Mali et le Maroc et ce par opposition au groupe de Monrovia pro-occidental et pro-colonial et sa conférence en 1961 qui regroupa : l'Ethiopie, le Liberia, le Nigeria, la Sierra Leone, la Somalie, le Togo, la Tunisie, le Zaïre et les 12 Etats de l'Union africaine et malgache.

L'Egypte, malgré son grand rôle africain se trouva confronté à des problèmes de voisinages à même de déterminer son existence. Sa dépendance envers le Nil, sa principale source d'existence est fortement liée aux principales sources du fleuve et qui se trouvent dans le territoire éthiopien. En plus, ses relations conflictuelles avec la Soudan empêchent l'édification de ce rôle sans pour autant mettre en valeur les intérêts stratégiques de l'Egypte en Afrique de l'est. Quant au Maroc, il a bien saisi le rôle en 1961 et en ayant avec lui l'Egypte de Nasser et le Ghana de Kwame Nkrumah, il fera un grand pas vers l'édification de son rôle de leader de l'Afrique indépendante. Ce projet ne verra pas le jour, les forces coloniales étant plus fortes que les Etats du groupe de Casablanca.

Avec la crise mauritanienne, la France réussira à disloquer le groupe qui commença à gêner de manière substantielle les desseins du Monde occidental. Les membres de ce même groupe tomberont dans des rivalités sans lendemain et détruiront eux-même le rêve africain et avec lui le rêve maghrébin. Ainsi, le Maroc se dissocia du progressisme africain et retourna dans le giron occidental. Son rôle de leader du groupe de Casablanca resta vacant et l'Algérie indépendante, et surtout à l'époque de Boumediene, trouva le terrain balisé et se fera le porte parole des opprimés en Afrique, tout en se référant à son histoire récente et contemporaine, l'histoire de la décolonisation et du mouvement d'indépendance, non pas des pères fondateurs tel Hadj Messali, oublié depuis, mais datant de 1954 avec L'ALN (armé de libération nationale) et son représentant politique, le FLN.

Au fait, l'Algérie a rempli le vide laissé par le Maroc, en plus d'une idéologie progressiste à la mode et l'idée chère à Boumediene qui stipula une révolution continue au-delà des frontières coloniales. Les desseins de Boumediene, en plus de ses animosités avec Feu Hassan II, se trouvèrent gênés à l'ouest par cet Etat ancestral et imposant. Pour reprendre le rôle du leader du rêve du groupe de Casablanca, il faut fléchir ce même ex-leader. L'Algérie depuis, avec l'absence du Maroc de la scène africaine, en plus du pétro-dollar et une diplomatie de propagande agressive et omniprésente sur la scène internationale, fera de l'éviction du Maroc de son chemin un leitmotiv essentiel pour sa politique et son existence.

Vint la récupération du Sahara, tous les desseins et plans algériens se retrouvèrent à néant. Avec le Sahara en 1975, le Maroc retrouva sa véritable destinée et sa véritable identité africaine bien claire et démontrée dans le préambule de sa constitution. De plus, toutes les dynasties marocaines depuis les Almoravides jusqu'aux Alaouites sont d'origines sahariennes, ce qui prouve que le pouvoir au Maroc est saharien. Ce qui nous fait dire aussi que ce n'est pas le Sahara qui est Marocain, c'est le Maroc qui est saharien.

*Institut des Etudes
Africaines -Rabat

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