La presse mondiale a fait état de son inquiétude hier sur l'avenir du Liban et s'est interrogée sur le rôle éventuel de la Syrie dans l'attentat qui a coûté la vie lundi à l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.
«Si on pose la question à qui ce crime profite, la première réponse est bien la Syrie», écrit en France Libération (gauche).
Pour le quotidien, «Hariri savait les risques» de sa «politique du défi à la Syrie. Il est certain que ses assassins sont des professionnels, qui avaient pour but de déstabiliser le Liban, et d'y empêcher toute remise en cause du statu quo, c'est-à-dire de l'occupation syrienne». «Ce pays reste une bombe à retardement dont l'explosion peut secouer tout le Moyen-Orient», écrit Libération.
Le président Jacques Chirac, «très proche ami» de Rafiq Hariri, «peut lui aussi se sentir visé, s'il s'avère que la Syrie choisit une fuite en avant dans la stratégie du pire». Les autres médias français pointent aussi principalement du doigt le pouvoir à Damas. Dans Le Parisien (populaire), un expert, Antoine Sfeir, se dit persuadé que cet attentat est «un message adressé à Jacques Chirac» et «une réponse à la résolution 1559 de l'ONU», parrainée par la France et les Etats-Unis, qui réclame le retrait des troupes syriennes du Liban. Le Figaro (droite) craint de «graves soubresauts.
Inévitablement, le spectre d'un retour à la guerre civile revient hanter les esprits». «Quels que soient ses commanditaires, l'attentat a manifestement été soigneusement préparé. (...) Compte tenu des soupçons qui pèsent sur la Syrie, on comprend que la France ait proposé qu'une enquête internationale fasse la lumière sur l'attentat». Sous le titre «Un complot pour interrompre les adieux à Damas», le journal italien Corriere della Sera estime que «l'ancien Premier ministre pourrait avoir payé de sa vie sa politique d'indépendance vis-à-vis de la Syrie».
Les services secrets syriens sont montrés du doigt, selon la presse espagnole. «L'homme qui voulut freiner la Syrie», titre El Pais, selon lequel «tous les soupçons se portent sur le régime de Damas auquel Hariri s'était heurté au cours des derniers mois en réclamant la sortie des troupes syriennes du Liban». «L'assassinat de Rafic Hariri ramène le Liban au bord de l'abîme», estime ABC. «Tous les regards se tournent vers les services secrets syriens». En Allemagne, le Sueddeutsche Zeitung (centre gauche) écrit que «les regards se portent automatiquement sur la Syrie. Mais un acte terroriste dans son Etat satellite (le Liban) peut-il représenter un intérêt pour la Syrie?», s'interroge le journal allemand.
En Belgique, pour le quotidien flamand De Tijd, l'attentat «réveille la crise politique» dans laquelle «la Syrie joue un rôle central». «Vraisemblablement Paris et Washington vont augmenter la pression sur Damas après l'attentat contre Hariri. Ils veulent éviter que le Liban ne glisse de nouveau vers la guerre civile». Donnant le ton à Londres, The Times (droite) estime que cet assassinat est «un coup au coeur du Liban, une atrocité marquée de la main sinistre de la Syrie». Ce «crime sanglant (...) était une attaque préventive contre les efforts (des) Libanais de regagner le contrôle de leur destinée en assurant la fin de la longue et suffocante occupation militaire syrienne». Le New York Times estime que la meilleure réponse internationale à l'assassinat, outre une «enquête internationale immédiate», devrait être une pression renouvelée en vue du retrait militaire syrien du Liban.
L'attentat visait aussi «la paix civile difficilement retrouvée (du Liban) et ses espoirs de recouvrer son indépendance (et de mettre fin) à la domination syrienne». Un quotidien koweïtien évoque un possible rôle de la Syrie, plusieurs autres journaux dans la région désignant Israël comme celui à qui le crime profite.
«Si la Syrie est incapable de 'préserver la sécurité', comme certains incidents l'indiquent, elle doit quitter le Liban immédiatement», écrit Al-Watan. Le quotidien émirati Al-Khaleej écrit que «ce crime ne profite qu'à l'ennemi israélien». Au Qatar, Al-Raya souligne que «le crime abominable qui a coûté la vie à Rafic Hariri (...) brouille de nouveau les cartes au moment où le Liban et la Syrie font face à des pressions». «On ne peut pas dissocier cet acte terroriste des développements critiques dans la région et dans lesquels Israël joue un rôle primordial». La presse officielle syrienne condamne l'assassinat de Hariri qui, selon elle, vise l'unité nationale libanaise et accuse Israël de chercher à semer «l'anarchie» au Liban.
«Que Dieu protège
ce beau pays !
«Que Dieu nous protège car ces gens-là veulent détruire ce beau pays» : le visage fermé Amine Haydar ne cache pas son dépit et sa tristesse devant la baie de l'hôtel St-Georges, un secteur dévasté par l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Immeubles flambant neufs dévastés, vitres jonchant la chaussée, hôtels vidés de leurs pensionnaires: sous un beau ciel bleu, la baie du St-Georges, bouclée par les forces de l'ordre, donnait mardi matin une image depuis longtemps oubliée par les Beyrouthins qui ont vu leur capitale détruite durant la guerre civile (1975-1990).
Par petits groupes, des curieux regardent ahuris et dans un silence morbide le spectacle de désolation qui s'offre à leurs yeux. Pour Amine Haydar, propriétaire d'un restaurant, il ne fait pas de doute: «Ils veulent détruire le pays. Si on nous laissait entre nous, Libanais, rien de tout cela ne serait arrivé. Nous ne voulons pas d'histoires. Qu'ils nous laissent vivre en paix». Qui sont ces «ils» ? l'homme, le visage fermé, ne veut pas en dire plus. Non loin de lui, Yahia Arakji qui dirige la société Glass Pro est un peu plus explicite: «C'est triste, c'est à pleurer, mais tout est clair. Tout finit par se savoir un jour. Walid Joumblatt a attendu 20 ans avant de désigner qui avait assassiné son père».
Le leader druze et l'un des ténors de l'opposition au Liban, Walid Joumblatt, a fait assumer la semaine dernière l'assassinat en 1977 de son père au parti Baas libanais pro-syrien. Kamal Joumblatt, leader de la gauche libanaise, qui s'était opposé à l'intervention militaire syrienne en 1976 au Liban, avait été assassiné en mars 1977 à proximité d'un barrage syrien. «Regardez cet hôtel vide», ajoute M. Arakji, en montrant du doigt les façades dévastées de l'hôtel Phoenicia Intercontinental, des autres hôtels et banques environnantes dont toutes les fenêtres ont été soufflées par la puissance de l'explosion. «Cela va coûter au moins 7 millions de dollars», estime ce vitrier.
Toute la nuit, les habitants de Beyrouth, proches du bord de mer, ont entendus le bruit des vitres cassées ramassées par les ouvriers syriens de la société de nettoyage Suklin. Mardi matin, des ouvriers continuaient de s'activer pour ramasser les débris causés par l'explosion. «Quel dommage pour ce beau pays», dit tristement Elie Nourfeltian, un Arménien d'une cinquantaine d'années venu se rendre compte des dégâts occasionnés au siège flambant neuf de la banque HSBC où il est employé. «J'ai eu la vie sauve car je me penchais pour ramasser un chèque au moment de l'explosion.
Mais nous avons eu de la chance car nous n'avons eu qu'une trentaine de blessés sur les 150 employés de la banque» raconte-t-il. Près de lui, Georges Antonius, son jeune collègue blessé à la tête, soupire: «Que Dieu aide les gens». «Nous sommes revenus à la période d'avant la guerre. En tuant Hariri, ils ont atteint le symbole de la reconstruction du Liban. Ce n'est pas innocent», lance Suleiman, un vieux chauffeur de taxi. Encore sous le choc de l'explosion d'une charge de 350 kg qui a tué lundi une dizaine de personnes au moins, dont Rafic Hariri et six de ses gardes du corps, Beyrouth avait mardi matin l'allure d'une ville fantôme.
Depuis la nuit, l'armée et la police patrouillent dans la ville déserte. Les attroupements sont interdits. Les télévisions libanaises diffusent depuis lundi des versets du Coran, entrecoupés de flash d'information. La télévision Future TV, appartenant à Rafic Hariri, dont le sigle est drapé de noir, diffuse alternativement des images du vivant de l'ex Premier ministre et son portrait avec la mention: «Pour le Liban...». Devant le domicile de Rafic Hariri à Beyrouth, des gens pleurent. Sur la Place des Martyrs, dans le centre ville où auront lieu mercredi ses obsèques, et dans des quartiers musulmans et chrétiens de la capitale des bougies ont été allumées dans la nuit.
«Si on pose la question à qui ce crime profite, la première réponse est bien la Syrie», écrit en France Libération (gauche).
Pour le quotidien, «Hariri savait les risques» de sa «politique du défi à la Syrie. Il est certain que ses assassins sont des professionnels, qui avaient pour but de déstabiliser le Liban, et d'y empêcher toute remise en cause du statu quo, c'est-à-dire de l'occupation syrienne». «Ce pays reste une bombe à retardement dont l'explosion peut secouer tout le Moyen-Orient», écrit Libération.
Le président Jacques Chirac, «très proche ami» de Rafiq Hariri, «peut lui aussi se sentir visé, s'il s'avère que la Syrie choisit une fuite en avant dans la stratégie du pire». Les autres médias français pointent aussi principalement du doigt le pouvoir à Damas. Dans Le Parisien (populaire), un expert, Antoine Sfeir, se dit persuadé que cet attentat est «un message adressé à Jacques Chirac» et «une réponse à la résolution 1559 de l'ONU», parrainée par la France et les Etats-Unis, qui réclame le retrait des troupes syriennes du Liban. Le Figaro (droite) craint de «graves soubresauts.
Inévitablement, le spectre d'un retour à la guerre civile revient hanter les esprits». «Quels que soient ses commanditaires, l'attentat a manifestement été soigneusement préparé. (...) Compte tenu des soupçons qui pèsent sur la Syrie, on comprend que la France ait proposé qu'une enquête internationale fasse la lumière sur l'attentat». Sous le titre «Un complot pour interrompre les adieux à Damas», le journal italien Corriere della Sera estime que «l'ancien Premier ministre pourrait avoir payé de sa vie sa politique d'indépendance vis-à-vis de la Syrie».
Les services secrets syriens sont montrés du doigt, selon la presse espagnole. «L'homme qui voulut freiner la Syrie», titre El Pais, selon lequel «tous les soupçons se portent sur le régime de Damas auquel Hariri s'était heurté au cours des derniers mois en réclamant la sortie des troupes syriennes du Liban». «L'assassinat de Rafic Hariri ramène le Liban au bord de l'abîme», estime ABC. «Tous les regards se tournent vers les services secrets syriens». En Allemagne, le Sueddeutsche Zeitung (centre gauche) écrit que «les regards se portent automatiquement sur la Syrie. Mais un acte terroriste dans son Etat satellite (le Liban) peut-il représenter un intérêt pour la Syrie?», s'interroge le journal allemand.
En Belgique, pour le quotidien flamand De Tijd, l'attentat «réveille la crise politique» dans laquelle «la Syrie joue un rôle central». «Vraisemblablement Paris et Washington vont augmenter la pression sur Damas après l'attentat contre Hariri. Ils veulent éviter que le Liban ne glisse de nouveau vers la guerre civile». Donnant le ton à Londres, The Times (droite) estime que cet assassinat est «un coup au coeur du Liban, une atrocité marquée de la main sinistre de la Syrie». Ce «crime sanglant (...) était une attaque préventive contre les efforts (des) Libanais de regagner le contrôle de leur destinée en assurant la fin de la longue et suffocante occupation militaire syrienne». Le New York Times estime que la meilleure réponse internationale à l'assassinat, outre une «enquête internationale immédiate», devrait être une pression renouvelée en vue du retrait militaire syrien du Liban.
L'attentat visait aussi «la paix civile difficilement retrouvée (du Liban) et ses espoirs de recouvrer son indépendance (et de mettre fin) à la domination syrienne». Un quotidien koweïtien évoque un possible rôle de la Syrie, plusieurs autres journaux dans la région désignant Israël comme celui à qui le crime profite.
«Si la Syrie est incapable de 'préserver la sécurité', comme certains incidents l'indiquent, elle doit quitter le Liban immédiatement», écrit Al-Watan. Le quotidien émirati Al-Khaleej écrit que «ce crime ne profite qu'à l'ennemi israélien». Au Qatar, Al-Raya souligne que «le crime abominable qui a coûté la vie à Rafic Hariri (...) brouille de nouveau les cartes au moment où le Liban et la Syrie font face à des pressions». «On ne peut pas dissocier cet acte terroriste des développements critiques dans la région et dans lesquels Israël joue un rôle primordial». La presse officielle syrienne condamne l'assassinat de Hariri qui, selon elle, vise l'unité nationale libanaise et accuse Israël de chercher à semer «l'anarchie» au Liban.
«Que Dieu protège
ce beau pays !
«Que Dieu nous protège car ces gens-là veulent détruire ce beau pays» : le visage fermé Amine Haydar ne cache pas son dépit et sa tristesse devant la baie de l'hôtel St-Georges, un secteur dévasté par l'attentat qui a coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Immeubles flambant neufs dévastés, vitres jonchant la chaussée, hôtels vidés de leurs pensionnaires: sous un beau ciel bleu, la baie du St-Georges, bouclée par les forces de l'ordre, donnait mardi matin une image depuis longtemps oubliée par les Beyrouthins qui ont vu leur capitale détruite durant la guerre civile (1975-1990).
Par petits groupes, des curieux regardent ahuris et dans un silence morbide le spectacle de désolation qui s'offre à leurs yeux. Pour Amine Haydar, propriétaire d'un restaurant, il ne fait pas de doute: «Ils veulent détruire le pays. Si on nous laissait entre nous, Libanais, rien de tout cela ne serait arrivé. Nous ne voulons pas d'histoires. Qu'ils nous laissent vivre en paix». Qui sont ces «ils» ? l'homme, le visage fermé, ne veut pas en dire plus. Non loin de lui, Yahia Arakji qui dirige la société Glass Pro est un peu plus explicite: «C'est triste, c'est à pleurer, mais tout est clair. Tout finit par se savoir un jour. Walid Joumblatt a attendu 20 ans avant de désigner qui avait assassiné son père».
Le leader druze et l'un des ténors de l'opposition au Liban, Walid Joumblatt, a fait assumer la semaine dernière l'assassinat en 1977 de son père au parti Baas libanais pro-syrien. Kamal Joumblatt, leader de la gauche libanaise, qui s'était opposé à l'intervention militaire syrienne en 1976 au Liban, avait été assassiné en mars 1977 à proximité d'un barrage syrien. «Regardez cet hôtel vide», ajoute M. Arakji, en montrant du doigt les façades dévastées de l'hôtel Phoenicia Intercontinental, des autres hôtels et banques environnantes dont toutes les fenêtres ont été soufflées par la puissance de l'explosion. «Cela va coûter au moins 7 millions de dollars», estime ce vitrier.
Toute la nuit, les habitants de Beyrouth, proches du bord de mer, ont entendus le bruit des vitres cassées ramassées par les ouvriers syriens de la société de nettoyage Suklin. Mardi matin, des ouvriers continuaient de s'activer pour ramasser les débris causés par l'explosion. «Quel dommage pour ce beau pays», dit tristement Elie Nourfeltian, un Arménien d'une cinquantaine d'années venu se rendre compte des dégâts occasionnés au siège flambant neuf de la banque HSBC où il est employé. «J'ai eu la vie sauve car je me penchais pour ramasser un chèque au moment de l'explosion.
Mais nous avons eu de la chance car nous n'avons eu qu'une trentaine de blessés sur les 150 employés de la banque» raconte-t-il. Près de lui, Georges Antonius, son jeune collègue blessé à la tête, soupire: «Que Dieu aide les gens». «Nous sommes revenus à la période d'avant la guerre. En tuant Hariri, ils ont atteint le symbole de la reconstruction du Liban. Ce n'est pas innocent», lance Suleiman, un vieux chauffeur de taxi. Encore sous le choc de l'explosion d'une charge de 350 kg qui a tué lundi une dizaine de personnes au moins, dont Rafic Hariri et six de ses gardes du corps, Beyrouth avait mardi matin l'allure d'une ville fantôme.
Depuis la nuit, l'armée et la police patrouillent dans la ville déserte. Les attroupements sont interdits. Les télévisions libanaises diffusent depuis lundi des versets du Coran, entrecoupés de flash d'information. La télévision Future TV, appartenant à Rafic Hariri, dont le sigle est drapé de noir, diffuse alternativement des images du vivant de l'ex Premier ministre et son portrait avec la mention: «Pour le Liban...». Devant le domicile de Rafic Hariri à Beyrouth, des gens pleurent. Sur la Place des Martyrs, dans le centre ville où auront lieu mercredi ses obsèques, et dans des quartiers musulmans et chrétiens de la capitale des bougies ont été allumées dans la nuit.
