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Le général Hamidou Laânigri au quotidien français «Le Figaro» : Al Qaïda est responsable des attentats du 16 mai à Casablanca

Le général Hamidou Laânigri a été nommé chef de la direction générale de la sûreté générale par S.M. Mohammed VI en juillet dernier, après les attentats de Casablanca. Il a longuement séjourné dans les années 80 dans les Emirats Arabes Unis avant de dirig

Le général Hamidou Laânigri au quotidien français «Le Figaro» : Al Qaïda est responsable des attentats du 16 mai à Casablanca
Le FIGARO. – Avez-vous fait toute la lumière sur les attentats de Casablanca survenus, il y a bientôt un an ?

Hamidou Laânigri. Oui, ou presque. L'affaire a été conçue par des membres marocains d'Al-Qaida qui ont rencontré Oussama Ben Laden, l'idéologue Ayaman Zawahari et le chef opérationnel Abou Mossab Zarqaoui. Les préparatifs se sont poursuivis avec une réunion à Istanbul présidée par Mohamed al-Garbouzi alias Abou Issa.

La plupart des opérationnels du 16 mai 2003 ont été arrêtés à l'exception d'une poignée, dont Said el-Housseini un spécialiste des explosifs,toujours recherché. Des structures salafistes locales ont servi de relais et de vivier pour Al-Qaida qui a dans ce genre d'opération une règle : utiliser des gens non repérés par les services de sécurité. C'est ce qu'ils ont fait. Les réseaux démantelés nous ont conduits au Groupe islamique des combattants libyens (GCIL) qui regroupe des djihadistes maghrébins et au Groupe islamique combattant marocain (GICM).

Avez-vous été surpris par les attentats du 16 mai ?

Je n'ai pas été surpris par les attentats car je savais qu'il se préparait quelque chose de sérieux. En revanche, j'ai été surpris par l'utilisation de kamikazes. Nous n'avions jamais connu d'attaques suicides au Maroc. Et puis quatorze kamikazes, c'est quand même assez impressionnant.

Quel est, un an plus tard, le bilan policier ?

A l'heure actuelle, 1 200 personnes ont été présentées à la justice. 700 jugements ont été rendus, 17 condamnations à mort prononcées. A ma connaissance, seule une dizaine d'éléments dangereux court toujours. Bien sûr, des attentats sont toujours possibles. Nous ne sommes pas totalement à l'abri, même si le nettoyage est bien avancé.

Les cellules islamistes ont-elles les moyens d'instaurer le Djihad au Maroc ?

Sans doute, mais je ne suis pas inquiet. Le facteur rassurant est que les groupuscules islamistes n'ont pas le soutien de la population. Ces dernières semaines, nous avons démantelé non sans résistance, cinq cellules opérationnelles. Et la population nous a applaudis et aidés. Ces gens n'ont pas une bonne image d'autant plus qu'ils tuent des musulmans. Il ne sont pas comme un poisson dans l'eau parmi les Marocains.
J'ai aujourd'hui la certitude que le Maroc ne sera pas l'Algérie des années 90.

La pauvreté aggrave-t-elle le phénomène terroriste ?

L'islamisme violent s'est développé dans les périphéries des villes qui étaient devenues des zones de non-droit. La pègre s'était installée dans ces banlieues. Puis instaurer un ordre religieux nouveau, domestiquer les gangsters et remplacer le pouvoir central. Il a fallu redéployer l'appareil de l'Etat, pas seulement la police mais aussi l'administratif, le religieux, repenser la dimension urbanistique pour reprendre en mains ces quartiers plus ou moins laissés à l'abandon. Il faut maintenant poursuivre le travail.

Pourquoi y a-t-il tant de Marocains dans les mouvements terroristes islamistes ?

Parce qu'ils sont venus au djihad tardivement et qu'ils veulent se mettre en valeur. Les Marocains ont commencé à arriver en Afghanistan à partir des années 97_98. Mais ils n'ont pas de cadres importants et servent de chair à canon. Il a fallu attendre début 2001 pour que Ben Laden autorise Mohamed el-Garbouzi alias Abou Issa à ouvrir un camp de formation spécifiquement marocain au nom du GICM. En 2002, les djihadistes marocains ont sollicité Ben Laden pour leur accorder une aide financière. Zarqaoui, qui croyait en eux, les a un peu pistonnés. C'est ainsi qu'ils ont obtenu des fonds pour organiser le 16 mai 2003 à Casablanca.
Puis il y a eu Madrid…

Depuis l'attentat spectaculaire de Madrid, l'attention se focalise sur les Marocains, mais il est faux d'affirmer que le Maroc produit du terrorisme. La présence des Marocains dans les attaques Al-Qaïda s'explique par le fait qu'ils sont issus de la communauté musulmane la mieux implantée en Espagne. L'enquête établit d'ailleurs qu'ils sont les exécutants et non les concepteurs.

Existe-t-il des liens entre les attentats de Casablanca et ceux de Madrid ?

Organiquement, il n'y a aucun lien, si ce n'est que Djamal Zougam a été recruté par Abdelaziz Benaïch, un Marocain emprisonné en Espagne pour ses liens avec Al-Qaïda et dont nous avions réclamé l'extradition après les attentats du 16 mai. La relation entre les deux opérations est donc indirecte, elle tient à des individus qui se connaissent.

Madrid fait partie d'une stratégie de lutte contre la présence américaine en Irak. Casablanca est une punition visant le Maroc pour son alliance avec l'Occident. N'oubliez pas que le 13 février 2003, Oussama Ben Laden a désigné nommément le Maroc parmi d'autres pays comme étant un support du “ Taghout” (satan). Nous avons été ciblés pour notre engagement dans la lutte contre le terrorisme international.

Quel est la place du jordano-palestinien Zarqaoui dans la mouvance terroriste ?

Zarqaoui est un opérationnel qui n'a jamais été très d'accord avec Zawahiri, l'idéologue d'Al-Qaïda.

La place occupée par Zarqaoui, tant en Irak qu'à l'extérieur est de plus en plus importante. C'est un spécialiste de la clandestinité : il sait falsifier des documents, se grimer, il dispose de pas mal de passeports et a une capacité à passer à travers les filets. Il a mis en place un circuit de recrutement de volontaires pour mener le combat en Irak via le mouvement Ansar al-Islam.

Et Ben Laden ?

Ben Laden est un symbole donné en exemple : c'est le pieux modèle qui a mis toute sa fortune au service de la cause de l'Islam. Mais il n'a plus le même impact qu'au lendemain du 11 septembre. La tête pensante, c'est le docteur Aymane Zawahiri. Il circule actuellement une thèse selon laquelle il est sous contrôle à la frontière pakistano-afghane, mais jusqu'à présent, aucun service des pays impliqués dans la recherche de Ben Laden n'a confirmé ou infirmé cette rumeur.
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