Cold Mountain, c'est son Ithaque à lui. Coincé dans une tranchée des troupes sudistes, Inman repense à ses chères montagnes, champs et forêts de Caroline du Nord. Allongé entre les cadavres, quelques minutes avant la «Bataille du Cratère» qui fit 6300 morts en 1864, il contemple encore une fois la photo de sa Pénélope, Ada. Il la connaît à peine. Elle venait d'arriver à Cold Mountain avec son père, un pasteur sudiste. Belle, raffinée, cultivée, elle n'avait pas tardé à lui prendre son cœur d'ouvrier sage, timide mais tenté par l'excitation belliciste ambiante. Juste le temps d'un baiser et l'Histoire les a séparés.
Il est parti à la guerre. Elle est restée à Cold Mountain à l'attendre. Mais soûl de morts et de souffrances, il déserte et traverse la Caroline dans l'autre sens vers ses vertes prairies et sa dulcinée.
Retour à Cold Mountain est le récit en chants parallèles de son retour à lui et de son attente à elle, en marge de la guerre de Sécession. Hormis l'épouvantable bataille du début, filmée avec une précision quasi documentaire dans des grandes volutes expressionnistes de fumée, de boue et de sang, Anthony Minghella a posé sa caméra loin du front, plus près du quotidien des gens ordinaires.
Entre les tirs yankees et les milices qui patrouillent, chaque étape du voyage d'Inman (Jude Law) est marquée par une rencontre A VALEUR INITIATIQUE. Avec d'autres déserteurs, des esclaves noirs en fuite, un pasteur grivois qui a protégé des esclaves, une famille qui survit en dénonçant les déserteurs, une vieille sorcière recluse dans sa forêt avec ses chèvres, ou une jeune mère laissée sans défense avec son bébé après le décès de son mari... Le jeune ouvrier qui fuyait la mort la retrouve partout sur son passage. Il en est marqué à l'âme, inquiet de ne pouvoir retrouver la paix.
De son côté Ada (Nicole Kidman) écrit des lettres enflammées répétant son amour et dissimulant sa misère, sa déchéance progressive, sa solitude angoissante. Elevée comme une intellectuelle privilégiée, elle ne sait rien faire de ses mains et reste bien incapable de subvenir à ses besoins. Jusqu'à ce que Ruby (Rene Zellweger) tombe du ciel. Une fille de la nature, farouche et indépendante qui lui apprend à faire fonctionner sa ferme. Les deux jeunes femmes trouvant chacune en l'autre l'amie secourable et complémentaire.
Souffle épique sur classicisme élégant
Anthony Minghella, réalisateur du Patient anglais, a joué sur deux tableaux. Réalisme d'un part : lumière naturelle, extérieurs semblables à la Caroline du Nord de l'époque (il est allé la traquer jusque dans les Carpates), costumes… Et classicisme d'autre part, au risque de paraître ringard. Il en tire une certaine élégance et un charme désuet. Tout, des paysages aux acteurs, est le reflet de d'une joliesse satinée presque fatigante de beauté.
Sur un rythme non pas pétaradant mais délicieusement alangui : durée du voyage et longueur de l'attente sur des airs de bluegrass et folk music épurés (composés par Gabriel Yared). Mais Anthony Minghella ayant le sens de l'épique, rebondissements, anecdotes légères, et séquence d'émotions se succèdent avec souffle.
Il serait resté très fidèle au roman qu'il adapte, Retour à Cold Mountain de Charles Frazier, vaste fresque romantique lauréate du National Book Award, et inspirée de l'Odyssée de Homère. Elliptique sur la dimension politique du conflit (les personnages se partagent entre bellicistes et pacifistes mais quid de l'esclavage ?), le scénariste a mis l'accent sur la culpabilité et l'expiation des ombres de la guerre civile, et sur les transformations radicales qu'elle a engendré dans les modes de vie et chez les individus.
L'idylle de Inman et Ada en est le reflet : se voyant changer, ils craignent que cela modifie l'image que l'autre garde d'eux et, partant, son amour. Le plus déchirant dans leur relation ne tient ni à leurs différences, ni à leur séparation, mais à ce doute qui s'instaure, dont ils ont conscience et qu'ils affrontent, pour traverser la guerre.
Mélodramatique sans être sirupeuse, leur romance se donne parfois des airs puritains, notamment dans le jeu de Nicole Kidman, magistrale mais un peu raide. En contraste, Rene Zellweger qui, sortie de la délurée Bridget Jones ou de la vaporeuse Roxie de Chicago, insiste un peu trop sur le côté bourru et grimaçant de Ruby mais en tire un personnage attachant. Dans cet opus, digne candidat aux Oscars, un net bémol sur le plaidoyer final en faveur de la famille, comme si Minghella avait soudain cédé aux diktats du marketing, incarnés ici par le charmant minois d'une petite fille rousse.
La palme revient sans conteste à Jude Law, découvert par Minghella dans Le Talentueux M.Ripley et pour la première fois dans un grand rôle. Ulysse malheureux mais renversant.
«Retour à Cold Moutain», film américain de Anthony Minghella avec Jude Law, Nicole Kidman, Renée Zellweger, Natalie Portman, Jack White Plus.
Il est parti à la guerre. Elle est restée à Cold Mountain à l'attendre. Mais soûl de morts et de souffrances, il déserte et traverse la Caroline dans l'autre sens vers ses vertes prairies et sa dulcinée.
Retour à Cold Mountain est le récit en chants parallèles de son retour à lui et de son attente à elle, en marge de la guerre de Sécession. Hormis l'épouvantable bataille du début, filmée avec une précision quasi documentaire dans des grandes volutes expressionnistes de fumée, de boue et de sang, Anthony Minghella a posé sa caméra loin du front, plus près du quotidien des gens ordinaires.
Entre les tirs yankees et les milices qui patrouillent, chaque étape du voyage d'Inman (Jude Law) est marquée par une rencontre A VALEUR INITIATIQUE. Avec d'autres déserteurs, des esclaves noirs en fuite, un pasteur grivois qui a protégé des esclaves, une famille qui survit en dénonçant les déserteurs, une vieille sorcière recluse dans sa forêt avec ses chèvres, ou une jeune mère laissée sans défense avec son bébé après le décès de son mari... Le jeune ouvrier qui fuyait la mort la retrouve partout sur son passage. Il en est marqué à l'âme, inquiet de ne pouvoir retrouver la paix.
De son côté Ada (Nicole Kidman) écrit des lettres enflammées répétant son amour et dissimulant sa misère, sa déchéance progressive, sa solitude angoissante. Elevée comme une intellectuelle privilégiée, elle ne sait rien faire de ses mains et reste bien incapable de subvenir à ses besoins. Jusqu'à ce que Ruby (Rene Zellweger) tombe du ciel. Une fille de la nature, farouche et indépendante qui lui apprend à faire fonctionner sa ferme. Les deux jeunes femmes trouvant chacune en l'autre l'amie secourable et complémentaire.
Souffle épique sur classicisme élégant
Anthony Minghella, réalisateur du Patient anglais, a joué sur deux tableaux. Réalisme d'un part : lumière naturelle, extérieurs semblables à la Caroline du Nord de l'époque (il est allé la traquer jusque dans les Carpates), costumes… Et classicisme d'autre part, au risque de paraître ringard. Il en tire une certaine élégance et un charme désuet. Tout, des paysages aux acteurs, est le reflet de d'une joliesse satinée presque fatigante de beauté.
Sur un rythme non pas pétaradant mais délicieusement alangui : durée du voyage et longueur de l'attente sur des airs de bluegrass et folk music épurés (composés par Gabriel Yared). Mais Anthony Minghella ayant le sens de l'épique, rebondissements, anecdotes légères, et séquence d'émotions se succèdent avec souffle.
Il serait resté très fidèle au roman qu'il adapte, Retour à Cold Mountain de Charles Frazier, vaste fresque romantique lauréate du National Book Award, et inspirée de l'Odyssée de Homère. Elliptique sur la dimension politique du conflit (les personnages se partagent entre bellicistes et pacifistes mais quid de l'esclavage ?), le scénariste a mis l'accent sur la culpabilité et l'expiation des ombres de la guerre civile, et sur les transformations radicales qu'elle a engendré dans les modes de vie et chez les individus.
L'idylle de Inman et Ada en est le reflet : se voyant changer, ils craignent que cela modifie l'image que l'autre garde d'eux et, partant, son amour. Le plus déchirant dans leur relation ne tient ni à leurs différences, ni à leur séparation, mais à ce doute qui s'instaure, dont ils ont conscience et qu'ils affrontent, pour traverser la guerre.
Mélodramatique sans être sirupeuse, leur romance se donne parfois des airs puritains, notamment dans le jeu de Nicole Kidman, magistrale mais un peu raide. En contraste, Rene Zellweger qui, sortie de la délurée Bridget Jones ou de la vaporeuse Roxie de Chicago, insiste un peu trop sur le côté bourru et grimaçant de Ruby mais en tire un personnage attachant. Dans cet opus, digne candidat aux Oscars, un net bémol sur le plaidoyer final en faveur de la famille, comme si Minghella avait soudain cédé aux diktats du marketing, incarnés ici par le charmant minois d'une petite fille rousse.
La palme revient sans conteste à Jude Law, découvert par Minghella dans Le Talentueux M.Ripley et pour la première fois dans un grand rôle. Ulysse malheureux mais renversant.
«Retour à Cold Moutain», film américain de Anthony Minghella avec Jude Law, Nicole Kidman, Renée Zellweger, Natalie Portman, Jack White Plus.
