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Témoignage : Leur révolution, notre révolution

Le peuple algérien frère -et ce n’est pas sous notre plume, un qualificatif circonstanciel- célèbre, aujourd’hui 1er novembre, le cinquantenaire du déclenchement du soulèvement populaire général qui allait le mener, près de huit années plus t

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On comprend que nos voisins considèrent que cette date de l’an 1954 soit considérée comme plus importante même que celle de l’indépendance.
On peut considérer, en effet, que c’est à ce moment-là que les Algériens ont pris définitivement en mains leurs destinées et qu’ils ont décidé de larguer les amarres d’avec le pays d’outre-méditerranée qui les avaient mis sous sujétion.

Certes, il y a eu tout au long de «la nuit coloniale» quelques résistances armées, des révoltes, des séditions et des émeutes qui ont toutes malheureusement tourné court. Mais qui pouvait douter que cette fois-là, c’était la bonne.

Un an auparavant, au Maroc (cet almaghrib alaqsa) un autre événement fondateur avait eu lieu : le rapt par l’autorité du Protectorat du sultan Mohammed V et de sa famille, le 20 août 1953.
Signe annonciateur de l’embrasement de tout le Maghreb alors “ uni ” sous la férule française (et accessoirement pour le Maroc de l’Espagne aussi).

Signe annonciateur sûrement, mais bien plus encore, il a été détonateur qui a précipité le cours des choses non seulement en ce qui concerne l’Algérie, mais aussi pour la Tunisie qui, pour sa part, menait un combat pour sa propre indépendance sous la direction de Habib Bourguiba et de ses camarades nationalistes.

Les vingt deux fondateurs du “ Front de Libération Nationale ” (F.L.N), organisation fédératrice, qui devait de gré ou de force éliminer toutes celles qui formaient la mosaïque du mouvement national algérien, ne se trompaient pas là-dessus lorsqu’ils rédigeaient le premier tract-appel daté du 24 octobre 1954, soit une semaine avant le jour J de l’insurrection armée.

On pouvait y lire : “Peuple algérien, pense à ta situation de colonisé (…) avec le colonialisme, justice, démocratie, égalité ne sont que leurre et duperie (…)
Au coude à coude avec nos frères de l’Est et de l’Ouest qui meurent pour que vivent leurs patries, nous t’appelons à reconquérir ta liberté au prix de ton sang (…).
Cette lutte qu’avait entamée le Maroc bien avant le début des années cinquante, en fait au milieu de la deuxième guerre mondiale, n’a jamais exclu, loin de là, le devoir de solidarité avec les deux autres pays de l’Afrique du Nord “française”, notamment à l’égard de l’Algérie.
Tout cela sans attendre que le Royaume acquiert et retrouve son indépendance. On sait, par exemple, que l’assassinat du leader syndicaliste tunisien, au début de 1952, a donné lieu à un soulèvement urbain à Casablanca qui a été considéré, à juste titre, comme un prodrome de la grande résistance consécutive à l’envoi en exil du Souverain du pays. L’Algérie, qui était plus intimement liée à l’histoire comme au destin du Maroc, a pour sa part eu à bénéficier de cette solidarité jamais démentie.
Tout d’abord, il y eut la bataille d’Isly le 14 août 1844 qui vit la défaite de la Harka face aux troupes françaises qui voulaient dissuader le sultan Moulay Abderrahmane de poursuivre son soutien au moujahid algérien l’émir Abdelkader. Et on comprend qu’aujourd’hui plusieurs artères des villes marocaines (et pas seulement à Oujda) arborent cette dénomination qui est paradoxalement une défaite mais perçue comme une victoire parce qu’elle fut un moment d’intense solidarité.
La confrontation militaire maroco-française ne se passa pas uniquement à Isly dans l’oriental, i y eut aussi le bombardement par les forces navales de Paris, pendant toute la deuxième semaine d’août 1844, des ports de Tanger et d’Essaouira.
Un siècle plus tard, l’aide marocaine au mouvement national algérien –puis à la résistance armée- s’illustra de diverses manières, toujours concrètes et empreintes d’altruisme. Citons tout simplement à titre d’exemple l’épisode fameux du débarquement, en février 1955, à Nador d’un important lot d’armes à destination des guérilleros algériens de l’Oranie. La réception de cet arsenal par des éléments de “l’Armée de Libération Marocaine” se faisait sous le contrôle d’un certain Mohamed Boukarrouba qui se fera appeler bientôt de son nom de guerre Houari Boumédienne – il avait vingt-trois ans.
Le Maroc et l’Algérie étaient tellement en phase que pour le deuxième anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple (20 août 1955), tout le nord-Constantinois se soulevait tandis que des actions sporadiques étaient enregistrées ça et là sur tout le territoire de l’Algérie.
Dans les manifestations d’allégresse et de joie qui marquèrent, quelques mois après ces derniers événements, le retour triomphal du Sultan légitime Sidi Mohammed Ben Youssef, l’Algérie combattante avec son bras armé le F.L.N. ne fut jamais oubliée. Il n’était pas rare de voir les drapeaux vert-blanc mêlés aux couleurs marocaines dans tous les rassemblements populaires qui accueillaient le souverain naguère exilé et revenant triomphant dans sa patrie après une courte étape française.
Tout naturellement, et avant même la signature de l’acte solennel de l’abolition (2 mars 1956) du traité du Protectorat, se mit en place, à tous les niveaux, des mécanismes de solidarité et de soutien à la révolution qui montait en puissance à l’est d’Oujda et que la France occupante n’allait pas tarder à vouloir vainement couper de son sanctuaire marocain en installant une ligne de séparation fortifiée entre les deux pays de Saïdia à Figuig.
Rien n’y fit, le Royaume continua, avec d’énormes difficultés, à se porter au secours des moujahidines algériens logistiquement, politiquement et diplomatiquement, toujours avec constance et détermination.
Et quand il y eut le forfait terroriste, le 22 octobre 1956, du détournement par l’armée française, de l’avion transportant cinq dirigeants du F.L.N. de Rabat à Tunis, ce fut immédiatement une explosion de colère au Maroc. Au Palais Royal, dans la rue et dans les campagnes. Le saccage de l’ambassade de France fut un moment paroxysmique d’une crise grave entre Rabat et Paris, qui ne s’éteignit qu’avec la conclusion des accords d’Evian qui ouvraient la porte à l’occasion du voisin algérien à l’indépendance.
Des études montrent d’ailleurs que les gouvernements marocains qui se succédèrent après 1955, aiguillonnés constamment par les Rois Mohammed V et Hassan II, ne cessèrent de jouer le rôle d’auxiliaires actifs du F.L.N ainsi que du gouvernement provisoire de la République algérienne (G.P.R.A) auprès de Paris notamment après l’accession du général De Gaule au pouvoir, à New York dans l’enceinte de l’ONU et partout ailleurs où l’action du Maroc pouvait avoir quelque efficience.
Parallèlement à ces interventions, le Maroc tout uniment officiellement et officieusement se refusait à traiter directement avec la France du problème de ses frontières de l’est et du cas des provinces de Tindouf, Kenadsa, Touat et autres territoires détachés par l’administration coloniale française du Royaume pour les annexer artificiellement et manu militari à “ l’Algérie française ”.
Cette attitude chevaleresque pleine de noblesse poussa le premier président du G.P.R.A Ferhat Abbs à signer un accord avec le gouvernement marocain (Hassan II), le 6 juillet 1961, qui faisait référence à l’ “ esprit de fraternité et d’unité maghrébines ” pour “ de ce fait, [décider que] le gouvernement provisoire de la République algérienne, [qui] réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines ”.
Ce véritable traité d’intention et de bonne foi devint, malheureusement, un chiffon de papier et pour Ahmed Ben Bella et pour Houari Boumédienne lorsqu’ils accédèrent, par les moyens que l’on sait, à la magistrature suprême. Leurs divers successeurs jusqu’à l’actuel président Abdelaziz Bouteflika ne dérogèrent pas à ce déni. Un premier parjure qui ne sera pas le dernier, puisque le président Houari Boumédienne n’hésitera pas, quelques années plus tard, lorsque l’affaire de la décolonisation du Sahara Occidental entrera dans sa phase ultime, à renier la parole donnée en présence de ses pairs réunis en conclave, de ne s’immiscer en aucune manière dans une affaire qui ne concerne que le Maroc et la Mauritanie. Et uniquement eux deux.
Il n’en fera rien, rien du tout. Bien au contraire, il financera, armera et encadrera un conglomérat de renégats, de desperados et de demi-soldes pour en faire le polisario, fer de lance contre le Maroc. Cela après avoir tenté une malheureuse ingérence militaire directe tout de suite après le départ de l’armée espagnole de l’est du Sahara occidental marocain. Ce furent les deux batailles d’Amgala de triste mémoire en 1975 qui mirent aux prises directement les armées des deux pays. Les F.A.R ramenèrent à l’issue de cette provocation manifeste plus d’une centaine de prisonniers algériens plus seulement une quinzaine d’insurgés considérés comme étant d’origine sahraouie.
Il était douloureux pour les Marocains (Roi, gouvernement, partis et organisation, peuple…) de constater la duplicité des frères et leur quasi-absence de gratitude sinon de mémoire.
Monsieur, M’hamed Boucetta, le membre éminent du présidium du Parti de l’Istiqlal, rapportait récemment, avec amertume au cours d’une conférence consacrée à l’affaire du Sahara marocain, qu’il ne se rappelle que d’une seule et unique réticence à l’unanimisme marocain à propos de l’attitude à l’égard de l’Algérie combattante d’avant l’indépendance. Il a cité le nom du nationaliste Fqih Ghazi qui conseillait, avec lucidité, aux autorités marocaines de régler tous les problèmes pendants entre les deux voisins, avant le détachement définitif de la France de l’Algérie. Car, après cela, il était plus que douteux que cette dernière puisse se prêter de bonne grâce à de quelconques accommodements.
La classe politique de notre pays ne prêta pas oreille à ce cassandre. On ne voulait se souvenir que des moments de fraternité au Caire (le bureau du Maghreb Arabe), à Tanger (la conférence tripartite des organisations politiques maghrébines) et aux autres communions forgées dans un même combat.
J’espère qu’on comprendra, et qu’on pardonnera, l’aigreur qui apparaît sourdre des lignes précédentes. Elle est la conséquence de tellement de désillusions face aux retournements de frères - qu’on avait cru parties de nous-mêmes - sinon siamois, du moins jumeaux.
Aujourd’hui, cinquante ans après le déclenchement héroïque d’un soulèvement national qui s’avèrera être une geste parmi les plus illustres du siècle dernier, devrons-nous continuer encore longtemps à ressasser nos mauvaises humeurs et à nous défier de l’autre nous-mêmes.
Quand viendra après ce cinquantenaire-ci, le cinquantenaire de l’indépendance arrachée par l’Algérie (1962, an 1), serons-nous encore au point mort et nous contenterons-nous de formules rhétoriques creuses comme celles dont use à l’excès un président Abdelaziz Bouteflika, qui jure que jamais plus il n’y aura de guerre (après celle dite des sables de 1963, à l’instigation de l’Algérie, il faut le souligner) entre son pays et le nôtre ?
Nous voulons bien croire, encore une fois, ces douces et pacifiques paroles, tout en l’interrogeant sur la finalité de ce surarmement dont se dote actuellement avec frénisie notre voisine.

Mais qui donc, sauf les esprits foncièrement malhonnêtes, croira le président Bouteflika lorsqu’il affirme sans sourciller qu’«il n’y a aucun problème direct entre le Maroc et l’Algérie» !
Les Nations unies, les grandes puissances dont l’Union européenne et une majorité des Etats d’Afrique disent que, pour en finir avec ce problème du nord-ouest du continent, il faudra bien se résoudre à rechercher une solution politique négociée entre Rabat et Alger.

Depuis toujours, les Rois du Maroc (Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI), appuyés par leur peuple, ne disent pas autre chose et ne proposent qu’un dialogue serein et fraternel entre ces deux entités condamnées à s’entendre,à s’unir et à se fondre tôt ou tard dans ce grand Maghreb historique et en devenir. Sans préjudice toutefois d’une atteinte à l’intégrité territoriale marocaine qui va de Tanger à Lagouira.
Un message à méditer pour Monsieur Abdelaziz Bouteflika : il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Un message à méditer en ce jour de l’anniversaire de leur révolution, que nous avons toujours considérée un peu, beaucoup comme aussi notre révolution .
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