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Les Marocains se marient de plus en plus en tard : le célibat prolongé, choix ou destin ?

De nos jours, les Marocains se marient de plus en plus tard et quand ils le font, ils ne sont plus tout à fait jeunes. Ce célibat prolongé, plus perceptible chez les femmes que chez les hommes, est présenté par beaucoup comme un choix plutôt qu'un destin.

Les Marocains se marient de plus en plus en tard : le célibat prolongé, choix ou destin ?
On parle plutôt de «célibataires», et ce terme qui, par le passé inspirait souvent la pitié, signifie aujourd'hui, pour de nombreux intéressés, indépendance et épanouissement.

En effet, qui oserait aujourd'hui crier au scandale quand une fille de 30 ans ne s'est pas encore mariée ou quand un homme, la quarantaine bien sonnée, se complait dans un célibat qu'il trouve des plus confortables? «Moi, vieille fille? J'ai plutôt l'impression de vivre comme je l'entends sans que personne ne vienne me demander de ne pas laisser traîner mes affaires ou d'éteindre ma lampe de chevet à 22 heures!», lance Fatiha, 41ans.

On pourrait croire que je me console avec ces mots, mais franchement c'est un choix que j'ai fait et que j'assume, affirme-t-elle.
Au Maroc où le mariage reste le cadre d'union le plus prégnant, le concept même de l'union a été modulé par les mutations qui se sont produites dans la société.

Un changement de comportement vis-à-vis du mariage a tout doucement commencé à se manifester par une tendance à la prolongation de l'état de célibat des filles comme des garçons, en raison notamment des études qui deviennent de plus en plus longues, des difficultés matérielles dues au chômage ou à la cherté de la vie.
Le passage du mariage précoce au mariage tardif s'est produit aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural même si dans ce dernier, les coutumes relatives aux décisions de mariage conservent encore tout leur poids.

Une enquête du Centre d'études et de recherches démographiques (CERED), révèle en effet un recul très net de l'âge auquel les jeunes filles se marient. Non seulement cette tendance se confirme à l'échelle nationale, mais elle s'accentue, souligne l'étude, dont un premier état a été présenté récemment par le Haut commissaire au Plan, M. Ahmed Lahlimi. Si en 1960, les Marocaines contractaient leur première union à l'âge de 17,3 ans, en 1994, elles ne se mariaient qu'à l'âge de 25,8 ans et aujourd'hui, elles le font à 27 ans et plus.

Cette tendance est appelée à s'accentuer encore davantage avec l'application de la Moudawana qui fixe à 18 ans l'âge de mariage des jeunes filles. Ceci dit la problématique de l'âge se pose de moins en moins dans la réalité.

Ambitions

Alors que les citadins se disent «non concernés» par cette question car, affirment-ils en grande majorité, «en ville, il n'existe plus de pères qui marient leurs filles à 14 ans», les populations des milieux ruraux où les coutumes sont toujours prises en compte, plaident encore pour un mariage précoce, même si elles souhaiteraient tout de même que leurs filles «aillent à l'école, aillent en ville sans que cela ne les empêche de se marier».

Les filles se marient de moins en moins jeunes car l'instruction fait naître de nouvelles aspirations et ouvre de nouvelles voies. Elles sont donc plus ambitieuses, veulent faire carrière, mais surtout deviennent indépendantes financièrement et, par conséquent, refusent de «se marier pour se marier».
«Quand je me suis lancée, j'avoue que je privilégiais volontiers ma vie professionnelle, seulement aujourd'hui les choses sont plus compliquées, vous avez envie d'autre chose, d'un mari, d'un enfant d'un foyer», affirme Ilham, 43 ans, femme d'affaires.

«Le problème, c'est que vos exigences grandissent avec vous et se marier pour se marier n'est plus une priorité, ni même une nécessité, on recherche plutôt la valeur ajoutée que peut apporter un mari», soutient-elle. Pourtant, une partie des filles d'Eve, notamment celles issues de milieux pauvres et ne disposant d'aucune ressource, continuent à rêver du chevalier servant, tout en priant pour qu'il se présente le plus tôt possible et tout est permis pour donner un coup de pouce au destin qui va pour certaines des visites aux voyantes et aux charlatans aux amulettes et talismans en passant par les bains dans les marabouts.

Mais de manière générale, si jusqu'au milieu du siècle dernier, les femmes, n'ayant pas ou peu accès au marché du travail, vivaient presque par procuration et leur vie n'était perçue que dans un cadre de conjugalité, aujourd'hui les choses sont perçues autrement et une femme qui ne contracte pas mariage n'est pas obligatoirement la «pauvre fille» qui «manque de chance», «qui a raté sa vie» et qui est condamné «à vivre seule». En effet, quand il s'agit d'une femme, la définition même de la solitude s'en trouve changée.

Une femme seule est tout simplement une femme sans homme, elle est donc définie par rapport à l'homme et l'absence de ce dernier dans sa vie est suffisante pour qu'on la définisse comme un être seul. «Le pire dans cette situation, explique Imane (professeur), c'est le regard que la société porte sur les célibataires, qu'ils le soient par choix ou par obligation». «A 38 ans à peine, j'essuie des commentaires plats et désobligeants, surtout de la part de ma famille qui ne comprend pas que je ne sois pas encore mariée +comme tout le monde+».
Liberté ?

Pourtant, même dans un monde en perpétuelle mutation, l'idée de l'amour reste plus présente que jamais et les filles, jeunes ou moins jeunes, continuent à le chercher et à l'espérer, et celles qui l'ont «raté» éprouvent une certaine amertume et ne sont plus tellement sûres de leur choix.

A 48 ans, Nezha, commerçante, parle de sa liberté comme un grand privilège, ce qui ne l'empêche pas, dit-elle, d'avoir certains regrets. «Il y a des jours où les manques se font sentir, surtout lors des fêtes familiales que j'ai décidé de boycotter. Aujourd'hui, je sais que +j'ai raté le coche+, mais je vis la maternité avec mes neveux et j'essaie de trouver des compensations en améliorant sans cesse ma qualité de vie», confie-t-elle.

Exceptés les adeptes d'un célibat confortable qui se défendent de jouir pleinement de leur liberté sans avoir à subir les inconvénients du mariage, le sexe fort incrimine en priorité les conditions matérielles. En plus simple: Pas d'argent, pas de mariage.

«Le mariage est synonyme d'engagement et de dépenses à tous les stades, notamment lorsque la vie quotidienne commence avec son lot de problèmes et de difficultés, notamment financières», affirme Ali, 42 ans.

La difficulté de trouver l'âme soeur, c'est à dire, selon les normes de la gente masculine, une fille de bonne famille, éduquée, de préférence belle et intelligente et qui de surcroît accepte et partage les débuts difficiles d'un jeune ménage, constitue le deuxième problème de la liste évoquée par ces messieurs. «Les filles d'aujourd'hui aiment la facilité, et regardent en premier au portefeuille du futur conjoint ! Les sentiments, l'âge ou la compatibilité ne constituent que des détails», déplore Mohamed (44 ans) qui affirme parler par expérience.

«Comme dans les films, ma fiancée a préféré un homme marié, donc moins libre, plus âgé, plus riche. Elle en avait assez, disait-elle, d'attendre que je sois prêt pour l'épouser, c'est à ne rien comprendre aux femmes dont une partie lutte contre la polygamie alors que l'autre partie y voit la solution idéale aux problèmes», s'exclame-t-il.

Les explications des uns et des autres diffèrent, mais le lot commun aux uns et aux autres est sans conteste la solitude et l'absence de communication et de complicité.

C'est là un côté sombre du célibat dont souffrent hommes et femmes qui ont opté ou ont été contraints au célibat et qui déplorent que la famille ne joue plus, comme auparavant, un rôle prépondérant dans le mariage de ses enfants en favorisant les rencontres et en rapprochant les vues dans un cadre familial pouvant être garant de réussite et de stabilité.

Aujourd'hui, affirment-ils quasi unanimement, les choses ont beaucoup changé et le mariage est devenu une entreprise très délicate aux multiples implications qui ont fini par faire fuir les jeunes car si les sociétés occidentales ont facilement adopté les unions libres où, dans leur logique, être amoureux est plus important qu'être marié, pour la société musulmane, cela n'est pas admis, la nuptialité étant, et à jamais, le seul et unique cadre pour vivre en couple. Par choix ou par destinée ou encore par malchance, le célibat est certainement moins «dramatique» que par le passé.

D'ailleurs qui se moquerait de qui aujourd'hui? Les couples des célibataires ou le contraire? De nos jours, on parle plutôt d'un choix de vie, le bonheur n'étant garanti ni pour les uns ni pour les autres !
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