White Point. Un paradis de sable blanc ouvert sur un lagon. Côte ouest de l’Australie, au pays des pastèques, des wallabis, des mangroves et des baramundis. «Seul mouillage à des kilomètres de tout», White Point fut un repère pour quelques pêcheurs reclus dans des abris de tôles.
Avant d’être envahi par tout un dépotoir de personnalités en manque de calme, de touristes en quête de terres sauvages, de surfeurs en mal de vagues, de paumés, d’asociaux, et de rêveurs... Dans son cadre magnifique, le village s’est enlaidi : les baraques ont cédé la place à des villas et des bunkers en béton, et les matelots se sont embourgeoisés. Les White Pointers : des habitants apparemment bien sous tout rapport. Sauf qu’ils n’aiment pas les étrangers, quels qu’ils soient : aborigènes, asiatiques, ou tout simplement pas comme eux.
Georgie est une étrangère, elle l’a toujours été et n’a jamais vraiment rien fait pour que ça change. A son arrivée il y a trois ans, le sac sur le dos, les gens l’avaient regardée d’un drôle d’air. Mais elle n’y a pas fait attention. Elle venait rejoindre Jim, pensant pouvoir l’aider à sortir de sa détresse. Elle s’est installée chez lui et s’est occupée de ses deux petits garçons. Georgie la voyageuse, partie infirmière en Arabie Saoudite avant de traverser la mer du Timor en bateau, pour revenir s’échouer sur ces rivages où elle avait grandi. Une femme forte, indépendante, qui a appris à se blinder mais qui pense que l’amour est impossible. C’est le drame de sa vie. Avec Jim et les enfants, quelque chose a changé. Elle n’en dort plus et passe des heures à se perdre sur Internet en s’imbibant de vodka. Quand, un de ses soirs d’insomnies, elle aperçoit un braconnier, en bas, sur la plage. Elle ne le dénonce pas comme elle aurait dû. Elle le couvre, d’instinct, comme si elle savait déjà qu’ils allaient s’aimer.
Voyage au bout de soi-même
Et les «outlaw» de se rejoindre, envers et contre tous les White Pointers, ces gens au nom de squales qui ont baptisé leurs embarcations L’Eventreur ou le Razzieur. Commence alors une sourde chasse à l’homme qui entraînera le fugitif à travers l’Australie jusqu’à une île perdue au Nord, au pays des huîtres et des requins. Là, Robinson forcé par ses pairs, monument d’émotion brute, il posera son fardeau pour pousser l’errance jusqu’à l’improbable quête de soi.
Sous ses dehors balnéaires, White Point cachait des failles. En cherchant désespérément des portes de sortie, Georgie les visite une par une.
De plus en plus chancelante, elle découvre les non-dits du village, ses accidents tus, ses démons ensevelis, autant d’échos à ses propres souffrances.
«Est-ce que tout un chacun, en son for intérieur, ne rêvait pas d’une maison avec des persiennes et d’un manguier dans le jardin ?» Le problème, c’est que derrière les persiennes, dans les abîmes des fors intérieurs, se tapissent des blessures grosses comme des murènes prêtes à mordre à la moindre approche.
«L’oubli est une grâce», on n’efface pas le passé. De fait, tous les personnages de Jim Winton sont à la dérive, frappés par des accidents, des drames ou des maladies qui les pourchassent. Tous semblent avoir avalé une braise qu’ils tentent d’éteindre en plongeant dans l’eau fraîche, en se gorgeant des crépitements des profondeurs marines ou en profitant d’un repas. L’écrivain tourne autour d’eux comme s’ils étaient vraiment vivants, cherchant à les découvrir de plus en plus, à les connaître de mieux en mieux.
Sans les talonner, étirant son histoire comme une road story languide, il traque ce lieu secret où chacun d’eux vit intérieurement.
Son écriture tient du charnel et du rougeoyant. Brinquebalant sur le parler typique que la traductrice a su renvoyer, se lovant dans les éléments et la matière jusqu’à paraître minérale, s’étouffant dans le ressenti, les sentiments, les émotions au point de les rendre immédiats et brûlants.
Par-dessus le bord du monde fait chavirer dans un lent vertige vers ces territoires que l’on hésite à découvrir. Tim Winton n’allume pas une grande flambée mais une foule de petits feu de camps, autour de ces instants qui laissent tantôt un goût de cendre, tantôt un fameux parfum de bois brûlé, entre ciel et mer.
«Par dessus le bord du monde»
de Tim Winton, Ed. Rivages, 420 p.
Avant d’être envahi par tout un dépotoir de personnalités en manque de calme, de touristes en quête de terres sauvages, de surfeurs en mal de vagues, de paumés, d’asociaux, et de rêveurs... Dans son cadre magnifique, le village s’est enlaidi : les baraques ont cédé la place à des villas et des bunkers en béton, et les matelots se sont embourgeoisés. Les White Pointers : des habitants apparemment bien sous tout rapport. Sauf qu’ils n’aiment pas les étrangers, quels qu’ils soient : aborigènes, asiatiques, ou tout simplement pas comme eux.
Georgie est une étrangère, elle l’a toujours été et n’a jamais vraiment rien fait pour que ça change. A son arrivée il y a trois ans, le sac sur le dos, les gens l’avaient regardée d’un drôle d’air. Mais elle n’y a pas fait attention. Elle venait rejoindre Jim, pensant pouvoir l’aider à sortir de sa détresse. Elle s’est installée chez lui et s’est occupée de ses deux petits garçons. Georgie la voyageuse, partie infirmière en Arabie Saoudite avant de traverser la mer du Timor en bateau, pour revenir s’échouer sur ces rivages où elle avait grandi. Une femme forte, indépendante, qui a appris à se blinder mais qui pense que l’amour est impossible. C’est le drame de sa vie. Avec Jim et les enfants, quelque chose a changé. Elle n’en dort plus et passe des heures à se perdre sur Internet en s’imbibant de vodka. Quand, un de ses soirs d’insomnies, elle aperçoit un braconnier, en bas, sur la plage. Elle ne le dénonce pas comme elle aurait dû. Elle le couvre, d’instinct, comme si elle savait déjà qu’ils allaient s’aimer.
Voyage au bout de soi-même
Et les «outlaw» de se rejoindre, envers et contre tous les White Pointers, ces gens au nom de squales qui ont baptisé leurs embarcations L’Eventreur ou le Razzieur. Commence alors une sourde chasse à l’homme qui entraînera le fugitif à travers l’Australie jusqu’à une île perdue au Nord, au pays des huîtres et des requins. Là, Robinson forcé par ses pairs, monument d’émotion brute, il posera son fardeau pour pousser l’errance jusqu’à l’improbable quête de soi.
Sous ses dehors balnéaires, White Point cachait des failles. En cherchant désespérément des portes de sortie, Georgie les visite une par une.
De plus en plus chancelante, elle découvre les non-dits du village, ses accidents tus, ses démons ensevelis, autant d’échos à ses propres souffrances.
«Est-ce que tout un chacun, en son for intérieur, ne rêvait pas d’une maison avec des persiennes et d’un manguier dans le jardin ?» Le problème, c’est que derrière les persiennes, dans les abîmes des fors intérieurs, se tapissent des blessures grosses comme des murènes prêtes à mordre à la moindre approche.
«L’oubli est une grâce», on n’efface pas le passé. De fait, tous les personnages de Jim Winton sont à la dérive, frappés par des accidents, des drames ou des maladies qui les pourchassent. Tous semblent avoir avalé une braise qu’ils tentent d’éteindre en plongeant dans l’eau fraîche, en se gorgeant des crépitements des profondeurs marines ou en profitant d’un repas. L’écrivain tourne autour d’eux comme s’ils étaient vraiment vivants, cherchant à les découvrir de plus en plus, à les connaître de mieux en mieux.
Sans les talonner, étirant son histoire comme une road story languide, il traque ce lieu secret où chacun d’eux vit intérieurement.
Son écriture tient du charnel et du rougeoyant. Brinquebalant sur le parler typique que la traductrice a su renvoyer, se lovant dans les éléments et la matière jusqu’à paraître minérale, s’étouffant dans le ressenti, les sentiments, les émotions au point de les rendre immédiats et brûlants.
Par-dessus le bord du monde fait chavirer dans un lent vertige vers ces territoires que l’on hésite à découvrir. Tim Winton n’allume pas une grande flambée mais une foule de petits feu de camps, autour de ces instants qui laissent tantôt un goût de cendre, tantôt un fameux parfum de bois brûlé, entre ciel et mer.
«Par dessus le bord du monde»
de Tim Winton, Ed. Rivages, 420 p.
