Tomber n'est sans doute pas le mot pour décrire ce processus de déchéance physique et mentale que provoque la dépression nerveuse. Labro n'a pas de mots assez justes, assez fort pour qualifier le travail de sape de la personnalité d'un homme, de son intégrité physique et morale, pourrait-on dire, qui se met à l'œuvre sous l'effet de la “chose”. Il en donne une image, celle de la “broyeuse” à préparer cette matière gluante et glauque qu'est le béton.
D'autres qui l'on vécue et qui en ont parlée ont utilisé des noms d'animaux pour la décrire : le boa, le crabe, le rat qui ronge le corps et l'esprit… preuve qu'elle est indéfinissable quand elle étale son emprise ténébreuse et totale sur tous les pores du corps et de l'âmes. Hallucinations, paranoïa, inertie des sens, la tartine de confiture qui n'a pas de goût, la musique dont on ne retient que la nuisance auditive, “ce novembre de l'âme” qui s'ajoute et augmente la douleur lancinante du corps de tout le corps, la poitrine qui se serre dans un étau d'acier, la bouche amer et sèche, l'estomac qui se noue.
Labro raconte tout cela par le menu avec l'éloquence et la sincérité d'un miraculé, d'un condamné à mort gracié et remis en liberté. L'œil neuf, et la joie de la redécouverte de la vie, une seconde chance.
Il raconte depuis le début. Ça a commencé par des réveils répétés et régulier au milieu de la nuit, dans la frayeur, le corps humide et gluant -“je suis en nage” “inondé” de sueur- pour finir dans les labyrinthe ténébreux de l'abîme. Le corps s'affaissent et perd sa consistance de jour en jour, “ une tristesse sèche ”, sans larme l'habite. La perte brutale du désir et de l'énergie, s'ajoute au sentiment de répulsion de tout contact avec le monde extérieur. Le processus d'enfermement sur soi, l'envie de se cloîtrer dans son univers dépressif commence avec son corollaire : la perte d'estime de soi, le sentiment de son inutilité et l'envie d'en finir. Beaucoup ont franchi le pas, Labro relate le cas de deux de ses amis de jeunesse qui se sont donné la mort.
Lui-même, l'idée a effleuré son esprit en ébullition. Par chance, il lui en restait un fond de capacité de résistance, “une volonté résiduelle”, mais surtout une mémoire d'affection et d'amour pour sa famille qui l'ont dissuadé.
Ah, la famille, les amis ! Labro n'a pas assez de mots pour décrire le rôle joué par son proche entourage, un “noyau dur” fait de sa femme et ses deux enfants, son frère et quelques vieux amis, dans son retour à la vie, sa remontée vers la lumière du jour ; pas assez de poésie pour dire sa reconnaissance et encore moins de sarcasme pour narguer la foule des autres qui, au contraire, se dérobe du regard quand il n' éprouvent pas une certaine joie de la souffrance de l'autre : “Le silence s'est fait autour de nous. Sorties, amis, dîners, départs à la campagne en fin de semaine, tout s'annule et se suspend. Quand tout va mal le cercle se rétrécit, et seuls deux ou trois amis, parfois sous l'injonction de ma femme, vont me parler”.
De cette expérience perfide, il en garde un sentiment d'amertume. “Il est foutu”, se plait-on à répéter autour de lui. Pour un homme public, un patron de médias de sa stature, la sentence n'est pas pour l'aider à ressurgir.
C'est sans doute là son grand problème. D'être au sommet de sa carrière, un battant qui sait jouer du coude pour assurer sa gloire.
Que c'est-il donc passé pour qu'il sombre dans la détresse ? Un échec professionnel ? une tragédie familiale? un choc psychologique quelconque ? Rien de tout ça. L'homme est un bon mari, un père affectueux, sa carrière allait prendre du galon, il était choisi pour devenir Président de RTL, il est écrivain au talent reconnu, un cinéaste, bref, sa vie est un fleuve tranquille qui coule sans escarpement ni descente torrentielle.
En fait, lui-même ne sait pas trop ce qui a pu lui arriver, il avance des hypothèses avec la prudence de celui qui ne pensait pas que cela devrait lui arriver: Son euphorie de décrocher enfin la lune en se hissant président mêlée à sa peur de devenir un rond de cuir englouti dans la paperasse et les chiffres. Des sentiments contradictoires, mais sont-elles assez fortes pour terrasser un homme de son expérience? C'est l'hypothèse la plus sérieuse et pourtant peu convaincante. Comme quoi, la science a beaucoup à faire pour lever le mystère. Comme quoi, nulle n'est à l'abri d'une maladie aussi insidieuse, aussi imprévisible. Labro affirme qu'un Français sur cinq font une dépression.
Que dire du livre ? Difficile de dire qu'il est d'une lecture agréable, la détresse humaine, vécue n'est pas source de jouissance. On avance dans un terrain scabreux, ténébreux, on se sent mal à l'aise à sa lecture. C'est que Labro a cette sorte d'éloquence magique à vous mener dans les replis profonds et jusque là inconnu de l'âme, cela faire peur à savoir ce qui se cache derrière quoi, on a presque peur de savoir, de découvrir. La misère de la condition humaine. Sa grandeur aussi.
Tomber sept fois, se relever huit de Philippe Labro
Ed. Albin Michel –240P.
D'autres qui l'on vécue et qui en ont parlée ont utilisé des noms d'animaux pour la décrire : le boa, le crabe, le rat qui ronge le corps et l'esprit… preuve qu'elle est indéfinissable quand elle étale son emprise ténébreuse et totale sur tous les pores du corps et de l'âmes. Hallucinations, paranoïa, inertie des sens, la tartine de confiture qui n'a pas de goût, la musique dont on ne retient que la nuisance auditive, “ce novembre de l'âme” qui s'ajoute et augmente la douleur lancinante du corps de tout le corps, la poitrine qui se serre dans un étau d'acier, la bouche amer et sèche, l'estomac qui se noue.
Labro raconte tout cela par le menu avec l'éloquence et la sincérité d'un miraculé, d'un condamné à mort gracié et remis en liberté. L'œil neuf, et la joie de la redécouverte de la vie, une seconde chance.
Il raconte depuis le début. Ça a commencé par des réveils répétés et régulier au milieu de la nuit, dans la frayeur, le corps humide et gluant -“je suis en nage” “inondé” de sueur- pour finir dans les labyrinthe ténébreux de l'abîme. Le corps s'affaissent et perd sa consistance de jour en jour, “ une tristesse sèche ”, sans larme l'habite. La perte brutale du désir et de l'énergie, s'ajoute au sentiment de répulsion de tout contact avec le monde extérieur. Le processus d'enfermement sur soi, l'envie de se cloîtrer dans son univers dépressif commence avec son corollaire : la perte d'estime de soi, le sentiment de son inutilité et l'envie d'en finir. Beaucoup ont franchi le pas, Labro relate le cas de deux de ses amis de jeunesse qui se sont donné la mort.
Lui-même, l'idée a effleuré son esprit en ébullition. Par chance, il lui en restait un fond de capacité de résistance, “une volonté résiduelle”, mais surtout une mémoire d'affection et d'amour pour sa famille qui l'ont dissuadé.
Ah, la famille, les amis ! Labro n'a pas assez de mots pour décrire le rôle joué par son proche entourage, un “noyau dur” fait de sa femme et ses deux enfants, son frère et quelques vieux amis, dans son retour à la vie, sa remontée vers la lumière du jour ; pas assez de poésie pour dire sa reconnaissance et encore moins de sarcasme pour narguer la foule des autres qui, au contraire, se dérobe du regard quand il n' éprouvent pas une certaine joie de la souffrance de l'autre : “Le silence s'est fait autour de nous. Sorties, amis, dîners, départs à la campagne en fin de semaine, tout s'annule et se suspend. Quand tout va mal le cercle se rétrécit, et seuls deux ou trois amis, parfois sous l'injonction de ma femme, vont me parler”.
De cette expérience perfide, il en garde un sentiment d'amertume. “Il est foutu”, se plait-on à répéter autour de lui. Pour un homme public, un patron de médias de sa stature, la sentence n'est pas pour l'aider à ressurgir.
C'est sans doute là son grand problème. D'être au sommet de sa carrière, un battant qui sait jouer du coude pour assurer sa gloire.
Que c'est-il donc passé pour qu'il sombre dans la détresse ? Un échec professionnel ? une tragédie familiale? un choc psychologique quelconque ? Rien de tout ça. L'homme est un bon mari, un père affectueux, sa carrière allait prendre du galon, il était choisi pour devenir Président de RTL, il est écrivain au talent reconnu, un cinéaste, bref, sa vie est un fleuve tranquille qui coule sans escarpement ni descente torrentielle.
En fait, lui-même ne sait pas trop ce qui a pu lui arriver, il avance des hypothèses avec la prudence de celui qui ne pensait pas que cela devrait lui arriver: Son euphorie de décrocher enfin la lune en se hissant président mêlée à sa peur de devenir un rond de cuir englouti dans la paperasse et les chiffres. Des sentiments contradictoires, mais sont-elles assez fortes pour terrasser un homme de son expérience? C'est l'hypothèse la plus sérieuse et pourtant peu convaincante. Comme quoi, la science a beaucoup à faire pour lever le mystère. Comme quoi, nulle n'est à l'abri d'une maladie aussi insidieuse, aussi imprévisible. Labro affirme qu'un Français sur cinq font une dépression.
Que dire du livre ? Difficile de dire qu'il est d'une lecture agréable, la détresse humaine, vécue n'est pas source de jouissance. On avance dans un terrain scabreux, ténébreux, on se sent mal à l'aise à sa lecture. C'est que Labro a cette sorte d'éloquence magique à vous mener dans les replis profonds et jusque là inconnu de l'âme, cela faire peur à savoir ce qui se cache derrière quoi, on a presque peur de savoir, de découvrir. La misère de la condition humaine. Sa grandeur aussi.
Tomber sept fois, se relever huit de Philippe Labro
Ed. Albin Michel –240P.
