Le Matin : Que pensez-vous du FIFM ?
Rossy de Palma : Le festival est très bien fait, il grandit de jour en jour. Si j'étais membre du jury, j'aurai pu avoir une impression plus approfondie. Mais le Maroc se représente avec événement réussi entre plusieurs autres festivals. Cela pousse les créateurs à réaliser plus de films mais aussi montrer ce qu'est le Maroc moderne. Je n'ai jamais été ici auparavant. J'étais déjà venue au sud du Maroc pour un tournage, et j'avais tellement adoré rester. Mais ici à Marrakech, c'est magnifique, trop magnifique. J'étais partie dîner à la Place Jamaâ El Fna et c'était la merveille du monde, on a dansé un peu dans la rue….
Les membres de la délégation ont été très nombreux, comment avez-vous réussi à faire venir tout ce monde ?
Je pense que c'est très important pour nous. Les politiciens font leur travail, et nous, en tant qu'artistes, on fait l'effort de se rapprocher, c'est important.
Dans le domaine de l'art, on arrive à accomplir des choses intéressantes pour la société. Nous avons une sensibilité plus proche de la réalité, nous ne sommes pas piégés dans des contraintes de bureaucratie énorme, qui éloigne parfois beaucoup de la réalité sociale. Et moi, comme je me considère artiste sociale, à travers diverses expressions artistiques, soit dans la comédie, dans la musique que je fais, je crée une sorte de thérapie qui nous aide beaucoup à comprendre le monde, mais aussi de casser plusieurs murs.
Dans votre dernier rôle, vous jouez le personnage d'un travesti, cela vous a demandé beaucoup d'investissement…
L'investissement pour moi est de s'oublier soi-même. C'est difficile pour certains, mais moi je ne me laisse pas impressionner, j'ai fait beaucoup de théâtre, de la musique... Je n'aime pas travailler dans l'angoisse. Je me suis mise donc dans la peau d'un homme qui devient une femme. En réalité, il faut dire que personne ne peut faire ça juste par caprice. Il y a des personnes qui sont dans camps auxquels ils n'appartiennent pas. C'est la nature. Mais il y a des gens radicaux qui ne le comprennent pas. Les travestis sont obligés de vivre clandestinement. Je pense qu'il faut comprendre l'être humain et le respecter. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'incompréhensions. Il y a toujours des forces qui empêchent l'homme d'être libre. Même au Maroc, le pays vient de fêter la cinquantième année de l'indépendance...
Comment choisissez-vous vos rôles ?
Je me laisse emporter par le metteur en scène parce que c'est lui le capitaine du bateau. Il m'arrive de dîner avec un metteur en scène, et avant même de finir le dîner j'accepte le rôle. Si je sens cette alchimie avec le capitaine, je pars à l'aventure parce que je me sens à l'aise. Un film est une aventure. C'est l'expérience humaine. Les photos et la star système ne m'épatent pas. Je m'intéresse au plus profond. Les conversations avec la maquilleuse, les confidences, l'amitié, les rapports humains sont plus intéressants. Et puis, il y a le public. S'il s'amuse, je me sens contente.
Quand vous n'êtes pas en
tournage, vous faites quoi ?
Je ne me frustre pas. Je me consacre à mes autres passions : j'écris, je compose de la musique, je réalise des créations de mode. Depuis toute jeune je faisais des dessins. C'est vrai qu'on est souvent habillé par les grands créateurs, mais quand je porte mes créations, je me sens plus à l'aise.
Jean Paul Gauthier, avec qui j'ai travaillé, m'offre souvent des tenues. Il y a des stylistes généreux et d'autres non… en plus, j'ai des problèmes à dépenser beaucoup d'argent dans les fringues, ou dans un sac, je préfère qu'on me l'offre (rires), parce que je ne peux pas. Pour mon dernier rôle de travesti, j'avais dans mon placard des tenues historiques. Des pièces uniques et classiques de grands stylistes, et que je garde pendant des années.
C'est parce que je les crée aussi. Je donne de l'argent quand ça vaut le coup. Par exemple, pour un bijou berbère, quand j'étais au sud du Maroc, la personne qui me vendait les bijoux, ce n'est pas elle qui l'a créé. C'est plutôt cette femme dans l'oasis, sous sa tente, elle travaille pour échanger ses bijoux berbères avec du lait.
S'il faut que je paye cet argent à la femme ,je le ferai volontairement. Mais de payer à ce revendeur, non, parce que moi j'apprécie ce bijou plus que lui, et je valorise plus le travail. La femme qui l'a travaillé mérite d'avoir le prix double mais pas le vendeur.
Au sud du Maroc, si j'avais la possibilité de rester, j'aurai pu faire beaucoup de belles choses. J'auraisaimé faire business-woman. J'allais prendre des vélos et leur placer des petits parasols, comme on fait chez nous à Mallorca pour les touristes. J'allais créer des Djellaba en jeans, j'allais rester là-bas à créer… je me sentais tellement à l'aise dans le sud.
Quel regard portez-vous sur
le cinéma espagnol ?
Je ne sais pas… je suis citoyenne du monde. Je n'aime pas mettre les choses dans des capsules. C'est vrai que le cinéma espagnol a besoin de plus d'aide du gouvernement pour être fort et devenir une véritable industrie pour ne pas se faire dépasser par le cinéma américain. Dans mon cas, je ne peux pas parler du cinéma espagnol parce que je travaille plus en France depuis des années. Franchement, j'ai du mal à parler des territoires. J'aime parler de tout, de manière générale, dans le sens qu'on est tous pareils partout.
Et par rapport au cinéma
marocain ?
Ce qui m'intéresse est de savoir si les créateurs d'ici ont la liberté d'expression. S'ils peuvent dire ce qu'ils pensent ou bien ils ont toujours la censure derrière. Vous avez un Roi très moderne et jeune, et je pense qu'il est là pour aider les autres à s'exprimer. Il ne faut pas avoir peur. Le plus dangereux est de ne pas dire ce qu'on pense.
Les artistes peuvent se débrouiller même sur le plan artistique et matériel. Le cinéma marocain, comme la culture marocaine et arabe, est composée de poésie et de métaphore, de la nature, de la vie, d'observation et beaucoup de spiritualité.
C'est sûr donc que les créateurs peuvent toujours trouver la façon de dire sans dire, mais tant mieux s'il y a plus de liberté d'expression.
Rossy de Palma : Le festival est très bien fait, il grandit de jour en jour. Si j'étais membre du jury, j'aurai pu avoir une impression plus approfondie. Mais le Maroc se représente avec événement réussi entre plusieurs autres festivals. Cela pousse les créateurs à réaliser plus de films mais aussi montrer ce qu'est le Maroc moderne. Je n'ai jamais été ici auparavant. J'étais déjà venue au sud du Maroc pour un tournage, et j'avais tellement adoré rester. Mais ici à Marrakech, c'est magnifique, trop magnifique. J'étais partie dîner à la Place Jamaâ El Fna et c'était la merveille du monde, on a dansé un peu dans la rue….
Les membres de la délégation ont été très nombreux, comment avez-vous réussi à faire venir tout ce monde ?
Je pense que c'est très important pour nous. Les politiciens font leur travail, et nous, en tant qu'artistes, on fait l'effort de se rapprocher, c'est important.
Dans le domaine de l'art, on arrive à accomplir des choses intéressantes pour la société. Nous avons une sensibilité plus proche de la réalité, nous ne sommes pas piégés dans des contraintes de bureaucratie énorme, qui éloigne parfois beaucoup de la réalité sociale. Et moi, comme je me considère artiste sociale, à travers diverses expressions artistiques, soit dans la comédie, dans la musique que je fais, je crée une sorte de thérapie qui nous aide beaucoup à comprendre le monde, mais aussi de casser plusieurs murs.
Dans votre dernier rôle, vous jouez le personnage d'un travesti, cela vous a demandé beaucoup d'investissement…
L'investissement pour moi est de s'oublier soi-même. C'est difficile pour certains, mais moi je ne me laisse pas impressionner, j'ai fait beaucoup de théâtre, de la musique... Je n'aime pas travailler dans l'angoisse. Je me suis mise donc dans la peau d'un homme qui devient une femme. En réalité, il faut dire que personne ne peut faire ça juste par caprice. Il y a des personnes qui sont dans camps auxquels ils n'appartiennent pas. C'est la nature. Mais il y a des gens radicaux qui ne le comprennent pas. Les travestis sont obligés de vivre clandestinement. Je pense qu'il faut comprendre l'être humain et le respecter. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'incompréhensions. Il y a toujours des forces qui empêchent l'homme d'être libre. Même au Maroc, le pays vient de fêter la cinquantième année de l'indépendance...
Comment choisissez-vous vos rôles ?
Je me laisse emporter par le metteur en scène parce que c'est lui le capitaine du bateau. Il m'arrive de dîner avec un metteur en scène, et avant même de finir le dîner j'accepte le rôle. Si je sens cette alchimie avec le capitaine, je pars à l'aventure parce que je me sens à l'aise. Un film est une aventure. C'est l'expérience humaine. Les photos et la star système ne m'épatent pas. Je m'intéresse au plus profond. Les conversations avec la maquilleuse, les confidences, l'amitié, les rapports humains sont plus intéressants. Et puis, il y a le public. S'il s'amuse, je me sens contente.
Quand vous n'êtes pas en
tournage, vous faites quoi ?
Je ne me frustre pas. Je me consacre à mes autres passions : j'écris, je compose de la musique, je réalise des créations de mode. Depuis toute jeune je faisais des dessins. C'est vrai qu'on est souvent habillé par les grands créateurs, mais quand je porte mes créations, je me sens plus à l'aise.
Jean Paul Gauthier, avec qui j'ai travaillé, m'offre souvent des tenues. Il y a des stylistes généreux et d'autres non… en plus, j'ai des problèmes à dépenser beaucoup d'argent dans les fringues, ou dans un sac, je préfère qu'on me l'offre (rires), parce que je ne peux pas. Pour mon dernier rôle de travesti, j'avais dans mon placard des tenues historiques. Des pièces uniques et classiques de grands stylistes, et que je garde pendant des années.
C'est parce que je les crée aussi. Je donne de l'argent quand ça vaut le coup. Par exemple, pour un bijou berbère, quand j'étais au sud du Maroc, la personne qui me vendait les bijoux, ce n'est pas elle qui l'a créé. C'est plutôt cette femme dans l'oasis, sous sa tente, elle travaille pour échanger ses bijoux berbères avec du lait.
S'il faut que je paye cet argent à la femme ,je le ferai volontairement. Mais de payer à ce revendeur, non, parce que moi j'apprécie ce bijou plus que lui, et je valorise plus le travail. La femme qui l'a travaillé mérite d'avoir le prix double mais pas le vendeur.
Au sud du Maroc, si j'avais la possibilité de rester, j'aurai pu faire beaucoup de belles choses. J'auraisaimé faire business-woman. J'allais prendre des vélos et leur placer des petits parasols, comme on fait chez nous à Mallorca pour les touristes. J'allais créer des Djellaba en jeans, j'allais rester là-bas à créer… je me sentais tellement à l'aise dans le sud.
Quel regard portez-vous sur
le cinéma espagnol ?
Je ne sais pas… je suis citoyenne du monde. Je n'aime pas mettre les choses dans des capsules. C'est vrai que le cinéma espagnol a besoin de plus d'aide du gouvernement pour être fort et devenir une véritable industrie pour ne pas se faire dépasser par le cinéma américain. Dans mon cas, je ne peux pas parler du cinéma espagnol parce que je travaille plus en France depuis des années. Franchement, j'ai du mal à parler des territoires. J'aime parler de tout, de manière générale, dans le sens qu'on est tous pareils partout.
Et par rapport au cinéma
marocain ?
Ce qui m'intéresse est de savoir si les créateurs d'ici ont la liberté d'expression. S'ils peuvent dire ce qu'ils pensent ou bien ils ont toujours la censure derrière. Vous avez un Roi très moderne et jeune, et je pense qu'il est là pour aider les autres à s'exprimer. Il ne faut pas avoir peur. Le plus dangereux est de ne pas dire ce qu'on pense.
Les artistes peuvent se débrouiller même sur le plan artistique et matériel. Le cinéma marocain, comme la culture marocaine et arabe, est composée de poésie et de métaphore, de la nature, de la vie, d'observation et beaucoup de spiritualité.
C'est sûr donc que les créateurs peuvent toujours trouver la façon de dire sans dire, mais tant mieux s'il y a plus de liberté d'expression.
