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Une Europe indifférente à 100 jours de son unification historique

Cent jours avant son élargissement à l'Est du continent, l'Europe reste indifférente à une unification pacifique et démocratique, qui efface pourtant définitivement les divisions nées de la Seconde Guerre mondiale.

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"Seule une minorité d'Européens comprend ce que nous avons réalisé ces dix dernières années", regrette Guenter Verheugen, qui a été l'architecte de l'élargissement au sein de la Commission européenne. "On ne peut s'imaginer à quoi ressemblerait l'Europe si nous avions échoué", a-t-il dit à l'AFP, en évoquant les guerres des Balkans et du Caucase.
Signe parmi d'autres du peu d'intérêt de l'actuelle Union européenne: trois de Quinze - Grèce, Luxembourg, Pays-Bas - n'ont toujours pas ratifié le Traité d'adhésion.

Le Traité prévoit l'entrée au 1er mai de dix pays: deux îles méditerranéennes, Chypre et Malte, et huit pays issus de l'ancienne Europe communiste: Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Lituanie, Lettonie et Estonie. C'est le plus important élargissement depuis les débuts de la construction européenne en 1957.

Dans le dernier Eurobaromètre, une enquête d'opinion régulière de la Commission, l'élargissement était soutenu par moins de la moitié de la population (47%) des Quinze et refusé par plus du tiers (36%). En France, le pays de loin le plus hostile, 55% des personnes interrogées étaient contre et 34% pour.
Le scepticisme a été renforcé par les tensions de la difficile année 2003 entre vieille et nouvelle Europe après les positions très pro-américaines des futures membres au moment de la guerre en Irak.

Pourtant, le projet est depuis près de 15 ans sur la table. Au lendemain de l'unification de l'Allemagne en 1990, l'UE a rapidement accepté l'idée d'accueillir les Européens qui avaient passé quatre à cinq décennies sous le joug soviétique. Il s'agissait de stabiliser l'est du continent, au moment où la Yougoslavie se déchirait dans des guerres sanglantes, et de donner à de jeunes démocraties sans expérience des raisons claires d'entreprendre d'énormes réformes. Désireux d'entrer dans un club qui a su jusqu'à présent apporter la prospérité à ses nouveaux membres, les candidats ont réalisé des efforts colossaux pour s'adapter à une économie de marché ouverte et se conformer à des normes sanitaires et environnementales parmi les plus élevées du monde.

Depuis l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'UE entre 1998 et 2000, les pays candidats ont, à marche forcée, transposé dans leur législation nationale les quelque 80.000 pages de règles qui s'imposent aux membres de l'UE.
Dans le même temps, l'Union n'a pas vraiment réussi à réformer des institutions qui n'ont jamais été conçues pour fonctionner à 25. Son projet de Constitution est pour le moment ajourné. Et, alors qu'ils donnent 40 milliards d'euros de subventions par an à leurs agriculteurs, les Quinze ont prévu de débourser seulement une somme nette totale de 27,5 milliards d'euros pour la période 2004-2006 pour l'ensemble des Dix. Néanmoins, dans cent jours, l'Union sera, avec 75 millions d'habitants en plus, un géant démographique de 450 millions d'habitants, une entité seulement dépassée par la Chine et l'Inde.

Dans un premier temps, son poids économique ne sera guère différent, avec seulement un peu moins de 5% de produit intérieur brut en plus. Mais l'intérêt grandissant des investisseurs du monde entier pour une Europe orientale devenue très libérale laisse entrevoir des perspectives de croissance forte.

Les visionnaires d'une Grande Europe politique, militaire et monétaire restent en revanche sur leur faim. "Je ne crois pas que l'Europe des 25 puisse réaliser tous ces objectifs dans les 20 ans qui viennent", juge l'ancien président de la Commission Jacques Delors.
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