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Origine et gestion du développement social

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Certaines périodes de la vie publique sont marquées par des mots qui deviennent par la magie des médias très à la mode, et à force de les entendre on finit par les utiliser comme tout le monde dans le sens généralement utilisé par les non-initiés, autant dire dans tous les sens. Il est important de préciser qu'à l'origine de la visibilité sociale d'un mot ou d'un concept on trouve soit une personnalité importante de la société qui veut impulser un changement ou un leader d'opinion qui veut attirer l'attention sur une dérive. Alors, qu'est ce que le développement social ?

L'origine du développement social

D'abord le développement n'est pas une notion scientifique, c'est plus une croyance, on n'a jamais vu une société emprunter deux fois la même voie pour aboutir au même résultat. Quant au développement social, il a puisé sa problématique et ses méthodes dans différents champs d'intervention : développement du tiers monde, le développement local, le travail social, et les mouvements d'éducation populaire. Il est aussi influencé par des expériences dans les pays anglo-saxons (Community Developpent), «Advocacy planning» etc. Il est donc le fruit des militants associatifs et politiques, des chercheurs désireux de contribuer au changement social ; des travailleurs sociaux qui s'étouffaient dans leurs institutions. De ce fait, il est traversé par les différents débats entre ces multiples acteurs (praticiens, chercheurs, militants, professionnels).

Dans la recherche de la parenté de ce concept, il n'y a pas de filiation linéaire, il n'est même pas un aboutissement d'un processus de transformation de l'intervention sociale qui irait de l'assistance sociale au développement social.
On constate la même diversité sur le plan idéologique, puisqu'on rencontre des courants hétérogènes : le catholicisme social, le socialisme autogestionnaire, le technicisme social, et parfois même le néolibéralisme. Dans cette généalogie complexe et éclatée, trois lignées semblent inspirer les façons de poser les problèmes (problématique) et de les traiter (méthodes) .

Le tiers-mondisme

D'abord la première source du développement social est la philosophie tiers-mondiste qui a pointé les limites des modèles importés grâce aux politiques d'assistance technique, ces dernières ont mis en évidence l'importance des liens étroits entre le développement économique et son corollaire le développement social. Les recettes développementalistes des projets clefs en main ont échoué par-tout dans le monde.

Le développement local

Ensuite, la seconde source du développement social est le développement local. Ce sont les mouvements d'éducation populaire qui ont initié en France ces pratiques du développement local: l'action catholique en milieu rural est un exemple phare. L'idée du développement local est née d'abord comme réaction à la désertification dans la campagne et zones isolées abandonnées par les habitants dans les pays industrialisés. Car sur bien des aspects, ces régions présentaient des problèmes semblables à ceux des pays du tiers monde : dépendance économique, paupérisation des habitants, assistance généralisée, destruction des modes de socialisation traditionnelles, et enfin la disparition des cultures régionales.

Il a fallu alors changer le mode de l'intervention de l'Etat dans le monde industrialisé pour revitaliser ces régions: on est passé d'une politique volontariste et centralisatrice qui s'occupait de tout, à une politique d'action incitative et contractuelle dans laquelle l'Etat est un partenaire qui fixe le cadre d'action et délègue une partie de ces «prérogatives». Une manière de redéfinir la relation entre le «centre» et la «périphérie» dans le domaine de l'action de l'Etat. Cette modernisation de l'action publique qui a mis l'élu local (commune, département, région) au centre des dispositifs d'action sociale a amorcé une «territorialisation» des politiques publiques.

«Les nouvelles» pratiques dans le champ de l'action sociale

Et enfin la dernière source du développement social est celle, qu'on a tendance à appeler «les nouvelles» pratiques d'action sociale. Deux axes sont importants pour mieux caractériser ces pratiques : d'abord une approche globale des problèmes auxquels sont confrontés les groupes sociaux cibles : santé, éducation, logement, espace urbain. Ensuite des modes d'interventions associant souvent les habitants afin de leur permettre d'intervenir dans les processus de l'analyse des besoins et la gestion des équipements collectifs.

Parmi ces pratiques, on peut citer les expériences de P.Freire en Amérique latine et celle de S.Alinsky aux Etats Unis, ou encore celles aux Canada et aux Pays-Bas. De nombreux professionnels de l'action sociale très insatisfaits par les méthodes de case-work, et du groupe-work on réagi contre la psychopédagosiation à outrance des problèmes de société en voulant bâtir d'autres méthodes.

Un des objectifs de ces «nouvelle pratiques» est d'instituer de nouveaux rapports entre les groupes sociaux ciblés et les différents organismes chargés de gérer la vie sociale (région, municipalité, associations, équipement collectifs, institutions sociales) etc. Le but n'est pas simple à atteindre, car les sociétés modernes se caractérisent par le développement des organisations qui investissent tous les registres de la vie sociale : les rapports sociaux sont devenus essentiellement des rapports médiatisés par les institutions. La société devient en partie «étrangère» à elle-même et décalée par rapport à ces codes, vivant une sorte de dédoublement social de la personnalité.

On assiste désormais alors aussi à une production de la société par les organisations et les institutions mises en place, et non seulement à une production des institutions par la société. Un renversement lourd de conséquence avec cette nette normalisation de l'espace et des activités sociales. Ainsi, les solidarités concrètes de voisinages et familles (quartiers, villages, rue) ont tendance à être substitues de plus en plus par des solidarités abstraites des relais sociaux de proximité. Ces dispositifs créent les conditions inhérentes pour se produire et se maintenir comme peuvent en témoigner les expériences dans le monde.

La gestion du développement social

Pour la gestion du développement social, on s'est acheminé progressivement vers une méthodologie fondée sur la notion de projet : diagnostic de la situation, définition des objectifs, mobilisation des moyens, et la mise en place d'une stratégie d'action, et enfin l'évaluation dynamique à toutes les étapes pour rectifier le tir ou continuer la ligne d'action initiale.

Une tentative de la modélisation de la gestion du développement social nous amène à identifier quatre acteurs dans n'importe quel projet social avec des positions et des statuts différents dans le système de gestion. Ce modèle permet de mieux établir la nature des liens entre : les allocataires des moyens, la direction qui transforme les moyens en services, les producteurs de services qui sont les professionnels chargés de «fabriquer» les prestations et de les fournir à la clientèle ciblée (profs, travailleurs sociaux, médecin, les bénéficiaires des services qui sont des usagers réels et bénéficiaires.

En définitive, l'approche «développement social» a surtout apporté un système de gestion basé sur la notion de projet qui peut se résumer essentiellement à une problematisation plus globale des questions à traiter (santé, emploi, éducation culture, habitat, etc), et une volonté plus au moins affirmée de vouloir faire participer les usagers dans la gestion des équipements de proximités, et surtout enfin une «territorialisation» de l'Action publique avec un découpage des espaces en «zones» et sites ciblés. Selon ce modèle, chaque territoire n'est pas un continuum mais apparaît alors traversé par au moins trois logiques : politiques, économiques, et technique.


* Expert consultant en Ressources Humaines et politiques sociales
Extrait d'un livre en cours d'impression
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