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Retraite anticipée : que sont devenus les volontaires ?

Que sont devenus ceux et celles ayant choisi volontairement de quitter la fonction publique ? Notre enquête menée auprès de certains d'entre eux révèle que la majorité, ayant opté pour la retraite anticipée, se déclare heureuse d'avoir quitté le service p

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Dans le groupe de gens que nous avons pu contacter lors de cette enquête, certains ont entrepris des projets et se sont installés à leur compte. D'autres ont regagné des cabinets et autres entreprises privées qui marchent. Une dernière catégorie n'a toujours pas l'intention d'entreprendre quoi que ce soit. Les témoignages sont différents à l'image des profils rencontrés.

Hakima Lakhdar, médecin, professeur de l'enseignement supérieur, a quitté la fonction publique pour le privé. Elle justifie sa décision par le fait qu'«après 25 ans de médecine publique dans le même service, j'ai le sentiment du devoir accompli. Seule interne à mes débuts dans le service de dermatologie du CHU Ibn Rochd de Casablanca, à mon départ, ce service comprenait 8 professeurs et 38 médecins avec lesquels j'ai mené diverses activités scientifiques, de recherche, de soins sociaux (création de l'Association Gildi, rénovation du service en 2001).

Je pense que les autres ont aussi le droit de diriger le service et de le faire à leur manière, ce qui leur permet de faire leur propre expérience de diriger un service de 50 lits hospitaliers occupés à plus de 90% et qui reçoit en consultation plus de 13.000 malades par an». Aussi, les indemnités versées par l'Etat ont-elles été, pour elle, suffisantes pour monter sa propre affaire qui marche bien.

Architecte urbaniste, ayant exercé ce métier au sein de l'Administration marocaine depuis 1982, Abdellah Bouhaya a, pour sa part, choisi de quitter la fonction publique d'abord par vocation. «Comme vous pouvez le constater, le métier d'architecte s'exerce d'une manière traditionnelle plus dans le secteur privé que dans le secteur public, d'ailleurs, même la réalisation de projets publics (bâtiments publics, administrations ou programmes de logements) initiés par l'Administration sont confiés aux architectes privés», explique-t-il.

Ensuite, les conditions matérielles (salaires et indemnités) servies dans l'Administration ne sont ni attrayantes ni motivantes pour faire carrière dans le secteur public. «Alors, quand l'opportunité de faire le grand saut dans l'exercice libéral de ce métier s'est présentée, avec à la clef un petit pécule (indemnité de départ) qui permet de démarrer, il ne fallait pas laisser passer l'occasion», se défend-il. A la question de savoir si les indemnités versées par l'Etat ont été suffisantes pour monter sa propre affaire, M. Bouhaya répond : «Dans mon cas, pour la location d'un bureau et l'acquisition d'une partie du matériel et un fonds de roulement pour six mois, je n'ai pas à me plaindre, mais de là à assurer par la suite, l'avenir nous le dira».

Pour Amina Alaoui M'hamedi, architecte qui était directrice de l'aménagement urbain et de l'habitat de Casablanca, le travail pour son propre compte est tellement plus enrichissant que la fonction publique. «J'ai occupé ce poste pendant un an et demi avant qu'il disparaisse, le ministère des Finances n'ayant pas validé son existence. Je suis donc partie volontairement et mon poste aussi puisqu'il n'existe plus aujourd'hui. J'ai monté ma propre affaire en association avec un confrère. A vrai dire, ça marche très bien. Je suis très contente d'avoir quitté le secteur public», déclare-t-elle. Officiellement, le système du départ volontaire à la retraite a permis de réduire la masse salariale et d'offrir des occasions pour les jeunes diplômés.

Plus de 39.000 fonctionnaires ont pu bénéficier de cette opération, dont plus de 13.000 partants volontaires du ministère de l'Education nationale et 6.500 du ministère de l'Intérieur. Dans le ministère de la Santé, de nombreux médecins et infirmiers ont décidé de quitter l'hôpital public. L'opération coûterait la somme de 11 milliards DH. Au titre de la loi de Finances 2006, 8,4 milliards y ont été alloués. Une somme qui permettra le règlement des primes de ces fonctionnaires qui ont choisi la retraite anticipée. La vacation de ces 39.000 postes budgétaires a permis à l'Etat marocain de faire une économie sur la masse salariale de l'ordre de 5 milliards DH.

Au titre de la loi de Finances 2006, elle représente 59 milliards DH contre 64 milliards en 2005, soit 12,5 % du Produit intérieur brut (PIB).
Le gouvernement a ainsi mis en place des mesures incitatives visant à favoriser les départs volontaires. Parmi ces mesures, l'on cite l'élargissement du champ de son application pour englober toutes les catégories de fonctionnaires, y compris ceux ne remplissant pas les conditions de la retraite anticipée, sachant bien que ces derniers peuvent demander la récupération des cotisations versées à la CIMR. Ces mesures concernent également la comptabilisation de la prime de départ sur la base d'un mois et demi de salaire pour chaque année de travail exonéré d'impôts, avec un plafond de 36 mois pour les fonctionnaires classés à l'échelle 6 et plus.

Cette opération portera de 15 à 100 % le quota des fonctionnaires désireux de partir en retraite anticipée. Ces mesures incitatives comprennent la prise en compte de la pension de retraite des anciens fonctionnaires sur la base de 2 % du salaire de base et des indemnités fixes jusqu'à l'âge légal de retraite et sur la base de 2,5 % du salaire de base et des indemnités fixes qu'ils percevaient en quittant la fonction publique après avoir atteint l'âge légal de retraite.

Le montant global des indemnisations de ces fonctionnaires devrait atteindre 4,4 milliards de dirhams. Si ces fonctionnaires, dont l'âge varie entre 45 et 59 ans, choisissent de poursuivre leur carrière au sein de la fonction publique jusqu'à l'âge réglementaire de départ à la retraite, la masse salariale de cette catégorie s'élèvera à 27 milliards de DH.

Brahim O., ex-cadre de la CDG, nous a confié que «l'idée de rendre le tablier n'avait jamais effleuré mon esprit, en dépit des notes internes diffusées sporadiquement via Outlook. Plus encore, y acquiescer aurait été déshonorant, une sorte d'abdication, quoi ! Dans la mémoire de nombreux cadres comme moi, accepter de partir équivaudrait à un jet d'éponge et une sorte d'ingratitude de la part de son employeur après tant d'années de loyaux services. Mais j'ai fini par changer d'avis, sans hésitation, faisant fi d'une fierté fallacieuse en fait». La conviction de Brahim a grandi après avoir demandé un jour par curiosité à savoir quelle serait sa pension retraite quand il atteindrait la limite d'âge.

«La déception a été si affligeante que j'ai pris les démarches administratives illico presto et obtenu l'accord, non sans réticence de la part de la hiérarchie», avoue-t-il. Il affirme que «ce départ va me décharger du cumul de fonctions et me permettre de me consacrer entièrement au journalisme. Un hobby qui a impacté négativement sur ma promotion au sein de l'organisme financier où je travaillais».

Le capital départ obtenu lui a permis d'assainir sa situation financière. «Fort d'une expérience de plus de 25 ans de service, je suis assez armé pour entamer le grand virage avec le doigté requis. Entre nous, y a pas mieux que d'être patron de soi-même. N'est-ce pas ?», s'interroge-t-il. En effet, la formule de départ volontaire propose l'augmentation de la valeur de l'indemnité et son plafond respectif d'un mois à un mois et demi et de 30 mois à 36 mois, exonérés de l'impôt général sur le revenu (IGR).

Elle permet aussi aux fonctionnaires qui ne remplissent pas la condition du minimum d'années de service requis pour bénéficier de la retraite anticipée (21 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes), d'adhérer à l'opération de départ volontaire tout en bénéficiant de leur retraite.

Il faut dire que personne n'a regretté le départ de la fonction publique.
Ahmed Ouizid, 55 ans, est parmi ceux ayant bénéficié de l'opération du départ volontaire, après 27 ans de service, dont 12 ans en sa qualité de secrétaire général de la Faculté ses sciences juridiques économiques et sociales de Mohammedia. Ce cadre, administrateur principal, explique qu'il a choisi de quitter la fonction publique pour les raisons suivantes : «Problèmes de santé, pas de statut pour les S.G., absence de formation professionnelle et absence de formation continue». Les indemnités versées par l'Etat lui ont contribué, à 50 %, à subvenir à ses besoins. Il estime qu'il faut attendre une ou deux années pour évaluer ou valoriser une affaire.

De son côté, Mohamed Hmimech ne lui restait que quatre années avant qu'il ne parte à la retraite. Il faisait partie de cette génération diplômée en 1972 et qui a contribué à la marocanisation de l'enseignement. Après 33 ans de service, il était évident qu'il quitte la fonction publique. Il justifie son départ par le fait qu'il se sentait étranger à l'enseignement. «Toute ma génération était partie faire autre chose qu'enseigner.

L'atmosphère qui règne aujourd'hui dans ce secteur, miné par des intrus à la profession, ne me convient plus. D'abord, il n'y a plus de motivation matérielle ou promotionnelle. Ensuite, il n'y a plus de recyclage. Les étudiants de 2005 ne ressemblent plus aux étudiants d'antan. La noble mission du professeur n'est plus respectée. L'enseignant préfère chercher les heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois. Cette pratique n'existait à aucun horizon pour les diplômés. L'enseignement ne fait que des chômeurs», s'indigne-t-il.
«Pour ne rien vous cacher, l'indemnité offerte par l'Etat est très satisfaisante. Car elle va encourager le fonctionnaire de l'enseignement à consommer plus, pour une durée bien déterminée. Mais elle ne permettra pas de créer des projets d'investissement à caractère commercial. L'âge aussi joue un rôle.

Créer une entreprise à l'âge de 50/55 ans est une aventure incertaine. En ce qui me concerne, je ne ferai rien. Je me repose et je vis ma vie», conclut M. Hmimech. Il faut signaler que pour permettre aux anciens fonctionnaires de l'Etat de créer des petites et moyennes entreprises, l'Etat a signé, trois mois après le lancement de l'opération, une convention avec le Groupement interbancaire, pour leur accorder des prêts allant jusqu'à 500.000 sur 6 ans, à un taux d'intérêt de 6,9%.

Mustapha Raddad, aujourd'hui fiduciaire, a créé son cabinet de comptabilité, de conseil et d'assistance juridique, après avoir été fonctionnaire au ministère des Finances (Direction des impôts) en qualité d'inspecteur divisionnaire depuis 31 ans. Il déclare avoir opté pour le départ volontaire, parce que «j'ai eu ras-le-bol… ras-le-bol et ras-le-bol. Lorsque l'occasion s'est présentée, je n'ai pas hésité. Et j'ai trouvé qu'il était temps de quitter cet espace kafkaïen où j'ai vécu depuis trois décennies.

Mon statut : choix d'intellectuel, Don Quichotte, combattant les moulins à vent, structures pourries et corrompues qui gèrent la chose publique, où le règne de l'impunité est la règle sacrée et où le citoyen n'est qu'un gibier dans une réserve non gardée (par la loi)». M. Raddad précise avoir quitté l'administration «sans regret pour réparer une erreur de jeunesse et pour travailler dans un cadre libre de toute astreinte». Son projet qui marche très bien a permis à plusieurs cadres des Finances qui ont opté aussi pour le départ volontaire de trouver surtout un cadre favorable.

L'un d'entre eux est Driss Ghabari, ex-chef de la circonscription domaniale de Mohammedia et Benslimane. Il a quitté la fonction publique pour deux raisons : «La première pour profiter du départ volontaire que je trouve personnellement une occasion précieuse pour un responsable qui a enduré pendant 32 ans de service la lourdeur des charges qui pesaient sur moi en me trouvant confronté aux nombreux problèmes complexes liés à la gestion d'un important patrimoine foncier domanial». M. Ghabari ajoute : «La deuxième raison est de me permettre d'exercer une profession libérale, pas trop exigeante qui me permet de m'occuper de ma famille». Il juge que l'indemnité qui lui a été versée pour son départ est insuffisante pour monter une affaire personnelle importante.
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