Ils s'appellent Jamal, Hughes, Jacques Oulad Aoudia, Ali, Fatima, Nadia ou encore Elisabeth…Ils ont en commun une passion pour le travail social, la volonté de contribuer à améliorer le quotidien des habitants des villages reculés de l'Anti-Atlas marocain. Ils sont également membres d'une association dynamique, Migration & Développement, née sur les rives de l'Hexagone et dédiée totalement au bien être des Marocains. Sur les traces du principal fondateur de Migration & Développement, Zakya Daoud nous livre des pans entiers d'un parcours pour le moins exceptionnel.
Jamal Lahoussine était arrivé en France en 1970. Il rêvait du paradis mais il s'est trouvé confronté aux dures conditions des ouvriers émigrés qui n'avaient aucun droit mais seulement des obligations et des devoirs. Payés moitié moins que les ouvriers français, n'ayant pas accès aux douches ni à la cantine, les ouvriers maghrébins étaient cantonnés dans des chambres minuscules.
Armé de son seul courage et de sa volonté, Jamal va «forcer le destin», mener une réflexion et un combat pour que les émigrés puissent bénéficier de l'égalité et de la dignité. Syndicaliste convaincu, Jamal est aussi «un militant, un humaniste et un tiers-mondiste». L'adversité lui a permis de se forger une très forte personnalité, le caractère de ceux qui ne baissent jamais les bras et qui ne voient que «les solutions, jamais les problèmes».
C'est la fameuse prime de retour offerte aux Maghrébins, à l'issue de la fermeture de quelques usines, qui va décider de son sort. Ceux qui sont revenus dans leur village natal témoignent des difficultés de réinsertion et des conditions difficiles de vie. Que faire alors, s'interroge les candidats au retour ? «Jamal, sa conviction arrêtée, réunit les 54 candidats au retour et leur conseille : Gardez une partie de votre prime de départ pour financer des projets communautaires qui vous aideront dans votre nouvelle vie. Vous avez déjà construit vos maisons, investissez maintenant dans les infrastructures, cela vous donnera un nouveau statut dans le village, et aidera aussi vos enfants s'ils veulent y retourner…». Un discours similaire est adressé aux villageois que Jamal exhorte de s'impliquer, de prendre des initiatives pour redonner vie à leur village.
De là est née l'idée de créer, en 1986, une association appelée «Retour et développement» qui s'est vite transformée en Migration & Développement. Jamal apparaît, dès lors, comme «une personne ressource déterminante, qui innove, pense, agit, entraîne avec une dynamique combattante, fort des liens de confiance qu'il sait établir. Il a une vraie visions de ce qu'il veut : un développement solidaire, autonome et durable, une véritable démocratie locale qu'il impose sans pression».
Cette implication est vite payante. Le bilan est aussi impressionnant. Une centaine de villages électrifiés, des dizaines d'ouvrages hydrauliques lancés, des pistes et des routes construites, des dispensaires et des écoles édifiés et bien d'autres projets. La province de Taroudant revit. 250 associations villageoises gèrent ces installations qui impliquent environ 10 000 personnes.
«Prestataire de services, initiatrices de projets, étant passée d'une phase d'expérimentation locale à une action régionale, l'association a un statut singulier dans les milieux de l'immigration et du développement dont elle a été une des initiatrices», écrit Zakya Daoud qui souligne le rôle pionnier de Migration & Développement et ce réseau de solidarité marocaine, française, euro-méditérranéenne, voire international qu'elle a su tisser au fil des ans et des actions sur le terrain.
Cet exemple édifiant d'une implication citoyenne et d'une démocratie participative ne doit nullement occulter les affres de l'exil et du rejet que nombre d'émigrés doivent supporter dans les terres d'accueil. Impression exacerbée par les sentiments de ségrégation, de xénophobie et de racisme qui reprennent de plus belle, après chaque attentat terroriste ou crime commis et imputé, à tort ou à raison, à des arabes.
«Vivant entre deux pays, ils tentent de tirer le maximum de cette situation inconfortable et psychologiquement éprouvante, écoutant les discours, les appels, les rejets des uns et des autres et gérant au mieux leur situation personnelle. Enviés ou maltraités, considérés avec dédain ou compassion, ils ne sont pourtant ni les victimes expiatoires ni les prédateurs venus prendre le travail des Français et profiter de leurs avantages sociaux. C'est beaucoup plus compliqué !», explique l'auteur. D'ici et de là-bas, les immigrés, essaient autant que faire se peut, de s'intégrer dans le pays d'accueil, luttent pour ne pas perdre, définitivement leur identité et surtout de ne jamais rendre cette carte de séjour, garante d'une libre circulation entre les deux rives de la Méditerranée.
L'enquête qu'avait, justement, commandée Migration & Développement, a démontré que «l'immigration, pour tous, n'était plus une perspective… Mais l'émigré isolé manque de confiance en lui. Il sait que sans soutien ni structure d'accompagnement pour son retour, il risque de dilapider en quelques mois, ses économies si péniblement accumulées, sans ensuite, aucune garantie de retour». Ainsi valorisés, les émigrés acquièrent un nouveau statut social et deviennent les membres éminents d'une société civile en pleine construction.
Acteurs du développement durable de leur région d'origine, ils ont, ainsi, toute latitude et toute force pour décider de leur devenir : revenir au pays ou réussir leur insertion dans le pays d'accueil. «Marocains de l'autre rive» de Zakya Daoud, complète un autre ouvrage édité en 1997 «Les Marocains des deux rives» et qui évoquait la naissance de Migration & Développement.
Le dernier livre de Zakya Daoud, écrit sous forme de Documents et de Témoignages, reconstitue les défis, les attentes et les espoirs d'une poignée de personnes qui ont insufflé leur énergie à d'autres partenaires. «Les Marocains des deux rives» entrouvre des portes sur l'espoir, la solidarité, l'amitié et la volonté d'avancer.
C'est un témoignage vivant de ce que l'Homme, qu'il soit issu du nord ou du sud de la Méditerranée, mobilisé autour d'un idéal commun, peut accomplir. C'est aussi une parfaite illustration de ce que des hommes et des femmes de bonne volonté peuvent accomplir, pour influer, positivement, sur le destin.
«Marocains de l'autre rive» de Zakya Daoud, ed. TArik, 248 pages
Jamal Lahoussine était arrivé en France en 1970. Il rêvait du paradis mais il s'est trouvé confronté aux dures conditions des ouvriers émigrés qui n'avaient aucun droit mais seulement des obligations et des devoirs. Payés moitié moins que les ouvriers français, n'ayant pas accès aux douches ni à la cantine, les ouvriers maghrébins étaient cantonnés dans des chambres minuscules.
Armé de son seul courage et de sa volonté, Jamal va «forcer le destin», mener une réflexion et un combat pour que les émigrés puissent bénéficier de l'égalité et de la dignité. Syndicaliste convaincu, Jamal est aussi «un militant, un humaniste et un tiers-mondiste». L'adversité lui a permis de se forger une très forte personnalité, le caractère de ceux qui ne baissent jamais les bras et qui ne voient que «les solutions, jamais les problèmes».
C'est la fameuse prime de retour offerte aux Maghrébins, à l'issue de la fermeture de quelques usines, qui va décider de son sort. Ceux qui sont revenus dans leur village natal témoignent des difficultés de réinsertion et des conditions difficiles de vie. Que faire alors, s'interroge les candidats au retour ? «Jamal, sa conviction arrêtée, réunit les 54 candidats au retour et leur conseille : Gardez une partie de votre prime de départ pour financer des projets communautaires qui vous aideront dans votre nouvelle vie. Vous avez déjà construit vos maisons, investissez maintenant dans les infrastructures, cela vous donnera un nouveau statut dans le village, et aidera aussi vos enfants s'ils veulent y retourner…». Un discours similaire est adressé aux villageois que Jamal exhorte de s'impliquer, de prendre des initiatives pour redonner vie à leur village.
De là est née l'idée de créer, en 1986, une association appelée «Retour et développement» qui s'est vite transformée en Migration & Développement. Jamal apparaît, dès lors, comme «une personne ressource déterminante, qui innove, pense, agit, entraîne avec une dynamique combattante, fort des liens de confiance qu'il sait établir. Il a une vraie visions de ce qu'il veut : un développement solidaire, autonome et durable, une véritable démocratie locale qu'il impose sans pression».
Cette implication est vite payante. Le bilan est aussi impressionnant. Une centaine de villages électrifiés, des dizaines d'ouvrages hydrauliques lancés, des pistes et des routes construites, des dispensaires et des écoles édifiés et bien d'autres projets. La province de Taroudant revit. 250 associations villageoises gèrent ces installations qui impliquent environ 10 000 personnes.
«Prestataire de services, initiatrices de projets, étant passée d'une phase d'expérimentation locale à une action régionale, l'association a un statut singulier dans les milieux de l'immigration et du développement dont elle a été une des initiatrices», écrit Zakya Daoud qui souligne le rôle pionnier de Migration & Développement et ce réseau de solidarité marocaine, française, euro-méditérranéenne, voire international qu'elle a su tisser au fil des ans et des actions sur le terrain.
Cet exemple édifiant d'une implication citoyenne et d'une démocratie participative ne doit nullement occulter les affres de l'exil et du rejet que nombre d'émigrés doivent supporter dans les terres d'accueil. Impression exacerbée par les sentiments de ségrégation, de xénophobie et de racisme qui reprennent de plus belle, après chaque attentat terroriste ou crime commis et imputé, à tort ou à raison, à des arabes.
«Vivant entre deux pays, ils tentent de tirer le maximum de cette situation inconfortable et psychologiquement éprouvante, écoutant les discours, les appels, les rejets des uns et des autres et gérant au mieux leur situation personnelle. Enviés ou maltraités, considérés avec dédain ou compassion, ils ne sont pourtant ni les victimes expiatoires ni les prédateurs venus prendre le travail des Français et profiter de leurs avantages sociaux. C'est beaucoup plus compliqué !», explique l'auteur. D'ici et de là-bas, les immigrés, essaient autant que faire se peut, de s'intégrer dans le pays d'accueil, luttent pour ne pas perdre, définitivement leur identité et surtout de ne jamais rendre cette carte de séjour, garante d'une libre circulation entre les deux rives de la Méditerranée.
L'enquête qu'avait, justement, commandée Migration & Développement, a démontré que «l'immigration, pour tous, n'était plus une perspective… Mais l'émigré isolé manque de confiance en lui. Il sait que sans soutien ni structure d'accompagnement pour son retour, il risque de dilapider en quelques mois, ses économies si péniblement accumulées, sans ensuite, aucune garantie de retour». Ainsi valorisés, les émigrés acquièrent un nouveau statut social et deviennent les membres éminents d'une société civile en pleine construction.
Acteurs du développement durable de leur région d'origine, ils ont, ainsi, toute latitude et toute force pour décider de leur devenir : revenir au pays ou réussir leur insertion dans le pays d'accueil. «Marocains de l'autre rive» de Zakya Daoud, complète un autre ouvrage édité en 1997 «Les Marocains des deux rives» et qui évoquait la naissance de Migration & Développement.
Le dernier livre de Zakya Daoud, écrit sous forme de Documents et de Témoignages, reconstitue les défis, les attentes et les espoirs d'une poignée de personnes qui ont insufflé leur énergie à d'autres partenaires. «Les Marocains des deux rives» entrouvre des portes sur l'espoir, la solidarité, l'amitié et la volonté d'avancer.
C'est un témoignage vivant de ce que l'Homme, qu'il soit issu du nord ou du sud de la Méditerranée, mobilisé autour d'un idéal commun, peut accomplir. C'est aussi une parfaite illustration de ce que des hommes et des femmes de bonne volonté peuvent accomplir, pour influer, positivement, sur le destin.
«Marocains de l'autre rive» de Zakya Daoud, ed. TArik, 248 pages
