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Enseignement du tamazight en Algérie : Entre espoir et faux fuyant

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Loin du discours officiel pompeux, les données du terrain et les chiffres renseignent de la frilosité et de la tergiversation des responsables dans le traitement de la question de l'enseignement de la langue amazighe en Algérie, depuis son introduction dans le système éducatif en octobre 1995. Les sempiternels problèmes auxquels font face les enseignants et l'enseignement de cette discipline sont symptomatiques de cette révoltante réalité. Etat des lieux.
Généralisation, dites-vous ?

Suite à la signature des fameux accords du 22 avril 1995 entre une partie du Mouvement culturel berbère (MCB), qui sont venus mettre fin à une année de boycott scolaire en Kabylie, la langue amazighe est officiellement introduite dans le système éducatif algérien. 233 enseignants sont alors chargés d'assurer ce cours à 37 690 élèves de 16 départements du pays. Les départements de Kabylie auront naturellement la part du lion : Tizi Ouzou avec 81 enseignants (13 440 élèves), Bgayet avec 48 enseignants (7 941 élèves et enfin Tubiret avec 28 enseignants (14 334 élèves).

Selon les chiffres donnés par la revue n°6 du Haut commissariat à l'Amazighité (HCA), ce chiffre ont chuté pendant l'année scolaire 2001/2002. L'enseignement de tamazight ne sera effectif pendant cette année que dans 10 départements, le nombre d'enseignants de cette langue chutera à 217 et paradoxalement le nombre d'élèves qui suivent le cours de tamazight augmentera à 69 000 ! Compte tenu du caractère optionnel de l'enseignement de tamazight, la diminution du nombre d'enseignants et l'augmentation du nombre d'élèves étudiant cette discipline expliquent l'adhésion massive et spontanée de ces derniers à étudier leur langue maternelle.

La pression, le chantage et les entraves bureaucratiques ont fini par avoir raison de certains enseignants, notamment en dehors de la Kabylie, qui ont dû remettre le tablier. Les toutes dernières informations communiquées par le ministre de l'éducation nationale (MEN), font état du maintien du caractère facultatif de l'enseignement de tamazight, bien que sur le terrain cette discipline est " obligatoire " pour tous les apprenants des régions de Kabylie.

Toujours selon le MEN, suivront le programme de langue amazighe cette année, 95000 élèves au primaire, 80000 au niveau du moyen et 1500 dans les lycées. L'écrasante majorité, soit plus de 90 %, sont concentrés en Kabylie.
Le nombre d'enseignants est de seulement 347 au niveau national.

Le MEN promet de créer de nouveaux postes budgétaires pour l'enseignement de tamazight, mais jusqu'à l'heure actuelle ce ne sont que des paroles en l'air, sachant que le nombre de postes ne suffit même pas pour recruter les quelques licenciés formés chaque année dans les instituts de langue et de culture amazighes (ILCA) ! Signalons par ailleurs que dans le département de Bgayet, pour ne citer que lui, il n'y a jusqu'à présent pas d'inspecteur pédagogique pour tamazight. Ce sont deux enseignants de cette langue qui font cette fonction. Leur confirmation en tant qu'inspecteurs et la création de nouveau postes est présentement une exigence, notamment avec l'introduction de cette matière au primaire.

Tamazight en trois alphabets !
En 1998, l'institut national de la recherche en éducation (INRE) a édité un manuel scolaire de tamazight qui a été rejeté par l'ensemble des enseignants de tamazight, à cause de la multitude de graphies utilisées (latin, arabe et tifinagh) et du contenu qui ne répond guère aux attentes de l'enseignement d'une langue maternelle. De plus, ce livre censé apprendre aux élèves à écrire correctement est truffé d'erreurs ! Ce soi-disant manuel a fait l'objet d'une avalanche de critiques virulentes de la part des spécialistes tant linguistes que pédagogues.
Si les contenus des manuels qui sont édités par la suite ont enregistré une nette amélioration, la question de la graphie demeure toujours comme pomme de discorde entre les enseignants de la langue de Mammeri et leur tutelle.

La question est éminemment politique, disent certains. A ce titre, les enseignants sont catégoriques : la question du choix scriptural est absolument tranchée pour nous, les responsables n'ont qu'à adopter tamazight comme elle se présente : il est hors de question de sacrifier, pour les beaux yeux de certains misonéistes détracteurs de l'amazighité, les avancées précieuses réalisées par la recherche universitaire dans le domaine de l'aménagement linguistique ". Il est important de souligner que la quasi totalité de la production en tamazight se fait dans la graphie latine. L'enseignement de cette matière se fait également dans cette graphie. Précisons qu'en raison de sa transcription en trois alphabet, le manuel de tamazight est trop volumineux et coûte, par conséquent, plus cher que les manuels des autres matières.

A propos de Tamazight au primaire

La nouveauté pour cette année scolaire, c'est l'introduction des programmes de la langue amazighe dès la 4e année primaire. Qui d'entre nous n'a pas rêvé que tamazight soit enseignée aux enfants en Algérie ? Toutefois, à entendre les premiers concernés, à savoir les enseignants de cette langue, il y a de quoi rester pantois.

En effet, au niveau du département de Bgayet, 9 profs seulement (30 autres postes seront ouverts, apprend-on ) sont chargés d'assurer ce cours au primaire et chacun est appelé à exercer dans plusieurs écoles, éloignées les unes des autres, ce qui leur complique la tâche. De plus, parmi ces neuf profs, trois seraient dans les jours à venir promus en Pef et devraient rejoindre les collèges d'enseignement moyen (CEM) et ce, selon les dispositions de l'article 65 bis 2 du décret exécutif n° 05 – 168 du 07 mai 2005 ( publié dans journal officiel n°33) qui octroient cette possibilité aux MEF tamazight titulaires d'un Bac + 3 ou TS, et d'une attestation de qualification en tamazight qui correpond au diplôme de " tanaga " remis par la HCA aux pionniers de l'enseignement de tamazight lors du stage de l'été 1995 à Ben Aknoune (Alger).

Quant à la généralisation de l'enseignement de tamazight aux écoles primaires qui seraient cinq fois plus nombreuses que les collèges et lycées, à ce rythme, il faudrait attendre une éternité…

Le caractère optionnel

Le MEN a décidé d'introduire le programme de la langue amazighe dès la quatrième année primaire à titre facultatif. La réponse des parents d'élèves de Kabylie ne s'est pas faite attendre. Ils ont rejeté catégoriquement le caractère optionnel et ont pour l'écrasante majorité répondu favorablement pour enseigner tamazight à leur enfants !
Suite à quoi, cette décision (tamazight optionnel en primaire) a été tout bonnement retirée dans les départements de Kabylie.

Enfin, le ministre de l'éducation a déclaré dernièrement envisager d'introduire la langue amazighe aux examens nationaux (Bac et du Bef) mais toujours à titre optionnel. Toutefois, sachant qu'elle est faite à l'approche d'élections dont la participation kabyle est déterminante, une telle déclaration n'est pas à prendre trop au sérieux tant qu'elle n'est pas suivi de faits. Une fois que le rendez-vous est passé : ruh ay Aarav ar tafsut ! (aux calendes grecques !).
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