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«Le Regard» de Noureddine Lakhmari : Crimes sans châtiment

Au vu de ses courts-métrages, son premier film ne pouvait être que prometteur. Noureddine Lakhmari a franchi le pas avec “ Le Regard ” et dévoilé les réelles qualités de cinéaste qu'on lui soupçonnait…
Pour en arriver là, il lui aura fallu quatre anné

«Le Regard» de Noureddine Lakhmari : Crimes sans châtiment
Le résultat saute aux yeux : le travail est bien conçu, le sujet mûri et l'approche peaufinée.
Ecrit à la manière d'un roman biographique, avec ses pudeurs et ses hardiesses, le film se pose comme un réquisitoire contre la non assistance à personnes en danger. Rien de plus que l'histoire universelle.

Albert Tueis, vieux photographe, se souvient de reportages-photos qu'il avait effectués à l'âge de 19 ans quand il était au service de l'armée coloniale française au Maroc. Ces photos n'ayant jamais été publiées, il retourne dans un petit village marocain pour en retrouver les traces. Tandis qu'il rencontre le présent, des images du passé dont il ne s'est jamais remis, lui reviennent. Un passé auquel le rattachent des liens psychologiques dans lesquels se fondent traumatisme et violente reminiscence.

La dérive du personnage est à ce point vertigieuse qu'il est prêt à s'accuser de crimes qu'il n'a pas commis mais qui l'assimilent à une société dont il est la mauvaise conscience.

Au cinéma, le photographe est posé comme l'homme qui doit affronter en face la question de la vérité.
Derrière le viseur de son Rolleiflex (acteur à part entière dans le film) Albert Tueis est un observateur des tares humaines qui décide de réparer une injustice en sortant les victimes de l'oubli qui les enveloppe.

“Le Regard” se positionne ainsi entre “Le Faussaire” de Volker Schlondorff (1981) où Jerzy Skolimovski se contente de faire froidement son travail et “ Under Fire ” de Roger Spottiswoode (1983) dans lequel Nick Nolte prend fait et cause contre les méchands.

L'une des multiples bonnes idées de Nourreddine Kakhmari est d'avoir fait en sorte que le déroulement du film coïncide avec le dévoilement de la conscience. L'action se déroule en flash-back pour rapporter les circonstances qui ont amené le héros là où il nous le présente. Ce procédé de construction, dont le but est de sensibiliser le public aux problèmes que soulève le film, ménage un double suspense : que s'est-il passé hier, et que va-t-il se passer aujourd'hui ?
Gardant à l'esprit que les ennemis d'hier doivent devenir les alliés de demain, Noureddine nous propose un exposé des faits plutôt qu'une réflexion politique.

Certes, le patriotisme est omniprésent mais sans illusions sur la réalité, le film montrant que la corruption, la violence et la dépravation ont toujours leur mot à dire. Plus qu'un exercice de style, “ Le Regard ” est une leçon de cinéma qui dicte que la force d'un film doit être contenue dans les mouvements des caméras et la direction d'acteurs. Les spectateurs sont ainsi moins saisis par le scénario que par les images en gros plans et l'émotion que dégagent les visages des personnages.

Dans ce dernier registre, trois acteurs nous réservent d'excellentes surprises. Ce sont, d'abord, Khalid Benchagra et Hassan Skalli qui parviennent à donner une apparence au destin ; l'un en subissant son sort avec arrogance et l'autre, en portant, sans emphase, le poids douloureux du passé. Mais tous deux portant en eux les stigmates d'une dignité exemplaire. Abdellah Didane, quant à lui, est criant de crédibilité dans la peau du villageois contemplatif. Satisfaction également de la part de Rafik Baker qui, malgré un rôle moins central, a montré qu'il pouvait jouer avec ses “tripes ”.

“Le Regard”, projeté en avant-première le 13 janvier au Megarama, a fait l'ouverture du festival international du cinéma de Tromso en Norvège. Il y a gagné le prix de la critique scandinave. Le premier d'une longue série, c'est tout le mal qu'on lui souhaite !

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Le réalisateur
Noureddine Lakhmari est incontestablement l'un des jeunes réalisateurs qui ont le plus marqué ce qu'il est convenu d'appeler le nouveau cinéma marocain.
Ses courts-métrages ont été systématiquement primés comme meilleurs films dans le cadre du festival national du film : “Brèves notes” à Tanger en 1995, “The Last show” à Casablanca, en 1998, “Dans les griffes de la nuit” à Marrakech en 2000.

En Norvège, où il réside depuis 1986, Lakhmari s'est également imposé en reportant des prix prestigieux tels que le prix du Dolby Award Grimstad et celui du meilleur film du Festival du court-métrage, tous deux accordés à “Brèves Notes”.
“Né sans skis aux pieds” , un 18 minutes qualifié par la presse de “Trés drôle et très dur à la fois” a été sélectionné au festival de Clermont-Ferrand et a reçu le prix de la Cinémathèque italienne en 1998. Il est distribué par la Warner Bros (Oslo).

“Le dernier spectacle” et “Dans les griffes de la nuit” sont deux moyens métrages qui ont été également primés dans plusieurs festivals internationaux.
Noureddine Lakhmari, né à Safi le 15 février 1964, a choisi sa ville natale et sa région pour tourner son premier long-métrage “Le regard”.
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