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«Mosaïques ternies», premier roman marocain d'expression française

Ecrit en 1930, publié pour la première fois en 32, «Mosaïques ternies» de Abdelkader Chatt est sans conteste le premier roman marocain d'expression française mis à la disposition du public en France comme au Maroc, que les Editions Wallada viennent de réé

«Mosaïques ternies», premier roman marocain d'expression française
A la lecture du texte de Abdelkader Chatt, on peut même se demander si Sefriou n'a pas eu ce livre entre les mains dans sa jeunesse et sans doute, de s'en être inspiré.

L'arrivée des Français au Maroc a été à l'origine de la production d'une littérature faite de récits de voyage où c'était l'occasion de décrire avec plus ou moins de sympathie, pour le public français, la société marocaine, ses us et coutumes. Il a également suscité la production de quelques œuvres purement fictives signées par des écrivains tels René euloge, Madeleine Barrère-Affres ou Joseph Lavieux et bien d'autres.

C'est une littérature marquée du sceau de l'exotisme, de la curiosité pour un orient fantasmé, et animée par le sentiment d'une mission civilisatrice de l'occident envers le reste du monde.

Ce qui ne manque sans doute pas d'agacer des lecteurs marocains de l'époque, très peu nombreux certes, mais très avisés de par leur double culture, tel Abdelkader Chatt et plus tard Ahmed Sefriou et bien avant eux un certain Hajoui et bien d'autres.

On ne connaît presque rien de A. Chatt sauf qu'il est né en 1904, le 8 mai, à Tanger où il a passé toute sa vie jusqu'à ce jour. En plus de ce roman, son unique texte connu en langue française, Chatt a publié en arabe deux recueils de poèmes en 1967 et 1974. Il a également traduit de l'anglais à l'arabe «Moll Flanders» de Daniel Defoe.

A part ces quelques renseignement, rien d'autres que ce que peu nous révéler la lecture de ces écrits. Et la première des choses est sa grande culture et notamment la connaissance de cette littérature coloniale et de la culture orale marocaine qui se déclinait sous forme de contes, de proverbes et de poésie en jazal dont il nous fait découvrir à l'occasion la grande beauté.

On sent que derrière le fait d'écrire chez Abdelkader Chatt comme plus tard, chez Sefriou, il y a le désir de rétablir des vérités, d'expliquer les coutumes du pays et de ses gens, ce qu'il appelle « l'âme marocaine» ; De donner à voir le Maroc par l'un des siens.

D'où ces premiers chapitres sur la vie quotidienne d'une famille tangéroise entre la prière du vendredi, la préparation et la prise des repas en famille, l'activité journalière du personnel de maison, des femmes esclaves etc.

L'envie de raconter pousse souvent l'auteur à procéder à un va-et-vient entre les genres. Il y a bien une ébauche de structure romanesque d'ensemble mais qui de temps en temps glisse vers le conte où la chronique où il n'y a pas d'événements majeurs, pas de rebondissements et donc pas de dénouement.

Dans l'univers de Chatt, la vie se déroule tel un fleuve tranquille dans la quiétude et la monotonie, qu'aucun évènement grave ne vient perturber.
On ne se lasse pas pourtant à la lecture de ce livre où dès les premières pages, les premières lignes, l'auteur, grâce à son talent certain de conteur, nous plonge dans l'univers du Maroc du 19e siècle avec ses personnages, ses décors, ses couleurs et ses odeurs.

On se familiarise d'entrée de jeu avec les deux frères Bennis, Abdellah et Driss, leurs femmes, leur belle-sœur anglaise et leurs servantes ; les Alami dont le père, ancien soldat, nous entraînera dans les dédales du monde fabuleux et dur de la «siba» des tribus et des «harka» du sultan Moulay Abdelaziz.

Ecrit d'une plume inégalement lumineuse, par un observateur perspicace et sensible, à l'affût des infimes vibrations des «âmes» et des choses, le roman de Chatt est une source inestimable d'informations à la fois sur la grandeur de l'époque et de ses misères ; une chronique du désarroi d'un peuple face aux bouleversements annoncés du siècle finissant, plongeant le pays et les hommes dans le tourbillon des incertitudes et de la violence.

Voilà un livre qui mérite d'être traduit dans les langues du pays et surtout d'être enseigné dans nos lycées.
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