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Percer le mystère de l'odorat : avancée théorique, peu de retombées médicales

La découverte du mystère de l'olfaction, récompensée lundi par deux prix Nobel, est considérée comme une "avancée théorique importante" en matière de recherche fondamentale, même si peu de retombées médicales immédiates sont recensées par les experts.

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«L'olfaction est un sens majeur chez tous les animaux, mais elle restait très mystérieuse», jusqu'aux découvertes de Richard Axel et Linda Buck en 1991, souligne Alain Ghysen, directeur du laboratoire de neurogénétique Inserm/université de Montpellier.

«On ne savait pas comment on reconnaissait une odeur, ni sur la base de quoi», ajoute-t-il. Trouver les récepteurs olfactifs a été le «sésame», à partir de là on a pu identifier le neurone et comprendre que le sens olfactif «était le même chez des tas d'animaux différents». Richard Axel et Linda Buck ont non seulement trouvé une famille de récepteurs inconnus jusque là, mais aussi expliqué comment l'information est envoyée dans le cerveau, précise Alain Ghysen. Chaque neurone olfactif porte un seul récepteur et «l'information olfactive est partitionnée en petits morceaux dont chacun correspond à une molécule».

L'homme n'a que mille récepteurs, «mais chaque odeur est complexe et donc elle peut allumer plusieurs récepteurs différents», ajoute-t-il. Aux mille récepteurs correspondent mille «micro-régions» dans le bulbe olfactif situé dans le cerveau, vers lesquelles chaque neurone fait converger l'information. «Chaque fois qu'une odeur arrive dans le nez, il y a vingt ou trente ou cinquante de ces « microrégions » qui « s'allument+ », résume-t-il.

«Le système olfactif est infini: avec ces mille récepteurs, on va pouvoir avoir une perception olfactive de toute molécule qui existe sur la planète même si on ne l'a jamais rencontrée», précise Patricia Duchamp-Viret (Laboratoire de neurosciences et systèmes sensoriels, Université Claude Bernard à Lyon).
Auteur de travaux ayant montré en 1999 qu'un neurone olfactif peut fixer plusieurs molécules odorantes et non une seule, elle souligne «l'avancée importante» sur le plan théorique permise par les travaux des deux nouveaux prix Nobel.

La vision ou l'audition ne fonctionnent pas du tout de la même façon que l'odorat, souligne Alain Ghysen, mais le système d'organisation de l'olfaction s'est avéré être le même pour l'animal et l'homme. Toutefois, note-t-il, chez une mouche, la drosophile, seulement une quarantaine de micro-régions spécialisées ont été découvertes par Richard Axel.

Linda Buck a pour sa part découvert une autre gamme de récepteurs spécialisés dans la perception des phéromones, des molécules moins volatiles que les autres odeurs, perçues par un système olfactif bis, l'organe voméronasal. Ces phéromones jouent un rôle important dans le comportement, notamment sexuel, des animaux, insectes compris.

Si ces découvertes peuvent susciter «d'énormes applications commerciales dans le domaine de la parfumerie», voire au niveau de système de détection, de traitement de l'information, elles ont entraîné peu de retombées médicales, selon plusieurs scientifiques interrogés, notamment parce que le sens de l'odorat est jugé moins vital que la vision ou l'audition.

Outre certains traumatismes, les maladies d'Alzheimer ou de Parkinson, l'épilepsie, la schizophrénie peuvent entraîner des troubles de la perception des odeurs.

Ainsi, selon Jean-Pierre Royet (Université Claude Bernard à Lyon), des tests olfactifs sont utilisés pour détecter précocement la maladie d'Alzheimer. Et chez les personnes souffrant de schizophrénie, certains circuits de l'olfaction ne sont pas activés en neuroimagerie.
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