Impertinent, le livre de Fatéma Mernissi l’est sans aucun doute. Révéler et puis démontrer qu’il existe bel et bien des harems en Occident est un tantinet provocant, mais de cette provocation pleine de charme, de caractère et d’humour, tout à l’honneur de son auteur.
Mernissi nous emmène donc dans une étourdissante découverte du harem de « nos voisins de la rive nord».
Les chapitres de cet essai dévoilent en effet une étonnante superposition d’histoires d’ici et d’ailleurs, d’Orient et d’Occident. Tout un manège, un va-et-vient inlassable dont la visée souveraine est de montrer tout l’univers qui sépare nos deux pensées et toute la dissemblance dans la perception du harem de part et d’autre. « seulement après, nous serons à même de comparer nos fantasmes, de mieux comprendre nos cultures, dans l’effet miroir de l’autre.»
A l’origine, le mot «harem» signifie «l’interdit». Mais pour les Occidentaux, il représente une sorte de lieu orgiaque où les hommes ont la possibilité de jouir, sans entrave aucune, de la multitude de femmes réduites en esclavage. « Ils ont, entre autres fantasmes, celui de la femme « muette», passive intellectuellement autant que physiquement.»
L’échange intellectuel représente ainsi, dans la pensée occidentale, une entrave au plaisir alors que dans le harem musulman, l’échange intellectuel est, au contraire, indispensable à la jouissance partagée.
« N’est-il pas étrange que, dans l’Orient médiéval, des despotes comme Haroun al-Rachid recherchaient des esclaves érudites tandis que dans l’Europe des Lumières, des philosophes tels que Kant rêvaient de femmes incultes ? quelle étrange barrière artificiellement dressée entre la beauté et l’intelligence !»
Cette image infidèle du harem a été vraisemblablement entretenue par les artistes européens qui ont converti la réalité d’une manière telle que nous, Orientaux, commençons à nous brouiller l’esprit, inévitablement, et à nous poser une foule de questions, toutes aussi confuses les unes que les autres. « existe-t-il un lien entre la nudité pulpeuse et plutôt fade de la femme dessinée par l’artiste allemand, la danseuse étoile du ballet qui s’agite avec futilité, et la sérénité confortable que les hommes occidentaux expriment lorsqu’ils évoquent leurs harems fantasmatiques ? est-ce que les Occidentaux réduisent la séduction au langage du corps ?» apparemment oui.
D’ailleurs, en visitant Le Louvre, Fatéma Mernissi découvre, un peu perplexe, que les Occidentaux simplifient la séduction au point de l’assimiler uniquement au langage du corps. Même la Schéhérazade des «Mille et une nuits» a été dénaturée, entièrement. En passant à l’Ouest, éloquence de celle-ci a disparu au profit de ses danses du ventre.
Mais loin d’être lascivement inoccupées et nues comme sur les toiles de Delacroix, Ingres, Matisse ou Picasso, les femmes des artistes « du côté Sud de la rive» apparaissent hyperactives et très habillées. Le harem musulman paraît n’avoir aucune affinité avec cet endroit surnaturel, plein de créatures sexy et disponibles, qui nourrit les fantasmes des mâles occidentaux. En fait, «Les Musulmans semblent éprouver un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes et les Occidentaux à les dévoiler»
Néanmoins, comment expliquer l’existence d’un tel fossé entre l’image du harem en Orient et en Occident? C’est dans un grand magasin new-yorkais que Fatima eut l’illumination qui lui permit de trouver la clef de cette énigme, quand elle entendit la vendeuse lui annoncer qu’elle n’avait pas de jupe pour elle à cause de ses hanches trop larges.
«La vérité me frappait de plein fouet: la taille 38 était un carcan aussi répressif que le voile le plus épais. J’ai enfin trouvé la solution à l’énigme du harem... Les malins d’hommes occidentaux. Ils chantent la démocratie à leur femme le matin, et le soir, ils soupirent d’admiration devant de très jeunes beautés au sourire aussi éclatant que vide, reprenant sous une nouvelle variante l’éternelle ritournelle chantée par Kant : belle et stupide ou intelligente et laide!»
Fatéma Mernissi va jusqu’à couronner son essai de ce fin mot plein d’Esprit : «Merci, Allah, de m’avoir sauvée du harem taille 38» !
«Le Harem européen», Fatéma Mernissi. Editions Le Fennec, 2003.
Conférence
Stendhal ou le bonheur vagabond par Jean Lacouture
Journaliste et écrivain, Jean Lacouture a été pendant de longues années grand reporter au quotidien «Le Monde». Auteur de nombreux ouvrages traitant de l’époque de la décolonisation et de ses acteurs, il a également publié une série de biographies qui font référence, notamment sur Nasser, Blum, Mauriac, Mendès-France, Malraux, Montaigne, De Gaulle, Montesquieu ou encore Germaine Tillion.
Jean Lacouture vient cette fois nous parler de Stendhal à l ’occasion de la sortie de la biographie qu’il lui consacre aux éditions du Seuil : «Stendhal voyageur»
Rabat, IF, Salle Gérard Philipe, le 28 février à 17h00
Rencontres-signatures
Une rencontre avec Sergine Bordonado autour de son livre «Anthony et les professeurs» édité par Les Auteurs Associés, aura lieu le 2 mars prochain à 19 H à la librairie Carrefour des Livres à Casablanca.
La même librairie propose également une rencontre avec Mouna Hachim autour de son livre «Les enfants de la Chaouia» (Auto Edition) le 4 mars prochain à Casablanca.
Signature
Mohamed Laroussi signera son livre « Satire sur tout ce qui bouge » Le mercredi 3 mars 2004 à 19 heures, au club USM (tennis) Parc de la Ligue Arabe à Casablanca.
Mernissi nous emmène donc dans une étourdissante découverte du harem de « nos voisins de la rive nord».
Les chapitres de cet essai dévoilent en effet une étonnante superposition d’histoires d’ici et d’ailleurs, d’Orient et d’Occident. Tout un manège, un va-et-vient inlassable dont la visée souveraine est de montrer tout l’univers qui sépare nos deux pensées et toute la dissemblance dans la perception du harem de part et d’autre. « seulement après, nous serons à même de comparer nos fantasmes, de mieux comprendre nos cultures, dans l’effet miroir de l’autre.»
A l’origine, le mot «harem» signifie «l’interdit». Mais pour les Occidentaux, il représente une sorte de lieu orgiaque où les hommes ont la possibilité de jouir, sans entrave aucune, de la multitude de femmes réduites en esclavage. « Ils ont, entre autres fantasmes, celui de la femme « muette», passive intellectuellement autant que physiquement.»
L’échange intellectuel représente ainsi, dans la pensée occidentale, une entrave au plaisir alors que dans le harem musulman, l’échange intellectuel est, au contraire, indispensable à la jouissance partagée.
« N’est-il pas étrange que, dans l’Orient médiéval, des despotes comme Haroun al-Rachid recherchaient des esclaves érudites tandis que dans l’Europe des Lumières, des philosophes tels que Kant rêvaient de femmes incultes ? quelle étrange barrière artificiellement dressée entre la beauté et l’intelligence !»
Cette image infidèle du harem a été vraisemblablement entretenue par les artistes européens qui ont converti la réalité d’une manière telle que nous, Orientaux, commençons à nous brouiller l’esprit, inévitablement, et à nous poser une foule de questions, toutes aussi confuses les unes que les autres. « existe-t-il un lien entre la nudité pulpeuse et plutôt fade de la femme dessinée par l’artiste allemand, la danseuse étoile du ballet qui s’agite avec futilité, et la sérénité confortable que les hommes occidentaux expriment lorsqu’ils évoquent leurs harems fantasmatiques ? est-ce que les Occidentaux réduisent la séduction au langage du corps ?» apparemment oui.
D’ailleurs, en visitant Le Louvre, Fatéma Mernissi découvre, un peu perplexe, que les Occidentaux simplifient la séduction au point de l’assimiler uniquement au langage du corps. Même la Schéhérazade des «Mille et une nuits» a été dénaturée, entièrement. En passant à l’Ouest, éloquence de celle-ci a disparu au profit de ses danses du ventre.
Mais loin d’être lascivement inoccupées et nues comme sur les toiles de Delacroix, Ingres, Matisse ou Picasso, les femmes des artistes « du côté Sud de la rive» apparaissent hyperactives et très habillées. Le harem musulman paraît n’avoir aucune affinité avec cet endroit surnaturel, plein de créatures sexy et disponibles, qui nourrit les fantasmes des mâles occidentaux. En fait, «Les Musulmans semblent éprouver un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes et les Occidentaux à les dévoiler»
Néanmoins, comment expliquer l’existence d’un tel fossé entre l’image du harem en Orient et en Occident? C’est dans un grand magasin new-yorkais que Fatima eut l’illumination qui lui permit de trouver la clef de cette énigme, quand elle entendit la vendeuse lui annoncer qu’elle n’avait pas de jupe pour elle à cause de ses hanches trop larges.
«La vérité me frappait de plein fouet: la taille 38 était un carcan aussi répressif que le voile le plus épais. J’ai enfin trouvé la solution à l’énigme du harem... Les malins d’hommes occidentaux. Ils chantent la démocratie à leur femme le matin, et le soir, ils soupirent d’admiration devant de très jeunes beautés au sourire aussi éclatant que vide, reprenant sous une nouvelle variante l’éternelle ritournelle chantée par Kant : belle et stupide ou intelligente et laide!»
Fatéma Mernissi va jusqu’à couronner son essai de ce fin mot plein d’Esprit : «Merci, Allah, de m’avoir sauvée du harem taille 38» !
«Le Harem européen», Fatéma Mernissi. Editions Le Fennec, 2003.
Conférence
Stendhal ou le bonheur vagabond par Jean Lacouture
Journaliste et écrivain, Jean Lacouture a été pendant de longues années grand reporter au quotidien «Le Monde». Auteur de nombreux ouvrages traitant de l’époque de la décolonisation et de ses acteurs, il a également publié une série de biographies qui font référence, notamment sur Nasser, Blum, Mauriac, Mendès-France, Malraux, Montaigne, De Gaulle, Montesquieu ou encore Germaine Tillion.
Jean Lacouture vient cette fois nous parler de Stendhal à l ’occasion de la sortie de la biographie qu’il lui consacre aux éditions du Seuil : «Stendhal voyageur»
Rabat, IF, Salle Gérard Philipe, le 28 février à 17h00
Rencontres-signatures
Une rencontre avec Sergine Bordonado autour de son livre «Anthony et les professeurs» édité par Les Auteurs Associés, aura lieu le 2 mars prochain à 19 H à la librairie Carrefour des Livres à Casablanca.
La même librairie propose également une rencontre avec Mouna Hachim autour de son livre «Les enfants de la Chaouia» (Auto Edition) le 4 mars prochain à Casablanca.
Signature
Mohamed Laroussi signera son livre « Satire sur tout ce qui bouge » Le mercredi 3 mars 2004 à 19 heures, au club USM (tennis) Parc de la Ligue Arabe à Casablanca.
