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13,3% de la population marocaine souffrent d'obésité : Grosses ou minces, les diktats des temps modernes

«Après mon deuxième accouchement, je voulais mettre toutes les chances de mon côté et perdre, avant le premier anniversaire de mon fils, tous les kilos accumulés. Je voulais retrouver une silhouette de jeune fille. J'ai donc consulté une diététicienne qui

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Ne pas se laisser aller, être toujours battante est un leitmotiv des temps modernes. Donner une image valorisante de soi est le corollaire de cet état d'esprit. Mais faut-il croire que toutes les Marocaines désirent retrouver un corps mince et ferme? ce n'est pas tout à fait exact. Certaines, et elles sont nombreuses, continuent à croire qu'être bien en chair, tout en rondeur est synonyme de bonne santé. Le critère de beauté «grande, blanche et grosse» n'a pas vieilli d'un iota.


Lorsqu'une femme est mince, on dit d'elle qu'elle est «soit malade, soit affamée ou nerveuse». Les femmes de la campagne ou celles des quartiers populaires y croient fermement. Et si la nature n'a pas été généreuse avec elles côté surcharge pondérale, elles usent et abusent de médicaments censés les aider à acquérir le poids idéal. Une surconsommation de cyproheptadine et de corticoïdes, médicaments indiqués dans le traitement de certaines allergies, et qui ont comme effet secondaire la stimulation de l'appétit ou l'augmentation de poids, est toujours constatée. Une étude menée récemment par Abdelmajid Belaïche, pharmacologue à Casablanca, on peut lire qu'«en 2002, la consommation de médicaments à base de cyproheptadine représentait 7,9 millions de boîtes vendues, soit plus de 150 millions de dirhams [13,69 millions d'euros] de chiffre d'affaires.

Depuis 1991, la consommation a plus que triplé». Un horrible constat, heureusement tempéré par la prise de conscience des jeunes filles qui, dans leur majeure partie, rejettent ces idées préconçues.
Mais quoiqu'il en soit, l'obésité est un problème de santé publique. «Après les maladies infectieuses et les carences alimentaires, le Maroc doit être conscient que son troisième fardeau n'est autre que l'obésité. Cette autre forme de malnutrition, cause de maladies chroniques tels le diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, cancer…, est en progression», soulignait récemment sur nos colonnes Mohamed Rguibi des Laboratoire de physiologie appliquée à l'alimentation et à la nutrition.

Et d'ajouter : «En fait, malgré le peu d'études qui se sont intéressées à l'obésité au Maroc, les informations qui en découlent nous permettent de constater que les prévalences de l'obésité et du surpoids s'accroissent rapidement depuis quelques décennies seulement et elles sont encore plus accentuées en milieu urbain et chez les femmes. La prévalence de la surcharge pondérale est de 51.4% chez les femmes et de 33.7% chez les hommes (DS, 1998/99)…A travers sa prévalence actuelle, considérée alarmante, l'obésité peut représenter dans un avenir proche un véritable problème de santé publique». Le problème de l'obésité est planétaire et ne concerne pas seulement le Maroc.

Selon l'OMS, il existe maintenant 300 millions d'obèses de part le monde. Les enfants ne sont pas épargnés par ce phénomène et les petits marocains reflètent cette prévalence à la surcharge pondérale dès leur plus jeune âge. Ils sont de plus en plus gros et grassouillet.

«Le taux d'obésité a été sous estimé dans notre pays, jusqu'à ce qu'on se retrouve avec des maladies cardiovasculaires graves. Il faut tirer l'alarme à propos de l'obésité de l'enfant. Elle ne fait qu'augmenter. Ce sont les conditions sociales, aussi bien chez les familles riches que pauvres, qui sont responsables de l'obésité infantile. Un enfant obèse devient un adulte obèse. Le simple surpoids deviendra une maladie héréditaire qu'il transmettra dans ses gènes. Un enfant issu de parents obèses a de fortes chances de devenir obèse», s'insurge le Dr El Hassan Tazi qui a fait de ce combat, le sien propre.

Les nutritionnistes qui jettent la pierre au mode de vie et aux nouvelles habitudes alimentaires ne sont pas au bout de leurs peines. Selon une enquête publiée par le ministère de la Santé, 13,3% de la population marocaine souffre d'obésité. Pour le Dr Khlafa, président de la fédération marocaine du diabète, «le surpoids et l'obésité non pris en charge à temps coûtent beaucoup au patient, car en ignorant ces problèmes, il développe des maladies chroniques qui changent radicalement sa qualité de vie, d'où notre devoir civique de sensibiliser la population…». Le constat est malheureusement là.

Trop peu d'études se sont intéressées à l'obésité au Maroc, maladie qui peut se révéler mortelle si elle n'est pas prise en charge.
Le monde arabe préfère les grosses
L'obésité féminine fait des ravages dans les pays arabes, car elle est considérée comme un signe de beauté et de statut social élevé. "J'avais 8 ans et je vivais dans une famille nomade du désert de Mauritanie, quand ma mère a commencé à me gaver. Je devais boire quatre litres de lait le matin, avec du couscous. J'avalais la même chose à l'heure du déjeuner.

A minuit, on me réveillait pour boire quelques pintes de plus, enfin, à 6 heures du matin, on me servait un autre repas avant le petit déjeuner. Si je refusais de manger, ma mère me tordait les orteils jusqu'à ce que la douleur soit insupportable. A force de gavage, je ressemblais à un matelas", se souvient Jihat Mint Ethman, citée par le Wall Street Journal. "Gavage est le mot français que les Mauritaniens utilisent pour qualifier cette pratique, en référence au gavage des oies et des canards dans le sud-ouest de la France", précise le quotidien.

La croyance qu'une femme ronde est une épouse plus désirable explique pourquoi, du golfe Persique aux confins du Sahara, la moitié de la population féminine est obèse.

Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, implanté à Atlanta, 83 % des femmes de Bahreïn souffrent de surpoids ou d'obésité, elles sont 75 % au Liban, 74 % dans les Emirats Arabes Unis, 51 % environ au Maroc et en Tunisie. En comparaison, elles sont 62 % aux Etats-Unis, le pays occidental le plus touché. Et le phénomène prend de l'ampleur dans nombre de pays du Moyen-Orient. Grâce au pétrole, à l'élévation du niveau de vie, de plus en plus d'enfants en sont atteints. De nouvelles conditions de vie entraînent une importante consommation de graisses, de sucre et d'aliments industriels, et une sédentarisation dans les villes, où les femmes, confinées chez elles, ne font pas d'exercice physique.

Dans les pays qui n'ont pas la manne du pétrole, tels que la Mauritanie, c'est la tradition qui l'emporte. Ce pays est en effet aujourd'hui le seul à continuer la pratique du gavage des filles. Dans cette région extrêmement pauvre où la nourriture manque, une femme volumineuse est synonyme de richesse, elle est en outre supposée mettre au monde des enfants en bonne santé. "Le gavage est aussi utilisé pour marier les filles le plus vite possible. En grossissant, elles paraissent plus vieilles et donc bonnes à marier", explique Charlotte Abaka, une avocate ghanéenne spécialisée dans la défense des droits des femmes.
Source : courrier international
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