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Calligraphie, miniatures : Les splendeurs de l'Islam

Ce que la civilisation de l'Islam a su faire, et qu'aucune autre civilisation n'a pu réaliser, c'est que de la grande multiplicité des peuples qui la composent, elle a pu créer une synthèse formidable autour de l'immense parole divine. Et tout ce qui a ét

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De la vallée de l'Indus à l'Andalousie, la civilisation de l'Islam s'étire. Et depuis quinze siècles, elle a créé les éléments sensibles de cette unité d'abord spirituelle. L'Islam politique, celui des premières dynasties, des Omeyyades et des Abbassides, n'a fait que tracer les contours d'un Islam plus profond et plus pérenne, celui mobilisé autour d'une spiritualité, toujours intense. Etudier aujourd'hui l'art islamique relève au même temps de l'histoire et de la critique d'art, car pour chaque objet, il nous faut chercher sa généalogie depuis des siècles, et aussi jeter un regard sur son actuelle production. Un effort de zoom que seul, peut-être les civilisations de la Chine et de l'Inde aussi, l'art islamique impose.

Ainsi sur le chapitre des mosquées, comment tracer cette ligne nécessaire de la Mosquée Al-Aqsa à la Grande-Mosquée Hassan II, pour mesurer à la fois la pérennité des structures et les variations de styles?
Mais au-delà de ces problèmes de méthodes, ce qui fait unité, malgré cet aspect éparpillé de l'art musulman, c'est le caractère centrifuge de la parole sacrée écrite. Elle aimante et satellise tout ce • que le génie musulman empruntera d'abord aux civilisations plus anciennes, et développera par sa capacité unique de synthèse, celle de faire coïncider dans des concomitances absolument nouvelles entre des esthétiques et des manières de faire qui s'ignoraient jusque-là.

Aidé par son aspect abstrait, tout l'art islamique est d'abord et surtout d'embellissement pour la parole miracle du Coran. La question posée à l'artiste musulman, et chaque civilisation pose la sienne à ses propres artistes, est : Comment rendre au contenu incommensurable de chaque mot, la majesté qu'il exige ? Tous les arts, du plus important au plus mineur, auront à apporter la preuve de leur dignité à se mesurer à ce défi.

La calligraphie est le premier des arts de l'Islam, parce qu'elle porte d'évidence la chaire de la parole sacrée. Elle prend par là une réalité monumentale, qui se distingue de toutes les écritures de toutes les autres civilisations. Le mot calligraphié est reproduit en mosaïque, en peinture, taillé dans la pierre, ciselé dans le stuc, assemblé avec des carreaux de céramique, sculpté dans le bois, gravé dans le cuivre, tissé dans la soie. Le premier exemple de décor épigraphique a été exécuté au Dôme du Rocher en 685-691.

Et le premier calligraphe réputé fut Khalid Ibn Abou Al-Sayyaj. La calligraphie n'est pas une simple écriture, c'est-à-dire, elle ne donne pas une simple signification mais bien plus. Elle est une création d'un sublime de l'ordre de l'humain pour porter, comme une charge pesante et écrasante, la puissance d'un propos lourd de conséquences. Le Koufique, d'ailleurs, n'est pas transcription, il est art ; pour copier il y a le Naskhi. Le caractère du Koufique épouse parfaitement la monumentalité de l'architecture, et il est en parfaite harmonie dans les décorations géométriques ou florales.

Dans l'architecture, ce qui est évidemment le plus important c'est comment les matériaux sont assujettis pour faire décor autour des inscriptions épigraphiques. Tout l'espace de la mosquée, le bâtiment le plus important de l'architecture islamique, est agencé à partir du Mihrab, le lieu le plus sanctifié, car c'est• là où la résonance de la prière est la plus grande. Il est surtout le plus richement décoré. La calligraphie et l'architecture sont les deux arts majeurs de l'Islam. Ils constituent aussi le point de départ, et celui d'arrivée pour tous les autres.
La céramique offre, entre ces deux termes de l'art islamique, un moyen idéal pour à la fois porter la calligraphie et son décor, et intégrer comme matériau les décorations splendides des mosquées.

Et sur l'aire de la civilisation islamique c'est en Iran où les carreaux de céramique ont recouvert toutes les surfaces des murs, dans cette logique assez partagée de “l'honneur du vide”. Le revêtement en céramique devient une sorte d'habit pour les bâtiments, richement décoré.

Les métaux aussi seront les surfaces d'un travail d'inscription et de décoration, de même pour le bois. Le verre émaillé et les tissus seront assujettis, aussi, à cette logique du support. La calligraphie, des dessins et parfois des images d'animaux apparaissent, sur les surfaces et chaque artisan aura à travailler son matériau pour le domestique à cet usage de surface, pour d'abord une écriture à laquelle seront, comme enroulées, les figures d'accompagnement.
La miniature est un chapitre à part dans la grande création des arts islamiques. D'abord, elle est restreinte à quelques pays, principalement l'Iran et la Turquie.

Nous pensons, d'abord, qu'un partage s'est fait entre l'enluminure et la miniature, pour occuper le support le plus pratique pour l'écriture, celui en papier. D'un côté, dans les pays où la langue arabe était d'usage quotidien, l'enluminure ne faisait, dans la logique générale d'une décoration autour des mots, que suivre les autres arts cités. Mais dans les deux pays, où la langue arabe est celle uniquement du culte, l'image apportait l'évidence et la spontanéité d'une compréhension.

A cela il faut ajouter que dans ces deux pays une vieille tradition iconographique a su survivre à l'abstraction générale de la civilisation islamique. Les trois grandes écoles de peinture en Iran se succèdent sans interruption du XIIIème siècle à la fin du XVIIIème. Cela a commencé dans cet esprit de filiation entre Mongols de ce pays et leurs cousins envahisseurs de la Chine. Les images peintes, et souvent signées, représentent des faits religieux.

Et au Maroc, jusqu'à aujourd'hui circulent, sur les places, des dérivées de cet esprit d'illustration. Et tous nous connaissons l'image de “Sidna Ali et Ras al-Ghoul”. Mais la miniature reste malgré tout un art mineur. Les splendeurs de l'Islam sont un immense geste de reconnaissance par les hommes de cette civilisation à la grandeur de leur spiritualité. Qu'il en soit ainsi pour toujours!...
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