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Billet : les Arabes et la pédagogie de George Bush

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Un impressionnant défilé de plus de 1 million de personnes descendues hier dans les rues de Beyrouth pour réclamer « la vérité sur l'assassinat de Hariri» et encore une fois le retrait des troupes syriennes, un processus démocratique laborieux mais quasi assuré d'atteindre ses objectifs en Irak, des frémissements fragiles mais prometteurs d'ouverture politique en Arabie saoudite, une transition en douce en Palestine qui autorise toutes les promesses, idem en Libye, à Koweit…

Décidément, à moins que l'on se résolve à cette maxime pessimiste que «l'hirondelle ne fait pas le printemps », les espérances démocratiques semblent bourgeonner ici et là dans ce monde arabe, pourtant il y a peu encore verrouillé sous une chape de plomb.

Dans cette Syrie même qu'aujourd'hui quelques boutefeux s'ingénient à clouer au pilori, la transition a d'ores et déjà porté ses marques, ne serait-ce que parce qu'elle s'est déroulée dans le calme.

Non qu'il faille aller vite en besogne, mais le monde arabe, inégalement certes, indubitablement aussi amorce un tournant politique majeur depuis quelques mois, dont le mérite revient en grande partie - il ne faut pas l'oublier – à l'engagement irréversible des Etats-Unis de promouvoir la culture démocratique dans cette région. L'édification d'un Grand Moyen Orient, proclamé par George W. Bush, constitue naturellement le socle d'un vaste dessein qui englobe tout l'arc-en-ciel allant de l'Afghanistan au Maroc.

Tout porte à croire, en effet, que le second mandat du président américain sera marqué en partie la mise en œuvre de ce projet auquel finiront, leadership oblige, par adhérer la majorité des Etats arabo-musulmans. Au sein même des sociétés arabes, on déplore évidemment l'absence de débat sur ce thème, les intellectuels, les responsables et l'opinion publique demeurant tous impavides à la limite timorés face aux ingrédients de changements qui ont tout l'air de tomber de l'extérieur, qu'ils subissent peu ou prou et dont les principaux ressorts risquent de leur échapper.

George W. Bush, par lequel le changement annoncé arrivera, a d'ores et déjà annoncé la couleur, et l'Europe – faute de lui emboîter le pas ou de le précéder – applaudit à tout rompre : il veut encourager le pluralisme politique et économique, promouvoir les droits de l'Homme et l'économie de marché, assurer un meilleur rôle aux sociétés civiles. Il conçoit même, à plus ou moins long terme, la mise en place de partenariats avec les pays de ce Grand Moyen Orient qui implique également, dans la même vision américaine, les pays d'Afrique du Nord.

L'objectif étant fixé, les moyens envisagés, il s'est attelé cependant à peaufiner un discours idoine sur les éventuelles embûches de ce vaste rêve. La question palestinienne trouve désormais grâce à ses yeux, ainsi qu'à ceux de Condoleezza Rice , secrétaire d'Etat qui, aussitôt désignée et acceptée par le Congrès, a pris son bâton de pèlerin du 3 au 10 février dernier, pour le Moyen Orient et l'Europe, deux pôles de la politique étrangère américaine.

A la faveur de la conférence, réunie les 1er et 2 mars à Londres, sur la Palestine, elle a simplement dit ce que beaucoup attendaient des années durant de la bouche d'un haut responsable américain et qui s'apparentait à un rêve brisé : l'impératif de créer un Etat palestinien indépendant. «

Je souhaite, a-t-elle affirmé dans son discours d'ouverture, l'avènement d'un Etat palestinien réellement viable », soulignant «qu'un Etat constitué de territoires éparpillés ne marchera pas » ! Traduisant avec une fidélité sans faille la pensée et les orientations du président Bush, Mme Rice a même lancé un appel «aux membres du Quartet ( ONU, Etats-Unis, Russie et Union européenne) et à l'ensemble de la communauté internationale pour aider l'Autorité palestinienne à développer sa capacité de fournir des services essentiels tels que l'éducation et des soins médicaux à ses citoyens ».

L'appel à assistance est d'abord une manière de légitimer l'Autorité et les paramètres invoqués sont ceux-là mêmes que George Bush place au devant de son programme de « pédagogie démocratique » proposé à un monde arabe plus que jamais démantibulé par l'affaire irakienne, choqué par la crise syro-libanaise et voué à une rédhibitoire alternative : se réformer ou disparaître !

Ce n'est pas afficher tant une originalité que de nuancer le propos, en soulignant que ce même monde arabo-musulman est différencié, en termes de systèmes et de parcours dans le temps, d'un Etat à l'autre. Ensuite que la démocratie, au Maroc, en Tunisie, à quelques nuances en Algérie , en Jordanie et au Liban, n'a pas attendu les proclamations vertueuses de George Bush pour affirmer son identité.
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