Vous parlez de votre livre sur Hubert Lyautey comme d'un coup de cœur. Comment est né ce coup de cœur ?
Le personnage m'intéressait depuis longtemps. C'est un personnage qui occupe une place importante dans l'histoire de France. J'en ai beaucoup entendu parler par mon père qui, dans sa jeunesse, a été officier au Maroc. En plus, j'ai une photo chez moi qui avait été dédicacée par le Maréchal à mon arrière grand-père, qui avait travaillé avec lui après la guerre de 1914. C'est une très belle photo où on voit Lyautey en grande tenue de Maréchal, tenant une cigarette à la main. Ce contraste et ces gestes un peu décontractés intriguent. Lyautey est un personnage très important, plein de contraste.
Beaucoup ont écrit sur Lyautey, pensez-vous qu'il y avait encore de place pour un livre sur le Maréchal ?
Je pense, en effet, qu'il y avait encore de la place pour un livre sur le Maréchal. Parce qu'il y a énormément de choses et d'archives notamment qui n'ont pas été exploités. Lyautey a laissé beaucoup de lettres et de documents. Il y a des fonds privés en France et dans le monde avec des lettres du Maréchal qui sont inexploités. Des lettres très belles, écrites avec beaucoup de talent et de finesse. Je pense aussi que, curieusement, certains aspects du personnage n'ont pas été suffisamment étudiés. Les livres ont peut-être tendance, souvent, à se répéter sur les mêmes sujets. J'ai essayé, dans mon livre, de retracer le personnage dans son enfance. Mon livre parle beaucoup du Maroc, mais pas seulement. J'ai essayé aussi d'éclairer Lyautey avant Lyautey et après Lyautey. C'est à dire l'héritage, ou la marque q'il a pu laisser après son départ du Maroc ou après sa mort.
Le Maréchal Lyautey a fortement marqué l'histoire du Maroc, du fait qu'il était le premier résident général français dans le pays. Les écrits, d'ailleurs, très nombreux relèvent cette histoire uniquement sous son aspect positif. La seule critique faite à ce niveau, souligne qu'en faisant le Maroc moderne, Lyautey faisaient surtout les intérêts de la France. Quelle est votre relecture personnelle de cette partie de l'histoire ?
Je crois que l'un n'empêchait pas l'autre. J'ai beaucoup relu ce qu'a écrit Lyautey (pas seulement dans des discours, mais dans des textes et des rapports officiels quelques fois très énergiques qui déplaisaient au gouvernement) et une chose m'a frappé. Lyautey avait évidemment le sentiment de faire les intérêts de la France, parce qu'il était très attaché à la grandeur du pays, mais en même temps il était attaché très sincèrement au Maroc. Il y a des preuves très explicites à ce sujet, notamment lorsqu'il a dit et écrit cet attachement. Il y a également une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que Lyautey a espéré être enterré au Maroc.
Son corps a d'ailleurs effectivement été acheminé au Maroc en 1934 où il a été enterré à Rabat avant que sa sépulture ne soit transférée une seconde fois aux invalides en 1961
Son testament disait qu'il souhaitait être en France et il l'a été.
Dans sa carrière Lyautey a servi en Algérie et à Madagascar, notamment. Qu'et-ce qui explique cet attachement particulier pour le Maroc ?
Je pense qu'il aimait beaucoup la terre marocaine comme pays et paysage. Il aimait la chaleur, le soleil et la splendeur du paysage. Il avait aussi un attachement pour la culture marocaine et pour le sens de la tradition. Lyautey était un homme très attaché à l'histoire, aux traditions, au rôle des élites et de la culture. Il était, à mon avis, très frappé de trouver au Maroc ce qu'il n'avait pas trouvé nécessairement ailleurs, ou du moins pas dans les mêmes proportions, à savoir la force d'une civilisation, la stabilité et la civilité d'un peuple. Il en avait été très impressionné.
Dans votre démarche, on note celle du passionné pour l'homme, mais, n'y a-t-il pas une seule critique à relever dans l'œuvre du Maréchal au Maroc?
Lyautey est resté au Maroc de 1912 à 1925. On lui a beaucoup reproché, après la guerre, d'avoir évolué vers trop d'autoritarisme. Curieusement, d'ailleurs, le reproche émane moins des milieux marocains que des milieux colons, notamment d'Algérie. On l'accusait de ne pas défendre suffisamment les intérêts des colons. Il y avait des attaques contre lui dans la presse de l'époque en Algérie qui stigmatisait son " indigènofolie ". Ce qui veut dire qu'il défendait trop systématiquement les intérêts des Marocains par rapports aux colons.
On lui reprochait donc essentiellement d'avoir évolué vers trop d'autoritarisme. Lui-même s'en est rendu compte, tout simplement parce que la machine politique et administrative qu'il avait contribué à développer au Maroc et qui était très importante pour la stabilité de la région pendant la guerre de 1914 avait fini par prendre une vie propre. Lyautey était très critique vis-à-vis de l'évolution du Maroc, puisqu'il a, dans une note célèbre qui date de 1920 et qu'on a appelée "la note du coup de barre ", souligné que le protectorat n'évoluait pas comme il le souhaitait et ne faisait pas place à la formation et au développement des élites du pays.
Lyautey avait compris lui-même les insuffisance de l'œuvre du protectorat, parce qu'il sentait que les choses lui échappaient un peu. Puis, il est parti tôt. Il y avait des choses qu'il avait lancées dans le domaine de l'enseignement et qu'il n'a pas pu poussé jusqu'à leur terme et que ses successeurs n'ont peut-être pas eu, tous, cette compréhension exceptionnelle qu'il avait de la civilisation marocaine.
S'il y avait eu une autre personne désignée comme premier résident général du Maroc, par exemple le Maréchal Pétain, le protectorat au Maroc aurait-il eu le même visage ?
Pétain n'avait pas le même caractère que Lyautey. C'était un militaire plus classique, très obéissant vis sa hiérarchie. Paradoxalement, lorsqu'on pense à son destin ultérieur, on voit quelqu'un qui était très soumis à l'autorité politique, avec plus d'esprit de discipline que Lyautey et donc moins d'originalité, d'intelligence et de culture dans la conception des choses. Il y a un dialogue qu'on raconte souvent entre Pétain et Lyautey. Pétain disant à Lyautey : " vous voyez, je suis devenu Maréchal parce que j'ai toujours obéi ". Lyautey lui aurait répondu : " voyez, moi je suis devenu Maréchal parce que j'ai toujours désobéi ". Je crois que la différence entre les deux hommes se situe bien au niveau du tempérament. L'un était très énergique, l'autre était assez conventionnel.
S'il y avait un dernier message à retenir de votre livre, lequel serait ?
Par toutes sortes de signes et marques qu'il a essayé d'exprimer de manière très forte, Lyautey avait un très profond respect du Maroc, de son peuple, de sa culture et de sa civilisation. Il l'a toujours marqué, y compris dans l'urbanisme, dans la protection des sites, dans la restauration des monuments et dans le respect de la religion musulmane. Il a toujours voulu, également, marquer par rapport aux marocains son propre attachement à sa culture catholique et française.
Le message de Lyautey, qui me paraît d'une grande actualité, c'est lorsqu'il disait qu'il respectait les marocains et souhaitait que ces derniers respectent la France. Il disait qu'il fallait se respecter soi même pour pouvoir respecter les autres. Respecter sa culture et sa religion pour respecter la culture et la religion des autres. Dans un monde où l'on parle beaucoup du nivellement de la mondialisation et du dialogue entre les cultures, c'est un message qui n'a rien perdu de son actualité.
Le personnage m'intéressait depuis longtemps. C'est un personnage qui occupe une place importante dans l'histoire de France. J'en ai beaucoup entendu parler par mon père qui, dans sa jeunesse, a été officier au Maroc. En plus, j'ai une photo chez moi qui avait été dédicacée par le Maréchal à mon arrière grand-père, qui avait travaillé avec lui après la guerre de 1914. C'est une très belle photo où on voit Lyautey en grande tenue de Maréchal, tenant une cigarette à la main. Ce contraste et ces gestes un peu décontractés intriguent. Lyautey est un personnage très important, plein de contraste.
Beaucoup ont écrit sur Lyautey, pensez-vous qu'il y avait encore de place pour un livre sur le Maréchal ?
Je pense, en effet, qu'il y avait encore de la place pour un livre sur le Maréchal. Parce qu'il y a énormément de choses et d'archives notamment qui n'ont pas été exploités. Lyautey a laissé beaucoup de lettres et de documents. Il y a des fonds privés en France et dans le monde avec des lettres du Maréchal qui sont inexploités. Des lettres très belles, écrites avec beaucoup de talent et de finesse. Je pense aussi que, curieusement, certains aspects du personnage n'ont pas été suffisamment étudiés. Les livres ont peut-être tendance, souvent, à se répéter sur les mêmes sujets. J'ai essayé, dans mon livre, de retracer le personnage dans son enfance. Mon livre parle beaucoup du Maroc, mais pas seulement. J'ai essayé aussi d'éclairer Lyautey avant Lyautey et après Lyautey. C'est à dire l'héritage, ou la marque q'il a pu laisser après son départ du Maroc ou après sa mort.
Le Maréchal Lyautey a fortement marqué l'histoire du Maroc, du fait qu'il était le premier résident général français dans le pays. Les écrits, d'ailleurs, très nombreux relèvent cette histoire uniquement sous son aspect positif. La seule critique faite à ce niveau, souligne qu'en faisant le Maroc moderne, Lyautey faisaient surtout les intérêts de la France. Quelle est votre relecture personnelle de cette partie de l'histoire ?
Je crois que l'un n'empêchait pas l'autre. J'ai beaucoup relu ce qu'a écrit Lyautey (pas seulement dans des discours, mais dans des textes et des rapports officiels quelques fois très énergiques qui déplaisaient au gouvernement) et une chose m'a frappé. Lyautey avait évidemment le sentiment de faire les intérêts de la France, parce qu'il était très attaché à la grandeur du pays, mais en même temps il était attaché très sincèrement au Maroc. Il y a des preuves très explicites à ce sujet, notamment lorsqu'il a dit et écrit cet attachement. Il y a également une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que Lyautey a espéré être enterré au Maroc.
Son corps a d'ailleurs effectivement été acheminé au Maroc en 1934 où il a été enterré à Rabat avant que sa sépulture ne soit transférée une seconde fois aux invalides en 1961
Son testament disait qu'il souhaitait être en France et il l'a été.
Dans sa carrière Lyautey a servi en Algérie et à Madagascar, notamment. Qu'et-ce qui explique cet attachement particulier pour le Maroc ?
Je pense qu'il aimait beaucoup la terre marocaine comme pays et paysage. Il aimait la chaleur, le soleil et la splendeur du paysage. Il avait aussi un attachement pour la culture marocaine et pour le sens de la tradition. Lyautey était un homme très attaché à l'histoire, aux traditions, au rôle des élites et de la culture. Il était, à mon avis, très frappé de trouver au Maroc ce qu'il n'avait pas trouvé nécessairement ailleurs, ou du moins pas dans les mêmes proportions, à savoir la force d'une civilisation, la stabilité et la civilité d'un peuple. Il en avait été très impressionné.
Dans votre démarche, on note celle du passionné pour l'homme, mais, n'y a-t-il pas une seule critique à relever dans l'œuvre du Maréchal au Maroc?
Lyautey est resté au Maroc de 1912 à 1925. On lui a beaucoup reproché, après la guerre, d'avoir évolué vers trop d'autoritarisme. Curieusement, d'ailleurs, le reproche émane moins des milieux marocains que des milieux colons, notamment d'Algérie. On l'accusait de ne pas défendre suffisamment les intérêts des colons. Il y avait des attaques contre lui dans la presse de l'époque en Algérie qui stigmatisait son " indigènofolie ". Ce qui veut dire qu'il défendait trop systématiquement les intérêts des Marocains par rapports aux colons.
On lui reprochait donc essentiellement d'avoir évolué vers trop d'autoritarisme. Lui-même s'en est rendu compte, tout simplement parce que la machine politique et administrative qu'il avait contribué à développer au Maroc et qui était très importante pour la stabilité de la région pendant la guerre de 1914 avait fini par prendre une vie propre. Lyautey était très critique vis-à-vis de l'évolution du Maroc, puisqu'il a, dans une note célèbre qui date de 1920 et qu'on a appelée "la note du coup de barre ", souligné que le protectorat n'évoluait pas comme il le souhaitait et ne faisait pas place à la formation et au développement des élites du pays.
Lyautey avait compris lui-même les insuffisance de l'œuvre du protectorat, parce qu'il sentait que les choses lui échappaient un peu. Puis, il est parti tôt. Il y avait des choses qu'il avait lancées dans le domaine de l'enseignement et qu'il n'a pas pu poussé jusqu'à leur terme et que ses successeurs n'ont peut-être pas eu, tous, cette compréhension exceptionnelle qu'il avait de la civilisation marocaine.
S'il y avait eu une autre personne désignée comme premier résident général du Maroc, par exemple le Maréchal Pétain, le protectorat au Maroc aurait-il eu le même visage ?
Pétain n'avait pas le même caractère que Lyautey. C'était un militaire plus classique, très obéissant vis sa hiérarchie. Paradoxalement, lorsqu'on pense à son destin ultérieur, on voit quelqu'un qui était très soumis à l'autorité politique, avec plus d'esprit de discipline que Lyautey et donc moins d'originalité, d'intelligence et de culture dans la conception des choses. Il y a un dialogue qu'on raconte souvent entre Pétain et Lyautey. Pétain disant à Lyautey : " vous voyez, je suis devenu Maréchal parce que j'ai toujours obéi ". Lyautey lui aurait répondu : " voyez, moi je suis devenu Maréchal parce que j'ai toujours désobéi ". Je crois que la différence entre les deux hommes se situe bien au niveau du tempérament. L'un était très énergique, l'autre était assez conventionnel.
S'il y avait un dernier message à retenir de votre livre, lequel serait ?
Par toutes sortes de signes et marques qu'il a essayé d'exprimer de manière très forte, Lyautey avait un très profond respect du Maroc, de son peuple, de sa culture et de sa civilisation. Il l'a toujours marqué, y compris dans l'urbanisme, dans la protection des sites, dans la restauration des monuments et dans le respect de la religion musulmane. Il a toujours voulu, également, marquer par rapport aux marocains son propre attachement à sa culture catholique et française.
Le message de Lyautey, qui me paraît d'une grande actualité, c'est lorsqu'il disait qu'il respectait les marocains et souhaitait que ces derniers respectent la France. Il disait qu'il fallait se respecter soi même pour pouvoir respecter les autres. Respecter sa culture et sa religion pour respecter la culture et la religion des autres. Dans un monde où l'on parle beaucoup du nivellement de la mondialisation et du dialogue entre les cultures, c'est un message qui n'a rien perdu de son actualité.
