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Jeux islamiques féminins : Douze ans de sport en autarcie

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Si les JO ne veulent pas de nous, musulmanes, alors inventons notre propre fête: C'est ainsi qu'il y a 12 ans, l'Iranienne Faezeh Hachemi, révoltée par l'"ostracisme" du monde sportif envers les femmes voilées, créait des jeux Islamiques féminins curieusement calqués sur un modèle olympique aux ambitions universelles.

L'initiative ambigùe de la fille de l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani fut diversement interprétée: Novatrice pour les uns, elle reste pour les opposants une réponse bâclée et perverse aux critiques qui accusaient alors l'Iran de n'avoir envoyé aucune femme aux JO depuis la Révolution islamique de 1979.

Au delà des querelles politiques, aucun pied de nez symbolique à l'Olympe n'est évité par cette manifestation qui s'est ouverte vendredi pour la quatrième fois à Téhéran pour un millier d'athlètes d'une trentaine de pays: le même rythme quadriennal que les JO, la flamme embrasant la vasque lors de la cérémonie d'ouverture, les feuilles multicolores qui, étrangement, rappellent les anneaux, jusqu'à l'hôtel officiel qualifié d'"olympique".

Depuis la première édition, fréquentée par 546 sportives de 11 pays en 1993, les Jeux ont grandi mais le discours de Faezeh Hachemi n'a pas vacillé. Considérée en Iran comme une progressiste, elle déplore toujours que les fédérations internationales et le Comité international olympique (CIO) empêchent les Musulmanes de concourir en observant les lois de leur religion: tête et corps couverts, cachés des hommes.

Parce que les femmes ont droit au frisson de la compétition, parce que le Coran les encourage à l'exercice, parce que l'équation Islam/JO est insoluble, Faezeh Hachemi a fabriqué des Jeux sur mesure: sans caméras et surtout sans hommes lorsqu'il s'agit de nager, jouer au basket-ball ou courir le 100 m dans une tenue propice aux performances.

Seules les golfeuses et les tireuses, en tchador noir, ont droit aux regards masculins. C'est d'ailleurs une championne de pistolet, Nassim Hassanpour, qui fut la seule représentante iranienne aux Jeux d'Athènes.
Pour de nombreuses citoyennes d'un pays où l'on ne badine pas avec le voile, ces Jeux sont un précieux pis-aller.

"C'est vrai que certaines auraient aimé jouer à l'étranger", raconte Chantal Julien, arbitre de basket-ball lors des Jeux 2001. "Elles ne se sentent pas prisonnières pour autant. Ne pas montrer son corps aux hommes qui ne sont pas les leurs, pour elles, c'est normal et les jeux Islamiques, c'est mieux que rien".

Coubertin, premier sexiste D'autres au contraire n'y voient qu'un avatar sophistiqué de la ségrégation des femmes dans les pays islamiques, à l'image des militantes d'+Atlanta-Sydney-Athènes Plus+, organisation qui réclame la mise au ban par le CIO des pays n'envoyant aucune femme aux Jeux, les assimilant à l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Les responsables iraniennes, elles, retournent l'argument, rappelant que les "grands" jeux Olympiques n'accueillirent les femmes qu'en 1928 au grand dam du baron de Coubertin, chantre de "l'athlétisme mâle, avec l'internationalisme pour base (...) et l'applaudissement féminin pour récompense." Critiqués ou simplement ignorés par un public qui n'a pas accès aux images, les jeux Islamiques se sont pourtant ouverts, suivant les soubresauts de la politique iranienne, les cahots de la société post-Khomeini.

Dans l'hôtel officiel, les voiles tombent parfois. Pour la première fois, des citoyennes musulmanes de pays non musulmans, une Américaine et des Britanniques, défileront aux côtés des habitués et le président du CIO, Jacques Rogge, enverra un message de félicitation. Au point que l'Américaine Anita De Frantz, membre du CIO, voit déjà les Jeux comme "un pas (des musulmanes) vers les JO".
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