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Mehdi de Graincourt : «Ce que prône Ibn al-Arabi est l'amour de la vie,

Mehdi de Graincourt appartient à cette race d'êtres que la Connaissance a illuminée. Devenu le scribe du shaykh al-akbar qui lui est apparu à maintes reprises en rêve, il livre, à travers ses écrits les enseignements du maître. Ainsi, après "L'initiation

Mehdi de Graincourt : «Ce que prône Ibn al-Arabi est l'amour de la vie,
Le Matin : On a beaucoup écrit sur Ibn al Arabi. En quoi, à votre avis, votre œuvre se distingue-t-elle de tous les ouvrages qui ont été consacrés au grand maître ?
Mehdi de Graincourt : Il existe en effet de nombreux ouvrages consacrés à Ibn al Arabi.
La plupart sont le fait d'universitaires qui utilisent un langage souvent obscur, accessible le plus souvent aux seuls initiés.
Voilà pourquoi j'ai voulu dans «Sur la Voie d'Ibn al Arabi, les révélations de Fès et Marrakech» donner la parole à Ibn al Arabi lui-même. Le lecteur peut ainsi ressentir ses pensées et ses émotions avec une grande proximité.

En lisant "Sur la voie d'Ibn al Arabi, les révélations de Fès et de Marrakech", on se sent littéralement transposé dans un univers de lumières, à côtoyer un être exceptionnel.

Pensez-vous que votre ouvrage pourrait devenir une invitation à une initiation au mysticisme ?

Je suis très touché par votre remarque. Ibn al Arabi était réellement un homme d'exception, comme il en existe peu. Dans une vision l'ange Djibril lui avait révélé qu'il aurait, après sa mort, mille disciples qui poursuivraient son enseignement et diffuseraient sa parole. Une parole qui n'a donc jamais cessé de retentir jusqu'à aujourd'hui. Et que l'on peut entendre dans «Sur la voie...» Certains pourront le lire comme un roman, découvrir la vie d'un homme qui fut aussi un grand voyageur. D'autres pourront s'attacher plus particulièrement à l'aspect mystique. En cela, il s'agit bien d'une invitation à la découverte du soufisme, de cet islam mystique qui prône l'amour et la tolérance.

Vous avez choisi la forme romancée pour raconter la vie et l'œuvre d'Ibn al Arabi. Quelles ont été vos sources ?

J'ai puisé mes sources dans l'oeuvre d'Ibn al Arabi lui-même, car il a écrit des centaines d'ouvrages. Certains sont des romans accessibles à tous, tels «La vie merveilleuse de Dhu el Nun l'Egytien» ou «Les soufis d'Andalousie» (tous deux édités chez Actes Sud, collection Sindbad) dont je vous recommande la lecture. Dans ce livre, Ibn al Arabi relate ses rencontres avec des hommes et des femmes de son époque, qui furent à la fois ses maîtres et ses disciples.

Comme Fatima, une femme très âgée qui vit d'aumônes et qui est plongée à chaque instant dans la lumière divine. Le jeune Ibn al Arabi lui construit de ses mains une hutte de roseaux... Vous retrouverez Fatima dans «Sur la voie...»
D'autres livres sont des recueils de poésie, des essais. Lisez le magnifique «Voyage vers le Maître de la puissance» (en poche chez Pocket).
Ma source essentielle est aussi le contact direct avec Ibn al Arabi lui-même qui s'est maintes fois présenté à moi en rêve.

Les enseignements prodigués par Ibn al Arabi, dans votre ouvrage, sont d'une limpidité déroutante alors que ses adversaires lui reprochent, justement, un enseignement obscur. Quelle est la part de vérité dans ces deux jugements de valeur?

A la lecture des oeuvres d'Ibn al Arabi, on découvre une pensée toujours claire et limpide. Certains de ses ouvrages, bien sûr, sont plus difficiles d'accès que d'autres, notamment lorsqu'il s'agit de réflexions théologiques. Mais, sur le chemin de la Connaissance, il convient de procéder par étapes. Ibn al Arabi s'adresse aussi bien à des enfants qu'à des personnes âgées, aussi bien à des hommes qu'à des femmes, autant aux sages qu'aux débutants sur la Voie.
Ce sont surtout les commentaires de ses livres par d'autres qui ont, au fil du temps, obscurci sa clarté. L'idéal est de revenir enfin à sa parole première.

Après avoir vécu dans son Andalousie natale, à Fès et Marrakech, Ibn Arabi a choisi de s'établir à Damas. A-t-il trouvé, à votre avis, en Orient, d'autres sources d'inspiration et des raisons pour y vivre et y mourir ?

A la mort de son père, qui occupait une charge importante auprès du Sultan, Ibn al Arabi refuse de prendre sa succession. Il ne veut pas posséder de biens matériels et fuit les honneurs, lui qui est né dans une famille noble. Il décide ainsi de partir à Fès, qui appartient alors, tout autant que les villes andalouses, au grand empire almohade. Dans celle ville, il va installer sa mère, marier ses deux soeurs.

Il y rencontre, ainsi qu'à Marrakech, d'éminents savants et vit des extases mystiques très importantes. L'une d'elles lui ordonne de partir pour l'Orient. Ce n'est donc pas par choix personnel qu'il entreprend ce voyage lointain. Il y vivra les dures réalités de son époque, qui ressemblent à celles de notre temps : les pandémies de peste déciment les populations et les croisades sont des guerres sanglantes. La vie d'Ibn al Arabi n'est donc pas celle d'un ermite éloigné des réalités, bien au contraire.

L'Orient lui apporte aussi des sources d'inspiration très riches. Comme sa rencontre avec Nizam qui sera sa muse. Ce périple de plus de vingt années en Arabie, en Palestine, en Egypte, en Syrie... va lui offrir l'opportunité de nombreuses rencontres, d'apprendre beaucoup et d'enseigner plus encore. S'il termine sa vie à Damas, c'est encore en raison des aléas de l'existence.

Mais cela lui permet, justement, d'allier, de réunir différents courants mystiques, et d'en opérer la synthèse. Ce qui lui confère une dimension encore supérieure. Voilà pourquoi il est considéré comme le «Shaykh al akbar».

Vous qui avez choisi le soufisme, pensez-vous que la voie prônée par Ibn al Arabi, il y a plus de huit siècles, est celle qui pourrait garantir aux hommes de vivre en paix ?

Ce que prône Ibn al Arabi se résume en un seul mot : l'amour. Amour de la vie, ce miracle de l'existence, amour de son prochain, de tout ce qui existe, de la création entière.

C'est la voie de l' Islam, qui est une religion de paix et de tolérance. Il ne faut jamais cesser de le dire et de le dire encore. Il faut rappeler également que les trois religions monothéistes, le Judaïsme, le Christinianisme et l'Islam sont issues d'une seule et même source.

La parole d'Ibn al Arabi est fondamentale aujourd'hui autant qu'hier, car elle incite à retrouver la paix, paix intérieure et aussi paix entre les hommes. Il s'adresse à tous. Lorsque l'on demandait récemment au prêtre chrétien Guy Gilbert qui s'occupe des défavorisés de la société occidentale, quel était son modèle, il a répondu sans hésiter : Ibn al Arabi.

Comment devient-on soufi aujourd'hui?

Il y a autant de façon d'accèder au soufisme que d'êtres humains sur terre ! Certains ont besoin de s'engager dans une tariqa, une voie dans laquelle ils seront guidés par un enseignant.

D'autres seront choisis par un maître, parfois désincarné, et auront des visions mystiques. Ibn al Arabi relate tout cela dans son oeuvre. Peut-être la mendiante que vous voyez au coin de la rue tous les jours est-elle, sans que vous le sachiez, une femme de lumière qui consacre sa vie à Dieu ? Le véritable soufi n'a pas besoin de se déclarer lui-même «soufi».

Ce qui compte réellement est l'amour qu'il diffuse autour de lui, sa lumière. Et cela nous pouvons tous le faire, quelle que soit notre religion. Le point de départ sur la Voie est chaque geste du quotidien, le sourire que nous donnons aux autres, notre écoute. Etre réellement présent, à chaque instant.
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