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Philippe Faure : «L'INDH sera le thème dominant des entretiens marocains de Dominique De Villepin»

M. Philippe Faure, ambassadeur de France à Rabat, lève le voile sur la visite qu'effectuera au Maroc, les 26 et 27 septembre , le Premier ministre français, M. Dominique de Villepin. Natif de Rabat, il y présidera avec son homologue marocain, M. Driss Je

Philippe Faure : «L'INDH sera le thème dominant des entretiens marocains de Dominique De Villepin»
Ils parleront décentralisation et développement humain avec leurs homologues marocains.

Plusieurs conventions seront signées. Quelques jours avant cette visite, la première au Maroc depuis sa désignation par M. Chirac comme chef du gouvernement, Dominique de Villepin nous a accordé l'entretien suivant.

Le Matin : Le Premier ministre français arrive donc le 26 septembre à Rabat pour le séminaire intergouvernemental annuel…
Philippe Faure :
Oui, ce sera la première visite bilatérale du Premier Ministre à l'étranger en dehors d'Europe, ce qui montre l'importance que la France attache à sa relation avec le Maroc. Ce déplacement devait avoir lieu en juin mais il y a eu le changement de gouvernement en France et nous avons décidé de le reporter à septembre.

Peut-on savoir qui l'accompagne ?
Une forte délégation : six membres du gouvernement, les deux présidents des groupes d'amitié au Parlement, plusieurs grands industriels et patrons de PME. Les six ministres sont les suivants : affaires étrangères, transports et équipement, santé et solidarité, coopération et développement, collectivités locales, commerce extérieur. Les principaux secteurs de notre coopération sont donc couverts.

Qu'auront-ils de commun à se dire, y a t il un thème dominant pour cette rencontre ?
Oui, le thème retenu pour cette année était celui de la coopération décentralisée. Mais compte tenu de l'importance de l'Initiative Nationale lancée par Sa Majesté le Roi, il va de soi qu'il fallait intégrer la dimension développement humain dans la réflexion. Ces deux sujets sont d'ailleurs liés, particulièrement dans le contexte de la relation entre le Maroc et la France. Le thème du séminaire sera donc axée sur la coopération décentralisée et l'INDH.

Comment cela va-t-il se passer?
M. de Villepin arrivera en fin d'après-midi, il rencontrera un groupe représentatif de la communauté française et s'entretiendra avec son homologue, M. Jettou, qui offrira ensuite un dîner en son honneur. Le lendemain, chaque ministre verra son homologue puis participera au séminaire intergouvernemental.

Ne craignez-vous pas que cette rencontre perde un peu en visibilité avec l'organisation deux jours plus tard de la Commission mixte maroco-espagnole ?
Il n'y a aucune concurrence entre la France et l'Espagne. Au contraire, les relations au sommet sont excellentes. Nous partageons avec les Espagnols l'ambition de relancer le partenariat euro - méditerranéen et de donner au prochain Sommet de Barcelone un véritable contenu. En ce qui concerne le Maroc, les complémentarités entre Paris et Madrid sont nombreuses, même sur le plan économique. Je citerai symboliquement le groupe franco-espagnol Altadis, qui a repris la Régie des tabacs marocaine. Par ailleurs, Maroc, France et Espagne travaillent ensemble sur les grands sujets qui sont au cœur de la sécurité régionale : immigration, drogue, terrorisme …

Pour en revenir à la visite de M. de Villepin, y aura-t-il des surprises à attendre ?
Ce sera certes la septième édition d'un exercice bien rôdé, mais il y aura des nouveautés, notamment dans notre approche économique. On verra aussi, je l'espère, quelques annonces intéressantes en matière de signatures de conventions et d'accords commerciaux. Mais ce sont là des questions qui seront abordées et rendues publiques par les deux Premiers ministres. Attendons donc ...!

Dans ce contexte, quels sont les chiffres clés de la présence française au Maroc ?
La rencontre des Premiers ministres constituera en effet l'occasion de rappeler quelques grands chiffres. La France a ainsi réalisé 54 % des investissements directs étrangers au Maroc ces cinq dernières années, ce qui représente 23 % du commerce du Maroc, elle accueille 30 000 étudiants marocains, dont 1000 boursiers du gouvernement français, et scolarise 17 000 élèves marocains dans ses établissements au Maroc. L'aide publique au développement apportée par la France représente 61 % du total de l'aide bilatérale reçue par le Maroc.

Sur le dossier du Sahara, avec la libération des détenus en août dernier, on a l'impression que la France et les Européens sont en retard par rapport aux Américains…
Nous espérons tous que cette avancée humanitaire contribuera à créer les conditions nécessaires au règlement politique de la question du Sahara occidental. La France a soutenu de manière constante la recherche d'une solution politique négociée et acceptable par toutes les parties, dans le cadre des Nations unies. Ainsi que notre ministre des Affaires étrangères l'a redit le 12 juillet dernier à Casablanca, nous souhaitons que le dialogue entre Rabat et Alger se poursuive. Nous continuerons à plaider en ce sens auprès de nos deux partenaires et amis. C'est la clé de la construction du Maghreb, d'un Maghreb uni, stable et prospère économiquement, auquel les populations de la région aspirent.

Mais la libération des prisonniers de guerre est tout de même intervenue avec l'aide des Américains…

Nous nous sommes félicités de la libération, avec l'entremise des Etats-Unis et notamment du sénateur Lugar, mais aussi du CICR et du HCR, des derniers prisonniers de guerre marocains détenus par le Front Polisario. Ils auraient dû être libérés dès 1991 aux termes des conventions de Genève. La France avait mené à ce sujet nombre de démarches, à titre national et avec ses partenaires européens. Il y a eu d'ailleurs plusieurs vagues de libérations partielles (100 ou 200) étalées sur plusieurs années, obtenues avec l'appui de différents Etats européens et arabes. Au-delà de cette dernière libération, je comprends qu'il reste d'autres dossiers humanitaires à régler, notamment la question des disparus pendant le conflit. Nous continuerons, avec l'Union européenne, d'apporter notre appui au CICR et au HCR.

Vous avez cité l'Initiative Nationale sur le Développement Humain. Qu'apportera la France au financement de ces programmes ?
L'initiative lancée par Sa Majesté le Roi sera un des sujets qu'aborderont les Premiers ministres. Notre coopération actuelle vise d'ailleurs les grands domaines de cette initiative : les infrastructures de base, la santé, l'éducation et l'alphabétisation etc. Pour ce qui me concerne, je signerai cette semaine avec l'Agence pour le Développement des Provinces du Nord une des toutes premières conventions de financement internationales inscrites dans l'INDH. Il s'agit de l'installation par Véolia de branchements sociaux et d'assainissement dans la région de Tétouan. Notre part dans ce projet s'élève à 9,2 millions de dirhams.

Vous avez dit qu'il y aurait plusieurs grands industriels dans la délégation du Premier ministre français ?
Oui, une dizaine de chefs de grandes entreprises accompagneront le Premier ministre. Mais il y aura aussi des patrons de PME. Tous se réuniront avec leurs homologues marocains, aux côtés des ministres chargés de l'économie. Les PME, rappelons-le, sont au cœur du tissu économique marocain.

A une semaine de la visite, quel est selon vous le climat réel de la relation entre le Maroc et la France ?
Excellent, comme a pu encore en témoigner le message de sympathie et de prompt rétablissement récemment adressé par Sa Majesté le Roi au Président Jacques Chirac. Chacun connaît la relation personnelle qu'entretiennent les deux Chefs d'Etat. S'agissant des Premiers ministres, le séminaire intergouvernemental sera leur troisième rencontre en trois mois, après celle de Paris en juin et les entretiens à New York en marge de l'Assemblée Générale des Nations unies ce mois-ci.

Quant aux visites ministérielles, leur flux est constant. Et je n'oublie pas les parlements, les collectivités locales, les entreprises, les associations, la société civile : un " forum de la société civile " rassemblera d'ailleurs au mois de janvier au Maroc des parlementaires, des élus locaux et des ONG sur le thème de la " coopération décentralisée au profit des populations et des territoires ".

Est-ce à dire que cette relation ne peut être encore améliorée, qu'elle a atteint son point culminant ?
Elle peut l'être, c'est d'ailleurs l'essentiel de ma tâche. Même entre grands amis, il y a toujours des difficultés à aplanir. Le prochain séminaire intergouvernemental sera l'occasion de les traiter. Je veux parler par exemple de certains dossiers à régler dans le domaine commercial, dans le droit des affaires. Toute activité entraîne son lot de contentieux !

C'est la rentrée scolaire. Les établissements français au Maroc ont refusé beaucoup d'enfants marocains. Quand décidera-t-on d'augmenter les effectifs ?
Ce sujet est douloureux. Il est déchirant pour nous de ne pas pouvoir scolariser tous les jeunes marocains qui le demandent. Les établissements français au Maroc scolarisent, je vous le disais, environ 17 000 élèves marocains. Sur les quatre dernières années, les effectifs ont augmenté d'environ 800 élèves rien que pour l'AEFE (" la Mission "), ce qui représente l'équivalent d'un grand collège.

C'est déjà beaucoup. Nous continuerons à étendre notre offre, notamment grâce à l'OSUI. Mais soyons clairs, nous n'avons pas vocation à nous substituer à l'enseignement marocain, à entrer dans une logique de substitution. Surtout pas. C'est la raison pour laquelle notre deuxième axe d'action est l'appui à la réforme de l'enseignement marocain : il s'agit essentiellement de former les formateurs, de renforcer les capacités administratives et de contribuer à la refonte des programmes. Au total, nous consacrons annuellement une aide de plus de 450 millions de dirhams à l'éducation et à la formation au Maroc.

Comme vous le savez , on parle du cinquantenaire de l'indépendance marocaine dont les commémorations commenceront en novembre : que fera la France à cette occasion ?
Cette commémoration, bien sûr, est d'abord l'affaire de nos amis marocains. Mais naturellement, la France s'inscrira volontiers dans le programme, si notre participation est souhaitée. Car cette histoire commune doit être transmise aux jeunes générations, débattue dans nos deux pays.

C'est exceptionnel qu'une transition se soit faite avec autant d'harmonie et si peu d'acrimonie entre nos deux peuples. Nous travaillons à quelques projets symboliques qui retraceront notre parcours commun: expositions publiques, ouvrages historiques, productions audiovisuelles, débats, etc…Tout cela émanera non seulement des deux gouvernements mais aussi des sociétés civiles et des collectivités locales, comme le montre par exemple l'organisation par la ville d'Aix les Bains, du 14 au 20 novembre prochain, d'une semaine marocaine.

Un dernier mot M. l'ambassadeur ? …

J'en ai déjà trop dit….
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Les nouvelles pistes d'une vieille amitié


Placée sous le signe d'une " infaillible amitié maroco-française", que Paris et Rabat proclament de tous temps, la prochaine visite de Dominique de Villepin au Maroc semble s'inscrire d'emblée dans une continuité évidente.

Cependant, elle peut aussi revêtir un caractère différent, peut-être même exceptionnel, compte tenu du fait que le Premier ministre arrive en chef de gouvernement es qualité, et non en tant que ministre des Affaires étrangères ou de l'Intérieur, comme cela fut le cas ces dernières années. Ce qui implique qu'il parlera au nom de la France, avec l'autorité qui sied à sa fonction à un moment où , convalescence de Jacques Chirac exige, il incarne la voix constitutionnelle autorisée.

Or,Dominique de Villepin ne se rend pas au Maroc uniquement en tant que Premier ministre, soumis au protocolaire calendrier, à un marathon de séances de travail, des entretiens et de la signature de plusieurs accords. Il retrouve sa ville natale, une atmosphère où la nostalgie est, avait-il dit, constituait un puits de ressourcement, quelque chose qui revivifie son attachement à cette terre où il avait vu le jour .

Quand il y a un peu plus de deux ans, il s'était rendu à l'Université Mohammed V et au Centre Jacques Berque, inauguré par lui, pour prononcer des conférences, il n'avait ni su ni pu dissimuler son émotion d'un retour au bercail, de retrouvailles avec une cité et une jeunesse marocaine avide de savoir, suspendue tout entière à son témoignage, à son discours où la teneur poétique renforçait l'étendue de l'analyse sur la Méditerranée, le Maghreb et où la relation avec la France retrouvait un intime fil conducteur.

Une dimension professorale servait ainsi de pédagogie à une conviction voire à un dessein politique…
C'est une tradition dans les rapports franco-marocains qu'aussitôt désignés ou élus, les hauts responsables français pour leur première sortie dans la région maghrébine, se rendent d'abord au Maroc.
Elle est valable aussi bien pour le chef de l'Etat que pour les chefs de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères. Elle illustre depuis des décennies, en dépit de quelques vicissitudes, ce que d'aucuns appellent une " amitié exceptionnelle ", aujourd'hui revêtue d'une autre dimension, économique celle-là, qualifiée de " partenariat stratégique ".

En fait, le mouvement de l'Histoire a forcé et dicté la conduite aux deux Etats, aux gouvernements qui se succèdent ici et là - suivre le désir des peuples - parce que l'inclinaison de ces derniers, illustrée par un vaste et continu mouvement d'échanges, est un rapprochement pour ne pas dire une interpénétration évidente qui, toutefois, ne va pas sans problèmes. L'émigration marocaine vers la France a constitué en son époque un ballon d'oxygène mais à terme une problématique.

Le Premier ministre français, tout à sa volonté de renforcer l'amitié avec le Maroc, n'en est pas indifférent, ne reste pas moins sensible aux critères de la politique intérieure française, à cette date butoir de 2007, à l'horizon présidentiel qui sera précédé par une âpre campagne électorale elle-même dominée, nous assure-t-on déjà, par le thème de l'immigration.

Nul doute que les entretiens qu'il aura avec les responsables marocains fourniront à M. de Villepin le cadre et l'opportunité d'aborder un large éventail de questions relevant de la coopération, de la diplomatie que les deux pays veulent " convergente" sur maints dossiers, des questions épineuses comme le terrorisme et l'islamisme en France.

Il convient de souligner que, pour être si familiers et rester quasiment les mêmes, ces dossiers franco-marocains , relevant de la coopération bilatérale ou multilatérale, imposent chaque fois une nouvelle approche, une autre vision et obéissent à une volonté politique que les deux chefs d'Etat, S.M. le Roi Mohammed VI et le Président Jacques Chirac impriment in fine à l'amitié entre les deux pays.
Jugée à cette aune, le relation entre la France et le Maroc est plus qu'exemplaire.

Par Hassan Alaoui
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