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Les stations thermales de Moulay Yacoub : Se soigner autrement

De par la qualité de ses eaux sulfureuses, sa rénovation récente par la Sothermy, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion, la station thermale de Moulay Yacoub a acquis, aujourd'hui, un label de qualité reconnu aux plans national et international.

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Située à une quinzaine de kilomètres de la ville de Fès, dans le petit village populaire de Moulay Yacoub, cette station réunit les nouveaux thermes construits en fonction des normes internationales du thermalisme et les anciens thermes réaménagés au bénéfice d'une clientèle traditionnelle animée de croyances populaires.

Si l'un et l'autre sont complémentaires mais diffèrent au niveau de l'exploitation des eaux sulfureuses, des prestations de services, des prix affichés et du type de clientèle reçue, les thermes de Moulay Yacoub modernes et anciens disposent de tous les atouts pour dynamiser sur le plan socio-économique le village de Moulay Yacoub afin d'en faire un pôle touristique de grande envergure pour la région de Fès.

Toutefois, si une station thermale moderne a été conçue dès le début des années 90, c'est grâce à la volonté de feu S.M. Hassan II, qui voulait faire de Moulay Yacoub la vitrine du thermalisme marocain à l'étranger. Un don saoudien à l'origine a aidé à la concrétisation de cette volonté.

Et depuis, la station, l'unique du genre au Maroc, qui, actuellement, est en train de se doter d'un centre de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle, draine une clientèle essentiellement marocaine qui reçoit les soins nécessaires de traitement des maladies chroniques comme les rhumatismes et les affections ORL, dermatologiques et gynécologiques.

Pourtant, la station moderne de Moulay Yacoub qui reçoit 40.000 visiteurs par an, peine à instaurer une tradition liée au tourisme de santé. La capacité reste en deçà de ce que peut offrir l'établissement en plus des soins médicaux, déplore M.Ahmed Akkari, responsable commercial.
Celui-ci, précise-t-il, a diversifié sa panoplie d'activités pour offrir aux curistes des séjours de remise en forme, ainsi qu'un ensemble de services parallèles de relaxation et de balnéothérapie dispensés par une équipe spécialisée en hydrothérapie et esthétique.

Cette station, qui a nécessité un investissement de 80 millions de dh, reste prisée par une clientèle émanant principalement des villes de Rabat, Casablanca et Marrakech, ainsi que par les Marocains résidents à l'étranger qui font la haute saison pendant le mois d'août.


La station de Moulay Yacoub vit ainsi au gré des périodes de vacances et est donc dépendante de la courte durée de séjour touristique de Fès. Ceci est un handicap, selon ce responsable qui regrette que ni les professionnels touristiques de Fès, ni les tours opérators n'aient pas suffisamment intégré dans leur réflexion ce produit particulier qui peut faire de la ville un pôle régional touristique de grande envergure.

Certes, même si la tendance actuelle est quand même à l'optimisme et ce, depuis le lancement par les compagnies étrangères de vols directs entre Fès et certaines capitales européennes, la station ne draine que 7 à 8 % de clients étrangers, dont des Français et des Espagnols.

La cherté des prix affichés par la station font que les Marocains préfèrent plutôt fréquenter les anciens thermes qui, eux, vendent quelque 850.000 entrées par an. «Les prix des soins thermaux sont abordables comparativement à ceux des centres de thalassothérapie» explique M. Akkari.

En plus, dit-il, «la qualité de l'eau de Moulay Yacoub est indéniable. Elle peut être assimilée à l'eau de mer mais avec un plus : elle est chaude et sulfureuse».
En outre sur le plan médical, «le prix d'une cure ORL qui coûte 1000 dh par semaine est modique par rapport à celui affiché par une clinique ou un centre hospitalier» précise M. Akkari, qui ajoute qu'«il ne faut cependant pas oublier que le cadre est un lieu haut standing et les prix doivent être correspondants».
Insistant sur le fait que «les bienfaits du thermalisme scientifique ne sont pas suffisamment ancrés dans les mentalités et que le thermalisme, qui d'ailleurs, est en perte de vitesse en Europe ne soit pas encore enseigné dans les facultés de médecine», M. Akkari évoque les perspectives d'avenir de la station avec la mise en place de campagnes promotionnelles, notamment dans la dynamisation d'un jumelage entre la station de Moulay Yaacoub et la ville française d'Aix-Les Bains, le projet de création d'une unité hôtelière mitoyenne à la station et la création de programmes parallèles de divertissement des curistes.

Par ailleurs, vivant du commerce d'échoppes et de la petite agriculture, Moulay Yacoub est surtout connu chez les Marocains grâce à l'existence des anciens thermes, dont l'eau jaillit de la source à 53 degrés et qui reçoivent en moyenne 2500 visiteurs chaque jour soit un million de curistes par an. Dans ce village où fait défaut un bain maure pour la population locale parce que l'eau pouvant être vendue à la commune par l'office national de l'eau potable coûte chère, les anciens thermes, nécessité oblige, sont fréquentés par les habitants «mais aussi par une clientèle marocaine qui, croyant dans les vertus spirituelles et thérapeutiques de la source est en quête de la baraka», relève quant à lui le responsable des anciens thermes M.Adil Essouri. Pour la petite histoire, lit-on dans plusieurs ouvrages, les anciens thermes sont liés à la magie.


Avant que la science moderne ait analysé les constituants physicochimiques des eaux minérales, la culture populaire marocaine a toujours attribué des vertus curatives de Moulay Yacoub à un magicien surnaturel faisant que les pratiques millénaires du thermalisme continuent d'être vivaces chez une catégorie de la population marocaine.

De ce fait, les anciens thermes dotés de multiples vertus, sont l'axe essentiel de l'activité économique et sociale du petit village de Moulay Yacoub. Malgré leur récente rénovation en 2002, ils demeurent un lieu de rituel collectif ou individuel, de danses autour de la piscine des femmes et de sacrifices d'animaux pour le Saint.

Les anciens thermes sont, également, un carrefour où de nombreux pèlerins viennent accomplir, durant l'année, des rites en trois étapes : les bains, la visite du Saint et l'ascension vers la Sainte Lalla Chafia, la vierge guérisseuse et fille de Moulay Yacoub, enterrée au sommet de la montagne. Rénovés pour un montant évalué à 3,5 millions dh, les anciens thermes créés à l'époque des Romains, continuent de faire l'objet de tant de légendes qui parfois dépassent l'entendement.

Construits en 1920 sous forme de bassins à ciel ouvert, ils sont aujourd'hui constitués de trois piscines couvertes, d'établissements baignoires en cabines de soins et de jacuzzi dans lesquels des soins médicaux sont supervisés par une équipe paramédicale sur place. Recevant une clientèle également marocaine de catégories sociales confondues mais aussi maghrébine, les anciens thermes dont les prix varient entre 7 et 35 dh la séance, sont avec le nouvel établissement le noyau de développement économique local.

Fonctionnant de jour comme de nuit sauf le mercredi considéré comme jour néfaste par la croyance populaire, ils ont l'avantage d'employer une main d'œuvre locale absorbant ainsi une part du chômage villageois. L'affluence massive des visiteurs engendre cependant un certain nombre de contraintes, d'abord le «surbooking» au niveau des piscines des femmes difficilement contrôlables pour les responsables qui soutiennent qu'un bain maure dans ce village de 2000 habitants contribuerait à l'usage strictement thermal, puis la nécessité de l'économie de l'eau qui pose un problème au niveau de la source dans le long terme.

Malgré ces handicaps, les deux stations, l'une moderne, l'autre traditionnelle, sont complémentaires. Recevant des publics divers et diversifiés, l'un à la recherche de remèdes scientifiques, l'autre en quête de guérison miracle, elles possèdent communément des vertus méconnues à grande échelle et insuffisamment exploitées par les professionnels du tourisme, qui ont l'ambition de faire de Fès une cité de moyens séjours.

Pourtant, les responsables des deux stations ont réalisé des programmes de restructuration et initié des mesures d'accompagnement afin que Moulay Yacoub, mitoyen aux stations thermales de Sidi Harazem et de Aïn Allah, soit un pôle touristique régional et «cette vitrine du thermalisme marocain à l'étranger».
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