Menu
Search
Mardi 23 Décembre 2025
S'abonner
close
Mardi 23 Décembre 2025
Menu
Search

Pablo Neruda, un troubadour international : «J'ai été heureux dans ma lutte incessante»

«Je ne suis qu'un poète et je vous aime tous», deux vers de l'éminent poète chilien Pablo Neruda qui semblent résumer tout le parcours, riche d'imagination et de pugnacité, d'un homme gravé à jamais dans la mémoire non seulement de ses concitoyens chilien

No Image
Il n'a jamais fui son destin qui le mettait souvent aux prises à des situations où il courait le risque de perdre la vie. Il confrontait, d'une bravoure poétique rare, les scènes réservées par son sort. Alors que tous ses chemins menaient vers une vie fortunée, il a choisi celui de l'intégrité humaine et de l'honnêteté intellectuelle qui font de lui un troubadour poétique international.

Il faisait siennes toutes les causes justes. Lors de la guerre civile en Espagne des années 40, à titre d'exemple, Neruda a vite choisi son camp aux côtés des défenseurs de la liberté. «Venez voir le sang des enfants qui coule dans les rues», disait-il dans une correspondance à un ami.

Et pourtant, jamais dans sa vie, il n'avait regretté son parcours d'homme de lettres engagé. «J'ai été heureux dans ma lutte incessante», dira l'artiste lorsque l'âge l'avait condamné à l'inaction.

Son cursus fut plein de gloire et de déprimes, à l'instar d'un certain Nazem Hikmet en Turquie, d'un Garcia Lorca en Espagne et d'un Louis Aragon en France. Il ne pouvait ainsi être que le confident de rêves souvent impossibles certes, mais qui valent la peine d'être dorlotés, rimées et versifiés. Ces rêves faisaient vivre l'humanité.

En dépit d'une avancée du temps pas toujours judicieuse, la production littéraire de Neruda dont le centenaire est célébré partout dans le monde, continue de paraître dans différentes langues et transgresse les frontières de l'Amérique Latine pour épater un lectorat avide d'une poésie très fine et imprégnée joliment des péripéties d'une vie tumultueuse.

Depuis 1923, date de son premier recueil Crépusculaire, les oeuvres du poète chilien se succèdent au long d'une vie marquée par la succession de voyages qui ont certainement enrichi ses facultés imaginaires et ses compétences créatrices. Les traces de l'errance et de l'exil ne quittent pas ses productions. «Toute ma vie, je suis allé, venu, changeant de vêtements et de planètes», avait-il dit.

Son amour pour le Chili et pour l'Amérique Latine en général émanait d'une vision du monde emplie de valeurs de justice sociale et de respect de la dignité humaine, seules devises inaliénables. Alors qu'il était en exil en Italie, Neruda ne cessait de penser la situation au Chili et de s'interroger sur le devenir d'un pays pris en otage par des idées tyranniques. «Où va le Chili ma pauvre patrie obscure ?», s'est-il interrogé dans son poème Insomnie.

Pour Neruda, les valeurs de justice, de sacrifice et de dignité doivent occuper une grande place dans la vie d'un écrivain. Elles constituent même l'essence de sa mission. Bon diseur, bon faiseur, il était prêt à en payer le prix fort. Il a même frôlé la mort plus d'une fois et connu l'exil loin de chez lui en Italie. Ses sentiments et émotions à l'égard de son pays à cette époque ne peuvent être décrits mieux qu'il n'a été fait dans le film qui a fait la gloire du cinéma réaliste italienne Le facteur.

Consacré Prix Nobel de littérature en octobre 1971, Neruda de son vrai nom Ricardo Neftali Reyes Basoalto avait évoqué dans le discours qu'il prononça à Stockholm avec tendresse, les gens inconnus qui l'aidèrent à franchir les Andes alors que sa tête était mise à prix dans son propre pays (1949).

Le poète dont le centenaire a été commémoré à l'occasion de la 10è édition du Salon International du Livre et de l'Edition (SIEL), ne s'attardait guère à dénoncer tout acte privatif de liberté, en dépit des différents postes diplomatiques qu'il occupa à partir de 1927 à Rangoon, Colombo, Batavia, Buenos Aires, Mexico, où il a laissé de grandes traces manifestes dans les oeuvres de poètes locaux.

Sous le gouvernement socialiste du président Salvador Allende, il fut nommé ambassadeur du Chili à Paris, d'où il dénoncera en 1972 le blocus américain contre le Chili. Pressentant, toutefois, sa proche agonie, Neruda renonce à son poste et quitta la France le 20 novembre 1972 pour rentrer au Chili.

Un accueil triomphal lui fut accordé à Santiago par ses concitoyens qui l'aimaient tant.
Douze jours après le putsch militaire du 11 septembre 1973, Pablo Neruda est décédé. Ses obsèques qui se sont déroulées sous haute surveillance de l'armée, connurent un jaillissement de chants par les foules qui sont restées convaincues que Neruda est «toujours plus jeune que le monde entier» comme il aimait à dire lui-même.
Lisez nos e-Papers