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Massacre d'Algériens à Paris : le cinéma français s'empare de l'histoire

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Le 17 octobre 1961, des dizaines d'Algériens sont tués à Paris, des cadavres flottent dans la Seine. Plus de 40 ans après, une fiction met en images cette répression policière sanglante, signe que la télévision et le cinéma français osent enfin s'attaquer à des tabous.

Outre cette fiction, trois films liés à la guerre d'Algérie (1954-1962) sont en préparation marquant un regain d'intérêt pour ces sujets politiques, bannis des écrans depuis les années 70. Un projet de film est aussi en cours sur le génocide de 1994 au Rwanda, pour lequel la France a été mise en cause.

"Nuit noire" de Alain Tasma, sur un scénario de l'historien, écrivain et documentariste Patrick Rotman, qui sort le 19 octobre dans les salles de cinéma en France, a été acheté par le Brésil et le Canada, où il a été présenté au festival de Toronto.

"Pour la première fois, le cinéma s'empare de cette histoire, dit Patrick Rotman à l'AFP. Il y a eu tabou, il y a eu amnésie, il y a eu la volonté de tourner une page de l'histoire, de l'arracher".

"Depuis une bonne trentaine d'années, il n'y a pas eu de films de cinéma sur la guerre d'Algérie. Il n'y a pas l'équivalent en France de ce qu'il y a aux Etats-Unis sur la guerre du Vietnam", souligne l'auteur de "L'ennemi intime" et "Les porteurs de valise".

Réalisé pour la chaîne cryptée Canal +, "Nuit noire" relate à la manière d'un thriller la tragédie du 17 octobre à travers une mosaïque de personnages, pris dans la tourmente. Ce jour-là, à l'appel du FLN (le mouvement indépendantiste), 30.000 Algériens sans armes, hommes, femmes, enfants quittent les bidonvilles pour manifester à Paris.

La police ouvre le feu, plus de 11.000 sont arrêtés. Le lendemain des cadavres flottent dans la Seine. On ne connaîtra jamais le nombre exact des victimes. Le préfet de l'époque était Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité pendant la Seconde guerre mondiale.

"C'est la première fois qu'un film ambitionne de reconstituer avec précision cet épisode encore tabou de l'histoire de France", a écrit le quotidien Libération (gauche), tandis que le Figaro (droite) le qualifie de "film coup de poing, qui dérange, déstabilise".

Patrick Rotman rappelle qu'"historiens et journalistes n'ont cessé d'explorer ce trou de mémoire" mais que le cinéma ne l'a pas fait à l'exception de Yves Boisset (R.A.S) et René Vautier (Avoir 20 ans dans les Aurès) en 1972.

Les Américains ont "la capacité de très vite regarder leur passé et de se servir du cinéma comme d'un divan collectif". C'est ce qu'ont fait Francis Coppola, Oliver Stone, Michael Cimino. "Il y a un besoin d'expiation, en tout cas de mettre sur la table ces grands traumatismes collectifs. Ca permet à la conscience américaine de s'interroger, de se remettre en cause".

Alain Tasma compare le 17 octobre à un secret de famille "honteux". "La France ne peut pas être fière de ce qui s'est passé ce jour-là. Le mot crime d'Etat a été employé, rappelle-t-il. Il y a eu un massacre commis par des hommes qui portaient l'uniforme de la police sous les ordres d'un préfet nommé par le général de Gaulle".

D'ailleurs, précise-t-il, pour obtenir les autorisations de tournages à Paris, nous avons soumis le scénario à la préfecture de police et "ils n'ont rien trouvé à redire".

Il y aurait de "la dignité à ce que l'Etat français reconnaisse qu'il y a eu crime", dit-il, "comme ça s'est passé pour le Vel d'Hiv" (ndlr: la rafle des juifs parisiens pendant la Seconde guerre mondiale).

Cas plutôt exceptionnel, "Nuit noire" sort en salles à la demande des exploitants et des distributeurs en même temps qu'en DVD après avoir été diffusé en juin sur Canal+, qui va le rediffuser à nouveau six fois.
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