Après une solide expérience en France et aux Etats-Unis et une belle carrière marocaine, il est passé de l'autre côté, acceptant de se faire ministre avec Jettou. Pas une seconde d'hésitation. Oui, il assume la ministrabilité et rêve d'une administration sur le mode de l'agence, à l'américaine, avec obligation de résultat.
La Peugeot 807 n'est pas un caprice de Monsieur le ministre. Adil Douiri travaille beaucoup. A un rythme effréné. «Et cela commence sous la douche du matin. Meilleur moment pour réfléchir, monter des stratégies. C'est l'heure de la fraîcheur et des idées claires», confie-t-il.
Cela lui vient-il du privé ? Il ne déjeune jamais à l'extérieur, adepte du break lunch au bureau, souvent entouré de ses plus proches collaborateurs pour tenir une énième séance de briefing où le tutoiement général, les abréviations et les expressions «in english please» sont les moindres des surprises.
A l'arrière de la voiture, il peut allonger ses longues jambes. Le cartable est à portée de main. Le dossier revue de presse aussi. Et bien sûr, le portable. Inévitable, incontournable, vital, et prolongement de la main quand on est Adil Douiri. L'homme a tenu bien des réunions sans fil, réglé des problèmes, dicté des discours, suggérant telle ou telle solution grâce au GSM. Ce Ponts et chaussées ne donne jamais d'ordre. Pas dans sa culture. Préfère le dialogue, le débat, l'écoute.
Mais il ne faut surtout pas se fier à ce sourire conciliant, cet air presque timide, cette allure de gendre idéal : le jeune ministre du tourisme qui vient d'hériter de l'artisanat, à la faveur du remaniement ministériel, sait ce qu'il veut. Le cap clair, il sait tenir le gouvernail, ferme sous un gant de velours.
Il est 10 heures 30 ce mardi 27 juillet, la voiture ministérielle roule vers Fès. Journée chargée pour M. Douiri. Sa première sortie en tant que tout nouveau ministre de l'artisanat a été réservée aux artisans de la capitale spirituelle. «Fès est un symbole de l'artisanat. Impossible de tenir une première rencontre ailleurs», explique-t-il.
Auparavant, il doit rencontrer les professionnels du conseil régional du tourisme de la ville et achever son périple fassi par une rencontre avec les cadres de l'Istiqlal. «Je suis un peu leur joueur sur le terrain». Retour aux sources du ministre istiqlalien originaire de Fès ? La question fait sourire Adil Douiri mais ne le désarçonne pas pour autant. Il dit : «Je suis dans la génération citoyens du monde». Ceci expliquant peut-être cela : il passe avec aisance d'une langue à l'autre, maîtrisant aussi bien l'arabe, le français que l'anglais.
Deux heures de route avant d'arriver à Fès, la cité dont le maire est -devinez quoi ?- istiqlalien. Deux heures de route donc et autant d'heures de travail pour ce haut responsable. Il commence d'abord par corriger le communiqué de presse de l'accord qu'il signera le lendemain avec «First Choice», un des leaders de l'activité touristique en Grande-Bretagne. L'exercice est interrompu par un coup d'un fil d'un ténor du parti. Derniers détails sur l'horaire du meeting avec les militants. Le projet de communiqué sur cet accord de partenariat sur le marché anglais qui fait le pari de la promotion d'Agadir est validé, après quelques correctifs – «donnez l'info, l'info, c'est cela qui est important. Avant les TO britanniques étaient absents de cette destination, et il faut trouver la manière de le dire» - Une heure encore avant d'arriver à destination. Juste le temps de procéder à une séance de training du discours que le ministre fera devant les artisans de Fès.
En fait, il y a deux discours. Même un troisième, en français cette fois-ci, qu'il donne l'impression de sortir de sa manche tel un magicien. C'est décidé : celui qui préside aux destinées de ce secteur bien mal en point ne lira pas son discours, sortira de l'arabe classique, lui préférant l'arabe dialectal renforcé. Histoire de casser les barrières. Il n'improvisera pas non plus. Le ministre de l'artisanat a cinq ou six idées principales qu'il compte bien partager avec les artisans. Il prévient : «Cela fait à peine un mois que je suis en charge de ce secteur. Je vais à Fès d'abord pour écouter les artisans».
L'avertissement sous forme de préambule n'occulte pas l'essentiel. Adil Douiri vient tout juste de succéder à l'istiqlalien M'Hamed El Khalifa mais a cerné les maux de l'artisanat. Le diagnostic ministériel tombe : on s'est toujours occupé de l'artisan au lieu de l'artisanat. Il aurait fallu se concentrer sur la demande, le marché, le client. Adil Douiri lâche le mot-clé, presque la panacée : la nécessaire et urgente mise en place de réseaux de distribution de l'artisanat marocain pour le plus grand bénéfice de l'artisan «qui attend au fond de son échoppe que l'offre vienne à lui». Le ministre rêve de produits de l'artisanat d'ici en vente aux galeries Lafayette à Paris, chez Harrods à Londres ou au Cortès Ingles à Madrid.
De El Khalifa à Douiri, l'artisanat est resté dans l'escarcelle de la grande famille de l'Istiqlal mais l'approche est différente. Révolutionnaire presque car rompant avec les politiques ronronnantes et traditionnelles en vigueur jusque-là. Attention, celui qui a fait son primaire à l'école Guessous, à Rabat, avant de rejoindre les bancs du lycée Descartes, ne se place jamais dans la logique de la rupture. Dans le même temps, il est persuadé qu'il n'a pas le droit de prolonger le passé. Il faut sauver l'artisanat, comme le soldat Ryane dans le film.
Il est midi quand nous arrivons dans une Fès caniculaire. Le ministre enfile très vite sa veste et se dirige, au pas de charge, vers le bureau du wali où il est aussi attendu par les élus de la région. Parmi eux, le président de la région Fès-Boulemane, M'Hamed Douiri, qui n'est autre que le père de son fils de ministre, Adil Douiri. Quelques échanges convenus sur le climat, la chaleur et les saisons qui n'existent plus, et il faut rapidement rejoindre la salle de réunion de la wilaya pour rencontrer les professionnels du CRT (centre régional du tourisme) de Fès.
Le discours est rodé, en super VRP, le ministre du tourisme va droit au but. Il évoque la démarche participative, fait le peach sur la vision 2010, tient à lever toute ambiguïté concernant les assises nationales du tourisme et celles régionales à venir et met en exergue l'importance du programme de développement régional. Il dit «PDR» pour programme de développement régional. Comme il dit «négo» pour négociations et «strat'» pour stratégie. Peut-être parce que c'est un homme pressé et qu'il y a tant de choses à faire encore. Pas le temps d'aller jusqu'au bout des mots, les concepts suffisent… Effet d'annonce aussi : l'étude de marketing consacrée à Fès est terminée et le CRT doit obligatoirement être associé au plan de promotion de la ville.
14 heures, c'est l'heure de la réunion avec les artisans. La salle des fêtes de la wilaya est pleine à craquer. La télévision est là, les appareils photos crépitent. Immortaliser cet instant où un haut responsable va à la rencontre d'un corps de métier qui a des bleus partout. Adil Douiri annonce d'emblée qu'il ne lira pas le discours qui lui a été préparé par son cabinet. Il préfère écouter les artisans.
Auparavant, il livre les ambitions qui sont les siennes pour l'artisanat. Le débat est ouvert. Il est exutoire et catharsis pour les artisans. Les doléances se bousculent. Tous veulent prendre la parole, dresser un état des lieux qu'ils disent déplorable. Anarchie, absence de statut, corps inorganisé depuis 1956, un code du travail injuste… Le jeune ministre du tourisme, de l'artisanat et de l'économie sociale récapitule avec un air très “ je vous ai compris ”. D'une phrase, il résume le fond du problème : il s'agit d'imaginer et de mettre en place «le joint entre le producteur, l'acheteur et le marché». Il conclut, politico-démago-techno : «votre réussite, c'est aussi la mienne».
A 17 heures 30, la Peugeot 807 du ministre emprunte la route de Sefrou pour rejoindre la villa d'un parlementaire istiqlalien. C'est là où le militant Douiri doit rencontrer les cadres du parti. Avec une facilité inattendue –mais pourquoi l'image du techno parachuté à l'Istiqlal lui colle-t-elle à la peau ?- le ministre revêt son habit partisan. On s'attend à une figure imposée, un exercice auquel il doit se plier, bon gré mal gré. Non, Adil Douiri aime la politique. Une politique autrement, celle inscrite dans l'action, le terrain, la persuasion, le débat.
Sur le mode de «a star is born», une nouvelle génération de militants serait-elle en train d'éclore ? Abdelhaq Tazi, coordinateur du parti à Fès introduit le meeting auxquels les pontes locaux du plus vieux parti marocain. Il parle d'une coutume toute istiqlalienne, celle qui consiste à voir les ministres du parti, en tournée, expliquer leur action aux militants. M'Hamed Douiri, le père, est là, pas loin du fils.
Il fait très chaud dans le salon aux zelliges et zouacs et Adil Douiri ressemble de plus en plus à un coureur de fond. Il se met debout, prend la parole et dit : «mon objectif est que vous soyez fiers de moi et fiers des ministres qui représentent le parti au gouvernement».
Puis il fonce, expose son programme, met l'accent sur Fès, ses potentialités, la place de la ville dans son action. Les militants questionnent, interrogent, interpellent. Le ministre istiqlalien répond, argumente, rassure. Aux alentours de 20 heures, la réunion partisane prend fin, l'hymne du parti de l'Istiqlal - «Maghribouna, ouatanouna» - est entonné. Le jeune ministre le connaît par cœur. Image très scout de militant donnant de la voix…
«La nuit a été très courte finalement !», s'exclame A. Douiri. Ce mercredi 28 juillet à 8 heures 30 du matin, il est pourtant frais et dispos. Nous sommes sur l'autoroute, vers Casablanca. C'est aujourd'hui que doit être signé l'accord de partenariat avec le Tour operator First Choice. Le ministre des transports et de l'équipement, un autre istiqlalien, fait partie des signataires. Ils s'entendent bien, les deux ministres de la maison Istiqlal. Douiri appelle Ghallab, il doit le récupérer juste après le péage. Trois ou quatre points à voir avec lui.
«C'est le ministre du tourisme qui harcèle le ministre de l'équipement. Faut dire que le remaniement ministériel nous a un peu pénalisés. Avant nous étions assis l'un à côté de l'autre en conseil de gouvernement. Nous pouvions régler plusieurs questions le jeudi matin. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisque nous sommes assis l'un en face de l'autre lors de la réunion hebdomadaire de l'Exécutif. Il faut sans cesse jongler pour trouver le temps de se voir», indique, mi-figue mi–raisin, le ministre du tourisme.
Dans un palace casablancais, signature de la convention, mini-conférence de presse improvisée, séance RP entre café et viennoiseries. A midi, la voiture ministérielle roule vers Rabat. C'est l'heure du retour, du téléphone aussi. Pendant tout le trajet, M. Douiri ne quitte pas son portable. Fait le point des rendez-vous avec son assistante, lui dicte son courrier, prépare les réunions à venir. A 13 heures, le travail continue, dans le bureau du ministre, au cinquième étage.
Pas encore le temps de déjeuner, même sur le pouce. Il lui faut encore préparer l'exposé qu'il doit présenter le lendemain, jeudi 29 juillet, en conseil de gouvernement, avant d'enchaîner sur une réunion interne consacrée à la stratégie de conquête de marches et à laquelle doivent assister entre autres le DG de l'Office du tourisme et la chef cab du ministre. Entre- temps, le téléphone encore. Des collègues ministres qui viennent aux nouvelles. «Peux-tu assurer mon intérim, de telle date à telle date, je pars en vacances ?». Adil Douiri, lui, ne sait pas encore quand il s'en ira pour quelques jours, le temps d'une courte trêve estivale. «Travailler au mois d'août, c'est agréable, on n'est pas interrompus par le téléphone», soupire-t-il.
Ce mercredi 28 juillet, à 16 heures, la journée est loin d'être finie Le ministre du tourisme doit encore tenir séance de travail avec la branche tourisme de la CDT. «Une séance de négo avec les syndicats», explique-t-il. Adil Douiri a l'œil qui brille. La perspective «négo» n'est pas pour lui déplaire. Et si Douiri le techno avait chopé le virus de la politique ?
La Peugeot 807 n'est pas un caprice de Monsieur le ministre. Adil Douiri travaille beaucoup. A un rythme effréné. «Et cela commence sous la douche du matin. Meilleur moment pour réfléchir, monter des stratégies. C'est l'heure de la fraîcheur et des idées claires», confie-t-il.
Cela lui vient-il du privé ? Il ne déjeune jamais à l'extérieur, adepte du break lunch au bureau, souvent entouré de ses plus proches collaborateurs pour tenir une énième séance de briefing où le tutoiement général, les abréviations et les expressions «in english please» sont les moindres des surprises.
A l'arrière de la voiture, il peut allonger ses longues jambes. Le cartable est à portée de main. Le dossier revue de presse aussi. Et bien sûr, le portable. Inévitable, incontournable, vital, et prolongement de la main quand on est Adil Douiri. L'homme a tenu bien des réunions sans fil, réglé des problèmes, dicté des discours, suggérant telle ou telle solution grâce au GSM. Ce Ponts et chaussées ne donne jamais d'ordre. Pas dans sa culture. Préfère le dialogue, le débat, l'écoute.
Mais il ne faut surtout pas se fier à ce sourire conciliant, cet air presque timide, cette allure de gendre idéal : le jeune ministre du tourisme qui vient d'hériter de l'artisanat, à la faveur du remaniement ministériel, sait ce qu'il veut. Le cap clair, il sait tenir le gouvernail, ferme sous un gant de velours.
Il est 10 heures 30 ce mardi 27 juillet, la voiture ministérielle roule vers Fès. Journée chargée pour M. Douiri. Sa première sortie en tant que tout nouveau ministre de l'artisanat a été réservée aux artisans de la capitale spirituelle. «Fès est un symbole de l'artisanat. Impossible de tenir une première rencontre ailleurs», explique-t-il.
Auparavant, il doit rencontrer les professionnels du conseil régional du tourisme de la ville et achever son périple fassi par une rencontre avec les cadres de l'Istiqlal. «Je suis un peu leur joueur sur le terrain». Retour aux sources du ministre istiqlalien originaire de Fès ? La question fait sourire Adil Douiri mais ne le désarçonne pas pour autant. Il dit : «Je suis dans la génération citoyens du monde». Ceci expliquant peut-être cela : il passe avec aisance d'une langue à l'autre, maîtrisant aussi bien l'arabe, le français que l'anglais.
Deux heures de route avant d'arriver à Fès, la cité dont le maire est -devinez quoi ?- istiqlalien. Deux heures de route donc et autant d'heures de travail pour ce haut responsable. Il commence d'abord par corriger le communiqué de presse de l'accord qu'il signera le lendemain avec «First Choice», un des leaders de l'activité touristique en Grande-Bretagne. L'exercice est interrompu par un coup d'un fil d'un ténor du parti. Derniers détails sur l'horaire du meeting avec les militants. Le projet de communiqué sur cet accord de partenariat sur le marché anglais qui fait le pari de la promotion d'Agadir est validé, après quelques correctifs – «donnez l'info, l'info, c'est cela qui est important. Avant les TO britanniques étaient absents de cette destination, et il faut trouver la manière de le dire» - Une heure encore avant d'arriver à destination. Juste le temps de procéder à une séance de training du discours que le ministre fera devant les artisans de Fès.
En fait, il y a deux discours. Même un troisième, en français cette fois-ci, qu'il donne l'impression de sortir de sa manche tel un magicien. C'est décidé : celui qui préside aux destinées de ce secteur bien mal en point ne lira pas son discours, sortira de l'arabe classique, lui préférant l'arabe dialectal renforcé. Histoire de casser les barrières. Il n'improvisera pas non plus. Le ministre de l'artisanat a cinq ou six idées principales qu'il compte bien partager avec les artisans. Il prévient : «Cela fait à peine un mois que je suis en charge de ce secteur. Je vais à Fès d'abord pour écouter les artisans».
L'avertissement sous forme de préambule n'occulte pas l'essentiel. Adil Douiri vient tout juste de succéder à l'istiqlalien M'Hamed El Khalifa mais a cerné les maux de l'artisanat. Le diagnostic ministériel tombe : on s'est toujours occupé de l'artisan au lieu de l'artisanat. Il aurait fallu se concentrer sur la demande, le marché, le client. Adil Douiri lâche le mot-clé, presque la panacée : la nécessaire et urgente mise en place de réseaux de distribution de l'artisanat marocain pour le plus grand bénéfice de l'artisan «qui attend au fond de son échoppe que l'offre vienne à lui». Le ministre rêve de produits de l'artisanat d'ici en vente aux galeries Lafayette à Paris, chez Harrods à Londres ou au Cortès Ingles à Madrid.
De El Khalifa à Douiri, l'artisanat est resté dans l'escarcelle de la grande famille de l'Istiqlal mais l'approche est différente. Révolutionnaire presque car rompant avec les politiques ronronnantes et traditionnelles en vigueur jusque-là. Attention, celui qui a fait son primaire à l'école Guessous, à Rabat, avant de rejoindre les bancs du lycée Descartes, ne se place jamais dans la logique de la rupture. Dans le même temps, il est persuadé qu'il n'a pas le droit de prolonger le passé. Il faut sauver l'artisanat, comme le soldat Ryane dans le film.
Il est midi quand nous arrivons dans une Fès caniculaire. Le ministre enfile très vite sa veste et se dirige, au pas de charge, vers le bureau du wali où il est aussi attendu par les élus de la région. Parmi eux, le président de la région Fès-Boulemane, M'Hamed Douiri, qui n'est autre que le père de son fils de ministre, Adil Douiri. Quelques échanges convenus sur le climat, la chaleur et les saisons qui n'existent plus, et il faut rapidement rejoindre la salle de réunion de la wilaya pour rencontrer les professionnels du CRT (centre régional du tourisme) de Fès.
Le discours est rodé, en super VRP, le ministre du tourisme va droit au but. Il évoque la démarche participative, fait le peach sur la vision 2010, tient à lever toute ambiguïté concernant les assises nationales du tourisme et celles régionales à venir et met en exergue l'importance du programme de développement régional. Il dit «PDR» pour programme de développement régional. Comme il dit «négo» pour négociations et «strat'» pour stratégie. Peut-être parce que c'est un homme pressé et qu'il y a tant de choses à faire encore. Pas le temps d'aller jusqu'au bout des mots, les concepts suffisent… Effet d'annonce aussi : l'étude de marketing consacrée à Fès est terminée et le CRT doit obligatoirement être associé au plan de promotion de la ville.
14 heures, c'est l'heure de la réunion avec les artisans. La salle des fêtes de la wilaya est pleine à craquer. La télévision est là, les appareils photos crépitent. Immortaliser cet instant où un haut responsable va à la rencontre d'un corps de métier qui a des bleus partout. Adil Douiri annonce d'emblée qu'il ne lira pas le discours qui lui a été préparé par son cabinet. Il préfère écouter les artisans.
Auparavant, il livre les ambitions qui sont les siennes pour l'artisanat. Le débat est ouvert. Il est exutoire et catharsis pour les artisans. Les doléances se bousculent. Tous veulent prendre la parole, dresser un état des lieux qu'ils disent déplorable. Anarchie, absence de statut, corps inorganisé depuis 1956, un code du travail injuste… Le jeune ministre du tourisme, de l'artisanat et de l'économie sociale récapitule avec un air très “ je vous ai compris ”. D'une phrase, il résume le fond du problème : il s'agit d'imaginer et de mettre en place «le joint entre le producteur, l'acheteur et le marché». Il conclut, politico-démago-techno : «votre réussite, c'est aussi la mienne».
A 17 heures 30, la Peugeot 807 du ministre emprunte la route de Sefrou pour rejoindre la villa d'un parlementaire istiqlalien. C'est là où le militant Douiri doit rencontrer les cadres du parti. Avec une facilité inattendue –mais pourquoi l'image du techno parachuté à l'Istiqlal lui colle-t-elle à la peau ?- le ministre revêt son habit partisan. On s'attend à une figure imposée, un exercice auquel il doit se plier, bon gré mal gré. Non, Adil Douiri aime la politique. Une politique autrement, celle inscrite dans l'action, le terrain, la persuasion, le débat.
Sur le mode de «a star is born», une nouvelle génération de militants serait-elle en train d'éclore ? Abdelhaq Tazi, coordinateur du parti à Fès introduit le meeting auxquels les pontes locaux du plus vieux parti marocain. Il parle d'une coutume toute istiqlalienne, celle qui consiste à voir les ministres du parti, en tournée, expliquer leur action aux militants. M'Hamed Douiri, le père, est là, pas loin du fils.
Il fait très chaud dans le salon aux zelliges et zouacs et Adil Douiri ressemble de plus en plus à un coureur de fond. Il se met debout, prend la parole et dit : «mon objectif est que vous soyez fiers de moi et fiers des ministres qui représentent le parti au gouvernement».
Puis il fonce, expose son programme, met l'accent sur Fès, ses potentialités, la place de la ville dans son action. Les militants questionnent, interrogent, interpellent. Le ministre istiqlalien répond, argumente, rassure. Aux alentours de 20 heures, la réunion partisane prend fin, l'hymne du parti de l'Istiqlal - «Maghribouna, ouatanouna» - est entonné. Le jeune ministre le connaît par cœur. Image très scout de militant donnant de la voix…
«La nuit a été très courte finalement !», s'exclame A. Douiri. Ce mercredi 28 juillet à 8 heures 30 du matin, il est pourtant frais et dispos. Nous sommes sur l'autoroute, vers Casablanca. C'est aujourd'hui que doit être signé l'accord de partenariat avec le Tour operator First Choice. Le ministre des transports et de l'équipement, un autre istiqlalien, fait partie des signataires. Ils s'entendent bien, les deux ministres de la maison Istiqlal. Douiri appelle Ghallab, il doit le récupérer juste après le péage. Trois ou quatre points à voir avec lui.
«C'est le ministre du tourisme qui harcèle le ministre de l'équipement. Faut dire que le remaniement ministériel nous a un peu pénalisés. Avant nous étions assis l'un à côté de l'autre en conseil de gouvernement. Nous pouvions régler plusieurs questions le jeudi matin. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisque nous sommes assis l'un en face de l'autre lors de la réunion hebdomadaire de l'Exécutif. Il faut sans cesse jongler pour trouver le temps de se voir», indique, mi-figue mi–raisin, le ministre du tourisme.
Dans un palace casablancais, signature de la convention, mini-conférence de presse improvisée, séance RP entre café et viennoiseries. A midi, la voiture ministérielle roule vers Rabat. C'est l'heure du retour, du téléphone aussi. Pendant tout le trajet, M. Douiri ne quitte pas son portable. Fait le point des rendez-vous avec son assistante, lui dicte son courrier, prépare les réunions à venir. A 13 heures, le travail continue, dans le bureau du ministre, au cinquième étage.
Pas encore le temps de déjeuner, même sur le pouce. Il lui faut encore préparer l'exposé qu'il doit présenter le lendemain, jeudi 29 juillet, en conseil de gouvernement, avant d'enchaîner sur une réunion interne consacrée à la stratégie de conquête de marches et à laquelle doivent assister entre autres le DG de l'Office du tourisme et la chef cab du ministre. Entre- temps, le téléphone encore. Des collègues ministres qui viennent aux nouvelles. «Peux-tu assurer mon intérim, de telle date à telle date, je pars en vacances ?». Adil Douiri, lui, ne sait pas encore quand il s'en ira pour quelques jours, le temps d'une courte trêve estivale. «Travailler au mois d'août, c'est agréable, on n'est pas interrompus par le téléphone», soupire-t-il.
Ce mercredi 28 juillet, à 16 heures, la journée est loin d'être finie Le ministre du tourisme doit encore tenir séance de travail avec la branche tourisme de la CDT. «Une séance de négo avec les syndicats», explique-t-il. Adil Douiri a l'œil qui brille. La perspective «négo» n'est pas pour lui déplaire. Et si Douiri le techno avait chopé le virus de la politique ?
