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Mohamed Asli, le réalisateur de « Les anges ne volent pas à Casablanca» : «Mon cinéma défend une cause»

Mohamed Asli est un cinéaste qui fera certainement parler de lui. En bien. Son premier film «Les Anges ne volent pas à Casablanca » est une découverte. Au delà des prix reçus à l'étranger (Carthage, Alexandrie, Montréal et Cannes), il constitue, par sa qu

Mohamed Asli, le réalisateur de « Les anges ne volent pas à Casablanca» : «Mon cinéma défend une cause»
On comprend pourquoi votre film a eu tant de succès A Carthage, à Alexandrie, à Cannes et au Québec. Au delà de l'histoire, vous avez fait preuve de grande maîtrise à la fois de la direction des acteurs, des lumières et de la photographie. On peut citer beaucoup d'exemples mais à elle seule la scène de la fantasia avec cet enfant de dix ans à cheval pour la première fois, est d'une poésie indicible.

Vous parlez de la scène de Othmane enfant, oui, j'avoue que moi-même, à chaque fois que je vois cette scène, je n'arrive pas à me contrôler, j'ai la chair de poule même en parlant maintenant.

Pourquoi ?
Je ne sais pas, c'est de l'ordre de l'irrationnel, ou plutôt du métaphysique, je l'ai tournée, je l'ai montée , je l'ai créée. Vous savez j'ai une relation très étroite avec le monde du cheval, ce qui fait que j'ai pu produire cette scène de manière profonde.

Vous montez vous-même à cheval ?

Malheureusement non, mais je suis issu d'une famille de cavalier, mon grand père, mon père étaient des cavaliers, j'ai grandi dans cette ambiance.

Vous êtes de quelle région ?

De la Chaouia, dans la région de Casablanca.

Et puis cette scène avec le cheval qui cabre en pleine circulation routière, c'était fabuleux. Comment vous avez pu filmer cette scène en plein centre de la ville ?
J'ai tout simplement fait appel à des professionnels, des français, qui ont dressé le cheval pour cette scène, et on a travaillé dans les normes professionnels, ce qui m'a permis de tourner cette scène en pleine circulation routière.

Et pour les lumières pour en finir avec la photographie ?

J'ai une formation de photographe, j'ai fait l'assistanat à la photographie pendant quatre ans. J'ai beaucoup tourné, et même dans ce film j'ai pris la caméra pour filmer la scène de Abdessamad dans le rôle du garçon de café qui danse avec son plateau de thé à la main, en pleine circulation. Le chef opérateur avait peur d'être écrasé par les voitures, alors j'ai pris la caméra et j'ai fait moi-même cette scène.

Vous avez utilisé un traveling pour cette scène ?
Pas du tout, j'ai tourné la caméra à l'épaule.

Venons-en maintenant au contenu. C'est l'histoire de trois garçon de café qui ont quitté la campagne pour venir travaillé à Casablanca. En ait c'est l'histoire de trois passions, trois destins, trois désillusions. Qu'est-ce qui vous a fait choisir ces trois histoires ?

J'avais envie de parler de la difficulté de vivre dans notre pays mais je n'avais pas d'histoire précise à raconter. Et puis je me suis rappelé une histoire que m'a racontée un ami il y a 17 ans, au sujet de l'un de ses cousins dont la femme est morte alors qu'ils étaient dans un grand taxi, en route pour l'hôpital à Ouarzazate.


Et dans son drame, le cousin s'est trouvé seul en pleine campagne, abandonné par le chauffeur de taxi, et ne trouvant personne pour lui porter secours. Il a été donc obligé de porter sa femme sur son dos sur un trajet de 22 kilomètres à pied. A partir de ce fait, j'ai tissé une histoire où il est question de trois personnes chacun ayant un problème. Mais ce faisant, je voulais raconter d'autres choses.
Pour moi, un film c'est çà, il ne suffit pas de raconter une histoire, on risque de tomber dans le misérabilisme.

C'est pourquoi j'ai tenu à montrer la société marocaine dans sa diversité ethnologique et linguistique, il y a des berbères, des arabes, des fassis, des sahraouis, il y a la langue arabe et le berbère. Dans cette diversité, il y a des petites gens qui ont des petits rêves qu'ils ne peuvent pas réaliser. Et c'est ça le drame de notre pays. Les gens trouvent beaucoup de difficultés à s'épanouir, et quand on ne peut pas s'épanouir dans son propre pays, il est difficile de l'aimer.

C'est vrai vous avez réussi à éviter le piège du misérabilisme, en faisant vibrer le film de poésie. On n'a jamais aimé Casablanca comme on l'a aimé dans ce film ; on n'a jamais senti le vertige de la grande ville comme on l'a senti dans ce film. Et puis c'est un film sur la passion, pour une femme, pour un cheval ou pour des souliers de luxe.

C'est ça l'art en fait, l'art du cinéma entre autre. J'ai donc essayé d'exprimer la relation d'amour que j'ai avec mon pays, avec ses gens dans leurs diversités et leurs conditions spécifiques. Attention, j'ai le mal de vivre dans mon pays, mais j'envisage les choses avec dignité. Quant à la poésie, je suis venu au cinéma par le biais de la poésie. J'écrivais des poèmes étant enfant, et les gens qui m'ont orienté vers le cinéma à l'âge de 18 ans, avaient senti en moi cette sensibilité.

Vous vivez au Maroc actuellement.

Je vis entre Rome et Ouarzazate où j'ai une école de formation cinématographique.

Vous êtes inspiré du néo-réalisme italien dans ce film justement. Il me rappelle « Tuttu estano bene» qui décrit la difficulté de vivre à Rome avec poésie.
Je ne me suis pas inspiré de ce film en particulier, mais le néoréalisme italien, oui, c'est mon école. C'est un courant cinématographique qui se veut à l'écoute de la situation sociale des populations. En ce qui me concerne, je ne me dis pas, tiens je vais faire un film néoréaliste, non, je suis tout simplement sensible à tout ce qui touche à mon pays, à ma société.

Je ne crois pas à un cinéma neutre. Je ne crois pas non plus, qu'un cinéaste sans cause, soit un cinéaste complet.
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