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Quand le CCDH pointe la situation carcérale : Prisons, le rapport qui accable

C'est un long et très descriptif rapport sur la situation dans les prisons au Maroc qui a été présenté lors des travaux de la dernière session du Conseil consultatif des droits de l'homme. Le groupe de travail de la protection des droits de l'homme a eu l

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C'est la très engagée Assia El Ouadie, directrice du Centre de rééducation pour mineurs de Oukacha et également membre de la Fondation Mohammed VI qui a été le rapporteur général du rapport élaboré sur la base de 32 visites sur le terrain, 29 visites d'établissements pénitentiaires et une dizaine de centres pour mineurs.

Au cours de ses pérégrinations, le groupe de travail -qui compte dans ses rangs des personnalités diverses, du PJD Mustapha Ramid à l'activiste, passionaria des droits des femmes, Amina Lemrini, a pu proposer des solutions et mettre fin à des situations de détresse.

En effet, et grâce à l'intervention directe de cette mission, 800 personnes détenues dans le cadre de la contrainte par corps ont pu bénéficier de la liberté provisoire. Une goutte d'eau dans un océan d'inhumanité ?

“ Le groupe de travail en charge de cette investigation connaît bien le monde de la prison et certains des membres qui le composent sont des militants des droits de l'homme . Et de manière générale, on peut dire que l'objectivité a été de mise dans ce travail. Dans le même temps, il s'agit de faire remarquer que ce rapport a été fait uniquement avec la collaboration du ministère de la Justice et l'administration pénitentiaire.

Aucune association –comme par exemple l'Observatoire marocain des prisons ou les ONG de défense des droits de l'homme- n'a été contactée dans le cadre de ce rapport sur la situation dans les prisons.

On sait bien que l'OMDH, l'AMDH et l'OMP ont travaillé pendant plusieurs années sur les prisons au Maroc avant même l'adoption de la loi de 1999. C'est par nos dénonciations, nos recommandations, nos analyses, la mise en lumière de tout ce qui se passe derrière les barreaux que la sensibilisation des pouvoirs publics a été rendue possible et le ministère de la Justice ainsi que l'administration pénitentiaire ont pu prendre des mesures en faveur des détenus.

Je regrette également qu'il n'y ait pas eu de médiatisation ou plutôt d'informations autour de cette mission, sachant que beaucoup de personnes auraient pu témoigner devant le groupe de travail. Cela aurait pu enrichir un premier rapport tel que celui-ci. Le CCDH aurait pu enfin faire mieux. Le groupe de travail s'est contenté d'une étude descriptive, statistique, sans jamais procéder à la moindre analyse ”, regrette le secrétaire général de l'Observatoire marocain des prisons, Abderrahim Jamaï.

Ceux du CCH se sont-ils réfugiés derrière la froideur des chiffres ? En tout cas, le rapport – qui a cette particularité d'être officiel- a le mérite de livrer des statistiques qui donnent à réfléchir, qui donnent aussi parfois froid dans le dos.
Le Maroc compte 53 établissements pénitentiaires dont 28% ont été construit au temps du protectorat. Le rythme de construction des prisons pour une population carcérale en nombre sans cesse croissant révèle une véritable absence de politique carcérale. Entre 1956 et 1965, 13 prisons seront construites à travers le pays et aucune lors de la décennie 1966-1975 !

97 ans et toujours en prison !

Le rapport du CCDH pointe avec vigueur le phénomène de la surpopulation carcérale et dit clairement que l'administration pénitentiaire a été incapable de livrer avec précision la capacité “ d'accueil ” des centres de détention. Le CCDH se réfère alors au chiffre des ONG et situe le nombre de lits entre 30 000 et 39 000. Dévoilant la proportion de surpopulation carcérale, le rapport sur la situation carcérale égrène les exemples sur fond de statistiques de la honte.

A la prison de Al Hoceima, la surpopulation est de l'ordre de 640%, à la prison de Beni Mellal, elle est de 442%, à Laayoune le pourcentage est de 407% alors qu'à la prison de Berrechid, le surplus de détenus est évalué à 320%, et à la prison civile de Kénitra, la surpopulation carcérale s'élève à 270%.

En prison, ceux qui ont mené l'enquête pour le Conseil que préside l'ancien ministre de la Justice Omar Azziman, trouveront des détenus qui n'avaient pas de lits, qui couchent à même le sol ou sous les lits de fer. Dans l'enfer des prisons marocaines, ces officiels rencontreront des prisonniers qui couchent dans des armoires et même dans les WC. “ On parle de 30 000 lits.

Ce qui veut dire qu'il y a un lit pour trois détenus. Cette situation est contraire aux règles minima de l'ONU, contraire aussi à la législation marocaine de 1999 ”, s'exclame M. Jamaï. D'autres cas dramatiques sont encore à évoquer et le rapport du CCDH sur la situation des prisons au Maroc n'a pas manqué de le faire : dans ce pays, les vieillards continuent d'être enfermés dans les prisons.

Le rapport a mentionné le cas d'un prisonnier de 97 ans, détenu à la prison de Benslimane, d'autres âgés de 80 ans et toujours derrière les barreaux à Larache, Al Hoceima, Beni-Mellal. Arrêt sur image : alors que le groupe de travail visitait la prison de la ville de Ouezzane, un vieillard de 78 ans était au même moment écroué.
Le Conseil consultatif des droits de l'homme a ici le mérite d'être allé jusqu'au bout de sa mission, n'hésitant pas à dénoncer l'indicible : profusion des maladies contagieuses, gale, tuberculose, MST, conditions d'hygiène déplorables, et non respect de la dignité humaine des détenus.

“ En prison, les droits disparaissent ”.
Humaniser les prisons, tel est le grand défi auxquels sont confrontés les pouvoirs publics. Les responsables sont également invités de revoir leur copie en matière de politique judiciaire pour que sanction ne soit pas synonyme de vengeance.
L'urgence est aux portes des centres de détentions pour qu'ils soient réellement des lieux de réinsertion et non plus des écoles du crime. Y a-t-il péril en la demeure ?

Il y a des raisons de le penser lorsque l'on sait que 20 191 détenus, soit 73,56% de la population carcérale, ont moins de 35 ans.
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